C’est le constat dans les pratiques de délivrance de cet élément important qui entre dans la constitution de dossiers administratifs et autres commodités. Une incursion dans les dédales de sa délivrance dont les pratiques choquent.
« La première fois qu’il m’est arrivé de faire le certificat médical, c’est lorsque je devais faire le concours de l’IUT (Institut Universitaire de Technologie) de l’Université de Ngaoundéré. Je n’ai pas été examiné. Le médecin a juste demandé la raison du certificat et le nom tel que mentionné sur la Carte Nationale d’Identité », raconte Moukilan Mahamat, étudiant. En matière d’obtention de ce document médical essentiel, chaque usager à ses histoires à raconter. « Lors de la constitution des dossiers du permis de conduire, le médecin a simplement mentionné les raisons du certificat médical sans passer par un entretien, ni prises des paramètres », indique Abdouramane, chauffeur. Des tenanciers des cantines dans les établissements n’en font pas moins. Approchés par nos soins, certains sont sans embages. Ni les lieux de préparation des aliments, ni le personnel affecté à la cuisine n’a fait l’objet d’une consultation. « Je vends des aliments aux élèves dans cet établissement depuis des années. En début, le chef d’établissement exige un certificat médical. Le médecin qui nous délivre ce document se contente juste des explications que nous lui donnons par rapport à notre état de santé », raconte sous anonymat, une vendeuse d’aliments dans une cantine scolaire à Ngaoundéré. Et de souligner : « Une inspection de la cuisine n’a jamais été faite, mais bon, nous nous battons à offrir ce que nous pouvons aux enfants pendant les différentes pauses à l’école ».
Le cri d’alerte des usagers
Selon d’autres usagers, des services n’ayant pas qualité délivrent des certificats médicaux. « Tout récemment, je devais postuler à un recrutement. Grande était ma surprise de me rendre que des certificats médicaux signés sont déposés dans les sous-préfectures dans la ville de Ngaoundéré. Le ”médecin de circonstance n’a qu’à mettre le nom du demandeur et l’objectif du certificat médical », relate Kaoutou, usager. Des propos confirmés par un autre qui dit avoir obtenu un certificat médical dans les mêmes circonstances que Kaoutou. « Je n’ai jamais compris qu’on pouvait délivrer un certificat médical dans une sous-préfecture, mais je l’ai confirmé de moi-même lors de la constitution d’un dossier de recrutement à l’université. Je n’ai jamais été examiné par un médecin ni un autre personnel de santé de quelque rang que ce soit », corrobore Christian. Des faits qui jettent le doute sur l’importance du certificat médical dans les usages médicaux et administratifs au Cameroun.
Pourtant, dans les hôpitaux, le certificat médical fait partie des éléments qui font entrer de l’argent dans les caisses. A l’Hôpital Régional de Ngaoundéré par exemple, c’est en moyenne 270 à 300 certificats médicaux produits mensuellement pour une recette d’environ 486.000 pour les périodes ordinaires. Pendant la période des concours, ces chiffres peuvent être doublés ou triplés.
Rapprochés, les médecins rappellent l’importance du certificat tout en relevant la méthode de son obtention. Selon le docteur Yanick Jame Afane, médecin, « Le certificat médical est un document officiel délivré par un médecin inscrit à l’ordre et travaillant dans un hôpital public. Il permet de retracer ou de décrire d’une façon synthétisée l’état de santé d’un individu ».
Multiples usages
Le certificat médical dont la délivrance semble banalisée est pourtant requis pour plusieurs raisons. Selon le docteur Yanick Jame Afane, son usage va du simple concours d’entrée dans les écoles supérieures à des pratiques professionnelles comme la conduite. « Le certificat médical a pour rôle de prouver si vous (le demandeur) êtes aptes, si l’état de santé est correct pour une activité quelconque ». Et de poursuivre, « Si c’est pour l’enseignement par exemple, est-ce que vous voyez bien. Parce qu’un enseignant puisse être capable de voir pour écrire au tableau. Il en est de même pour ceux qui veulent faire dans l’armée s’ils peuvent courir ». A en croire ce médecin, le certificat médical va au-delà de sa simple délivrance. « Pour la conduite, on regarde est-ce que la vision est correcte. Si ce n’est pas le cas, on demande de faire des consultations ophtalmologiques et si la vision n’est pas toujours correcte, on conclut que votre vision n’est pas comptable pour la conduite ». Dans les auto-écoles, l’on navigue dans le même sens que le médecin, sauf qu’ici, ils rejettent rarement les dossiers des candidats à la conduite. « Nous exigeons comme le veut la règlementation, un certificat médical à toute personne inscrite pour le permis de conduire. Il permet de nous dire si vous êtes apte ou pas » indique Aziz, moniteur dans une auto-école à Ngaoundéré.
Poursuites judiciaires.
Au vu de l’importance que revêt le certificat médical, le législateur a mis des garde-fous. Selon Antoine Ombala, juriste, le certificat est document officiel dont la falsification est passible d’une peine privative de liberté. « En cas de falsification, il faut dire qu’on va se placer sous deux angles. Premièrement si c’est un médecin qui établit un faux certificat, il tombe dans les liens de la prévention de l’article 259du code pénal. Il encourt une privation de liberté allant de deux mois à 3 ans ». Et d’ajouter : « De l’autre côté, une personne qui utilise un faux certificat médical tombe dans les liens de la prévention de l’article 314 avec une privation de liberté allant de 3 à 8 ans ».
Selon de nombreuses personnes, des médecins aux usagers, tous s’accordent sur la délivrance fantaisiste et complaisante du certificat médical dans les hôpitaux. Ce dernier reste du moins, un élément de preuve sur l’état de santé de son détenteur. La délivrance fantaisiste et sans consultations véritables du demandeur est à l’origine de plusieurs dérives constatées chez des chauffeurs qui ont la tremblote au volant. Ce qui représente une menace pour les usagers de la voie publique.
Jean Besane Mangam