Extrême-Nord Les inondations mettent à mal la santé des populations
Les récentes inondations qui ont frappé l’Extrême-Nord du Cameroun ont des conséquences désastreuses sur la santé des populations. Au-delà des dégâts matériels considérables, c’est tout un système de santé déjà fragilisé qui est mis à rude épreuve.
Depuis le mois de juillet, la région de l’Extrême-Nord fait face à de fortes pluies qui ont occasionné des dégâts matériels importants ainsi que des inondations dans plusieurs localités des départements du Diamaré, Mayo-Tsanaga, Mayo-Danay, Mayo-Kani et Logone et Chari.
Selon la direction de la météorologie nationale, les prévisions saisonnières ont annoncé une pluviométrie excédentaire avec des cumuls saisonniers estimés à 125% au-dessus de la normale pour la période d’août, septembre et octobre. En outre, l’observation des fleuves a laissé entrevoir une montée très importante du niveau des eaux, laissant craindre un risque d’inondation fluviale dans les semaines à venir.
Faits saillants
Selon le Bureau de la coordination des affaires humanitaires des Nations Unies, environ 200 075 personnes sont affectées par les inondations dans 5 départements de l’Extrême Nord : Logone et Chari, Mayo-Danay, Diamaré, MayoTsanaga et Mayo-Kani. Plus de de 12 541maisons détruites/endommagées, 7 870 hectares de surfaces cultivables inondés et 1 298 têtes de bétail perdus. Au moins 11 personnes décédées, dont 4 enfants noyés à la suite de fortes pluies dans la ville de Maroua. A publié le 10 septembre 2024 OCHA
Environ 3 000 hectares de cultures ravagées, plus de 1 000 têtes de bétail perdues, c’est le bilan provisoire des inondations qui frappent la région de l’Extrême-Nord du Cameroun depuis plusieurs semaines a annoncé le gouvernement camerounais le 13 septembre 2024. La veille, le principal pont reliant plusieurs quartiers de la ville de Yagoua, chef-lieu du département du Mayo-Danay, s’est effondré à la suite de fortes pluies, entraînant une situation humanitaire préoccupante dans cette localité. Face à cette situation, le gouvernement fournit une aide d’urgence aux populations sinistrées.
Un cocktail de maladies
L’eau stagnante, les conditions d’hygiène dégradées et la destruction des infrastructures sanitaires favorisent la propagation de nombreuses maladies. Le choléra, la fièvre typhoïde et d’autres infections d’origine hydrique toujours prêtent à sévir sévèrement, surchargeant les centres de santé déjà débordés. Les moustiques prolifèrent dans les zones inondées, entraînant une hausse des cas de paludisme, de dengue et de filariose. Les problèmes de peau, comme les mycoses, sont également fréquents. Faisant récemment le le point de la situation épidémiologique, le ministre de la Santé publique, le Dr Manaouda Malachie a récemment a indiqué :« Pour ce qui est du choléra, bien qu’aucune flambée n’ait été signalée au courant de l’année 2024, la saison des pluies et les inondations récentes dans les régions de l’Extrême-Nord et du Nord nous obligent à rester vigilants.» il a rajouté « A cet effet, la préparation est renforcée dans les Districts de Santé à haut risque afin de contrôler rapidement les épidémies prévisibles. C’est dans cette optique que nous avons pris des dispositions pour pré-positionner les intrants dans lesdites zones à risque. »
L’UNICEF pour sa part a rappelé que dans cette situation, les enfants sont particulièrement vulnérables. La destruction des cultures entraîne une insécurité alimentaire et une malnutrition chronique, avec des conséquences à long terme sur leur croissance et leur développement. De plus, le stress et les traumatismes liés aux inondations peuvent avoir des répercussions importantes sur leur santé mentale.
Des conséquences à long terme
Les effets des inondations ne se limitent pas au court terme. L’utilisation excessive d’antibiotiques pour traiter les infections liées aux inondations favorise l’émergence de bactéries résistantes, posant un défi majeur pour la santé publique. De plus, les déplacements de populations engendrés par les catastrophes naturelles aggravent la situation sanitaire, en raison des conditions de vie précaires dans les camps.
