« On ne peut pas sous-traiter notre santé auprès de quelqu’un d’extérieur qui va se charger de poser le diagnostic de nos maux pour nous dire voilà ce dont vous souffrez. On ne peut plus continuer à travailler comme par le passé. »
Quels sont les objectifs assignés à cette conférence Internationale par le Centre Africain pour le Contrôle et la Prévention de la Maladie (CACM) ?
Les objectifs sont très clairs. Si je fais un feedback dans le passé, il n’y a pas une conférence qui est dédiée aux questions de santé publique en Afrique. Depuis la mise en place du CACM, nous, nous sommes attelés, à mettre sur pied cette plateforme qui va offrir, aux chercheurs aux décideurs, aux acteurs des secteurs et toutes les parties prenantes l’opportunité de discuter des questions de santé sur le continent africain. Il est donc question de rassembler les personnes capables de contribuer efficacement à cela. C’est pour cela que l’Union africaine existe ; pour rassembler les Africains et les peuples qui collaborent avec les africains. Ceci dans le but de pouvoir mener des réflexions au sujet des problèmes de l’Afrique et adopter des solutions selon nos convenances et selon ce que nous considérons comme prioritaires pour nous.
Quel est l’intérêt d’un événement de cette nature pour le citoyen africain lambda ?
L’intérêt basique ici, c’est que c’est des questions de santé; des questions qui nous concernent tous. Nous convenons tous que les questions de santé ne doivent pas intéresser que les experts. En observant bien le système de santé, vous verrez qu’il est structuré de telle sorte que les déterminants de la santé ne sont pas directement liés à la santé publique. Nous verrons donc qu’il y a des questions qui touchent à l’eau, à l’hygiène, à l’assainissement. Ce sont des questions de santé. Par exemple quand il y a des manquements du genre : de l’eau qui n’est pas bien traitée et que survient une épidémie de choléra, ce n’est pas par exemple le ministère de la Santé qui doit s’occuper de ces manquements. Cependant le ministère traite des conséquences générées par l’eau de mauvaise nature. Donc c’est une question qui intéresse toute la Société. Les questions de santé se veulent transversales. C’est d’ailleurs pour cela que dans le cadre de cette conférence bien précise, il y a un objectif qui est assigné aux communautés, aux populations en général ou n’importe qui, qui a besoin d’exprimer son point de vue de parler des questions qui sont liées à son environnement, des questions qui sont liées à sa santé et de tous ces défis qui s’imposent à son vécu.
Concernant les parties prenantes: qui est présent à cette conférence ?
Je dirai que tout le monde est présent. Je vais m’expliquer. Nous allons commencer par les organisateurs de cette conférence. Le CACM est là et c’est sa conférence. Nous avons des partenaires qui travaillent dans le secteur de la santé et que je préfère ne pas nommer. Nous avons les Etats membres de l’Union africaine. Le Rwanda par exemple qui est le pays hôte de cette conférence. On peut constater que tous les segments de la société rwandaise sont représentés. Allant des responsables au niveau communautaire jusqu’au Premier ministre en passant par le ministre de la Santé. Nous avons d’un autre côté, les institutions académiques, les universités sont représentées, les instituts de recherche et les institutions qui s’occupent des questions de population.
Et si le Cameroun souhaite accueillir la Conférence, que faut-il Faire ?
Nous ne sommes qu’à la deuxième édition de cet événement. La première édition a eu lieu en 2021, a été organisée de manière totalement virtuelle. Parce qu’il fallait tenir compte de la pandémie du Covid-19. Une période durant laquelle les personnes ne pouvaient plus se déplacer en toute aise. Pour accueillir cet événement, le Rwanda a simplement manifesté le désir d’abriter cette conférence. Nous sommes ouverts à toute proposition venant de la part de tout pays africain qui souhaite faire pareil. Pour ce qui est de l’année prochaine par exemple, la conférence aura lieu en Zambie. Si le Cameroun est intéressé, il peut officiellement notifier au CACM son intention d’abriter et dès lors, il travaillera avec le secrétariat chargé d’organiser cette réunion. Les critères seront traités au fur et à mesure. Il faut tout de même relever que le pays à choisir doit être d’accès facile. Un pays ou les questions liées à l’accès au visa ne pose pas beaucoup de problèmes.
Quels sont les résultats escomptés au soir de cette conférence ?