Aléas climatiques, un facteur aggravant
Les scientifiques alertent sur le lien entre les inondations récurrentes et le changement climatique. L’augmentation de la fréquence et de l’intensité des événements extrêmes met en évidence la nécessité d’adapter les systèmes de santé aux nouveaux défis.
Quelles solutions ?
Pour faire face à cette crise sanitaire, de nombreux experts aussi bien de la société civile que des organisations internationales non-gouvernementales, préconisent que plusieurs actions soient entreprises : Prévention: Renforcer les systèmes d’alerte précoce, améliorer l’accès à l’eau potable et à l’assainissement, et mener des campagnes de sensibilisation sur les bonnes pratiques d’hygiène. Accès aux soins: Garantir l’accès aux soins de santé pour toutes les populations affectées, en particulier les plus vulnérables. Renforcer les capacités des centres de santé et assurer un approvisionnement régulier en médicaments. Collaboration: Favoriser une collaboration étroite entre les acteurs de la santé, les autorités locales et les organisations humanitaires pour une réponse coordonnée et efficace.
En conclusion, les inondations de l’Extrême-Nord du Cameroun représentent une véritable catastrophe humanitaire. Il est urgent de renforcer les systèmes de santé, de mettre en place des mesures de prévention et de favoriser la solidarité internationale pour aider les populations à faire face à cette crise.
Mireille Siapje
Interview
Quelles sont les principales causes naturelles et anthropiques des inondations dans l’extrême nord du Cameroun?
En termes de causes naturelles, il faut comprendre que nous avons d’ abord une structuration écosystémique diversifiée au Cameroun, raison pour laquelle on appelle le pays « Afrique en miniature ».Nous avons diverses cultures, diverses saisons et autres… Cela renvoie au fait que, dans certains endroits du Cameroun comme l’Extrême-Nord ou le littoral, nous sommes dans les extrêmes, donc il peut assez pleuvoir ou faire chaud par rapport au régime des autres zones climatiques. Du coté naturel, la zone du septentrion est favorable aux facteurs climatiques extrêmes: sècheresse ou pluviométrie.
En ce qui concerne les causes entropiques, il faut comprendre que, la plupart du temps, cela est dû aux activités humaines: installation des habitants, le déboisement anarchique, l’absence de construction sans la prise en compte des aspects urbains notamment la création des caniveaux etc. Ces différentes activités menées et faites de manière anarchiques pendant les périodes de pluies entrainent dons ces phénomènes d’inondations. D’ où l’importance de suivre un plan d’urbanisation correct.
Quel est le rôle du changement climatique dans l’aggravation de ces phénomènes?
Il faut comprendre que, le système climatique a un équilibre parfait: On a le fait que certaines activités anthropiques peuvent dérégler ces paramètres climatiques notamment, la température, les précipitations, les vents et autres. Dès que nos activités humaines dérèglent ces paramètres climatiques, elles peuvent donc également contribuer à l’augmentation des gazs à effets de serre parce que nos activités humaines, industrielles ou non peuvent augmenter la production des gazs à effets de serre qui ont un impact fort sur la variabilité climatique dans nos zones. Voilà qui peut donc entrainer certains phénomènes agressifs tels que la sècheresse ou les inondations. Le fait que ces aléas climatiques soient changeants dans la zone contribue donc à ces forts événements qui ont des conséquences énormes sur les populations. Il faut comprendre que, le changement ou la variation climatique, c’est juste le dérèglement des paramètres climatiques et l’une des premières pour ne pas dire la principale cause, c’est cet apport excessif en gazs à effets de serre.
A-Quelles sont les conséquences socio-économiques et environnementales directes et indirectes de ces inondations? Comment ces événements impactent-ils les populations vulnérables, notamment les agriculteurs et les éleveurs ?