Nous dirons qu’ici, tout ce que nous faisons, a pour objectif ultime d’assurer la sécurité sanitaire sur l’ensemble du continent. Parvenir à des systèmes de santé, bien pensés, solides, efficaces, forts et résilients qui pourront absorber les chocs liés à différentes menaces de santé publique.
L’après cette conférence comment envisagez vous suivre et optimiser tout ce qui s’est fait durant ces 3 derniers jours a Kigali ?
Nous avons effectivement un mécanisme de suivi. Ça ne sert a rien de faire la conférence pour la conférence. Déjà ça se voit que cette édition a été profondément orientée vers la mise en œuvre, l’opérationnalisation; donc c’est des solutions pratiques. N’importe quel acteur doit retourner avec pour mission de les implémenter dans son cadre quotidien de vie. En plus, nous travaillons avec les Etats membres. Nous leur rappelons que les recommandations de cette conférence doivent être mises en œuvre dans des domaines bien particuliers. Par exemple pour la question du renforcement des systèmes de santé, quelles sont les actions prioritaires qui doivent être exécutées ? Il y a par exemple les questions de surveillance; les questions de réseaux de laboratoires etc.
Donc c’est des approches de monitoring pratiques qui vont jusqu’au niveau des communautés qui eux aussi ont un rôle à jouer pour garantir la sécurité sanitaire. C’est des solutions pratiques qu’on parle ici. Je crois que leur mise en œuvre ne fera pas problème.
Le CACM a annoncé la mise Sur pied d’un groupe de jeunes conseillers. Quel sera exactement son rôle ?
Vous savez, la population africaine est jeune. Plus de 60 % de cette population est âgée de moins de 15 ans. Rien ne se fera sans les jeunes. Il est question d’avoir des jeunes gens, qui vont se mettre ensemble, agir pour sécuriser, sensibiliser les autres jeunes à prendre conscience des questions de santé telles que les questions de vaccination par exemple; ceci afin que ces derniers s’engagent a se faire vacciner. Voila le rôle que ces jeunes là seront appelés à jouer auprès de leurs pairs. Ce sont des gens qui seront choisis au sein de leurs communautés parce qu’ils sont écoutés, ont un certain leadership, parce qu’ils sont artistes ou sportifs etc. Ce sera des gens qui ont un certain nombre de personnes qui les suivent. Ils devraient servir d’exemple pour beaucoup plus jeunes autours d’eux les conduisant à adopter des comportements en adéquation avec les prescription des experts du secteur de la santé. En ce qui concerne leur nombre, il n’est pas encore fixé. Vous convenez avec moi que le continent est vaste. Il faudra agir en conséquence.
Pourquoi jusqu’à présent les africains n’avaient pas ouvertement décidé de prendre leur destin sanitaire en main ?
Il y a plusieurs raisons à cela. Dans un premier temps, il y a eu des problèmes de priorisation. Lorsqu’on regarde de plus prêt, on réalise tout de suite que c’est aussi l’investissement dans la santé et dans la recherche qui fait problème. Si les Etats africains ne mettent pas les moyens, personne ne viendra le faire à leur place. Je crois qu’avec le passage de la Covid-19 nous avons appris des leçons. Actuellement, nous sommes dans une nouvelle dynamique. Nous espérons que nous allons y arriver. On ne peut pas sous-traiter notre santé auprès de quelqu’un d’extérieur qui va se charger de poser le diagnostic de nos maux pour nous dire voilà ce dont vous souffrez. On ne peut plus continuer à travailler comme par le passé. Il est question de prendre la responsabilité de nous occuper de nos propres problèmes; en investissant davantage dans la recherche et financer notre système de santé de façon responsable. Ce qui est aussi ou sans doute notre façon de contribuer à la décolonisation de la santé globale. Il faut tenir compte des aspirations des peuples africains. C’est pour cela que nous avons défini le nouvel ordre de santé publique africaine. Décoloniser la santé c’est premièrement avoir des institutions fortes au niveau africains qui se chargeront de définir leurs politiques, parce que nous connaissons nos problèmes mieux que quiconque. Le deuxième aspect est relatif à la formation du personnel qui s’occuperont de ces institutions lorsqu’elles seront mises en place. Le troisième aspect, c’est la fabrication au niveau continental des médicaments, des vaccins et d’autres produits de santé. Nous avons bien vu ce qui s’est passé avec la Covid-19 lorsque les vaccins ont commencé à être disponibles. L’Afrique n’avait pas accès aux vaccins. C’est pourquoi même les partenariats devraient désormais être respectueux de nos priorités.