Il faut comprendre bien sûr que, quand il y a les inondations surtout pour les personnes vulnérables, ça détruit les habitats. Ça freine les activités économiques: on ne peut ni faire du commerce, ni se déplacer ou voyager. Particulièrement pour les agriculteurs, des fois ça ne permet pas de semer, si on a déjà mis des engrais en sol, les pluies peuvent les emporter; si on a déjà mis les plants en terre les pluies peuvent également les emporter s’ils sont encore jeunes ou perturber leur croissance. Au niveau des éleveurs, l’on peut enregistrer la perte des animaux dans la zone du grand-nord tels que les vaches, les moutons, les chèvres qui se retrouvent noyés lors des inondations ou alors peuvent être attaqués par les nouvelles maladies qui sont transmises par ces inondations et autres vagues violentes de pluies.
On peut aussi évoquer l’apparition de nouvelles maladies aussi bien pour les humaines que pour les animaux ou les cultures. La baisse des activités touristiques. Baisse du transport et de l’économie pour ne citer que ceux-ci.
Sur le plan environnemental on peut faire allusion à la perte de certaines espèces animales ou végétales, la destruction de la structuration du sol, l’apparition de nouveaux vecteurs ainsi que le changement du système.
A-Quelles mesures de prévention à court et à long terme peuvent être mises en œuvre pour réduire les risques d’inondation?
Comme mesures à court terme, il faudrait déjà se familiariser avec le calendrier de prévention que propose le gouvernement: ministère des transports ou observatoire national des changements climatiques. Il y a un calendrier climatique qui donne les périodes intenses de pluviométrie ou de sècheresse au Cameroun. Les populations doivent pouvoir se cultiver en prenant connaissance de ce calendrier.
Comme autre mesure de prévention à court terme, il faut reboiser les zones, ne pas construire dans les zones à risques. Il faut avoir des attitudes d’assainissement : construire des rigoles d’eaux. Eviter de rambler des zones humides.
Les mesures à long terme que l’on puisse avoir sont plus au niveau du gouvernement: mettre en place un plan d’urbanisation, construire des infrastructures qui puissent aider à la prévention
Quelles sont les solutions fondées sur la nature qui peuvent être envisagées pour mieux gérer les eaux pluviales?
Il faut tout simplement penser au reboisement, avoir des zones tampon c’est-à-dire les milieux humides. Il faut éviter de bloquer la circulation naturelle, éviter de rambler les zones humides, éviter de construire dans des zones à risque. Il est bien d’emménager des espaces naturels de communication des eaux.
Quels sont les principaux échecs et réussites des politiques publiques en matière de gestion des risques d’inondation au Cameroun?
Commençons par les réussites. Au Cameroun, l’Etat a mis assez de moyens pour essayer de palier cela et les résultats de ces actions sont palpables dans nos grandes métropoles que sont Douala et Yaoundé. Le projet PADY a été mis en place par exemple à Yaoundé. Les actions y relatives consistaient à mettre des grains et les caniveaux et de voir comment sensibiliser les populations, comment gérer les déchets qui contribuent à la bonne gestion des eaux qui implique d’éviter les inondations. Il faut souligner que les inondations sont très souvent dues au fait que, les zones n’arrivent pas à s’infiltrer.
Parlant des échecs, ça peut être dû à la mal gouvernance, aux détournements de fonds alloués aux projets. Je pourrais ajouter le problème du suivi dans lle cadre éducatif afin que les techniques de formation soient inclues dans les établissements secondaires ou supérieurs notamment à travers des modules sur les techniques d’assainissement et de gestion des ouvrages et autres…C’est du ressort du génie civil et de l’environnement.
Comment améliorer la coordination entre les différents acteurs impliqués dans la gestion de ces crises ?
Il faut que l’Etat puisse mettre en place un texte qui régit les différents rôles de chaque acteur parce que des fois, il y a des missions qui se retrouvent dans d’autres institutions et sur le terrain ça devient une superposition des activités et ça peut freiner l’exécution du travail.
Entretien réalisé par Mireille Siapje
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