
La filière avicole dans la région du Nord connaît depuis quelques années un essor progressif. Autrefois marginalisé, l’élevage de volailles peinait à se développer, limité par le manque de formation, de moyens et d’intérêt. La vente de poulets restait marginale, et l’impact économique de cette activité était quasiment imperceptible. Aujourd’hui, même si la donne a changé, la filière n’est pas à son aise.
L’engouement pour l’aviculture s’est largement répandu dans la région. Des jeunes formés dans les centres de formation d’élevage locaux, mais aussi des particuliers motivés par l’auto-emploi, se sont lancés dans la production avicole. Ce regain d’intérêt s’est accompagné d’investissements croissants dans les infrastructures d’élevage, permettant une montée en puissance de la filière.
Selon le représentant régional Nord de la filière avicole, la couverture de la demande en viande de volaille a atteint environ 75%. Un chiffre encourageant qui montre que les éleveurs parviennent désormais à répondre à la consommation locale, tout en desservant d’autres régions comme l’Adamaoua, l’Extrême-Nord, voire même le Tchad voisin. Ces débouchés extérieurs renforcent l’importance stratégique de la filière pour l’économie régionale.
Cependant, tout n’est pas encore parfait dans ce secteur en pleine mutation. Un des obstacles majeurs reste la production d’œufs, qui demeure à la traîne. Le segment des poules pondeuses, pourtant essentiel pour assurer une production avicole complète, peine à décoller. Les causes sont multiples, à commencer par le climat sec qui domine une grande partie de la région, rendant difficile l’installation de fermes de pondeuses adaptées. À cela s’ajoute le manque de matériaux adaptés et l’insuffisance des investissements nécessaires pour développer des unités viables de production d’œufs. Les coûts liés à l’acquisition des équipements spécialisés, des bâtiments adaptés au climat, ou encore des races de pondeuses résistantes, représentent un véritable frein pour les éleveurs locaux. Autre point noir de la situation est l’approvisionnement en matières premières, notamment pour la fabrication des aliments pour volailles. Les producteurs sont confrontés à une pénurie récurrente de céréales comme le mil, le maïs ou le soja. Ces denrées, nécessaires pour formuler une alimentation équilibrée, sont souvent revendues par les agriculteurs locaux vers le Sud du pays, où la demande est forte et les prix plus attractifs. Ce déséquilibre empêche les aviculteurs du Nord de produire à plein régime et de garantir une alimentation stable à leurs volailles.
A lire aussi: Cameroun : Les pharmaciens face aux enjeux de la gestion des officines pharmaceutiques
Face à ces nombreux défis, les professionnels du secteur avicole de la région du Nord se tournent vers les autorités. À travers des échanges réguliers avec la Caisse de Développement d’élevage pour le Nord (CDEN), ils plaident pour une prise en compte spécifique de leur filière. Leur objectif est d’obtenir un soutien institutionnel et financier qui permettrait de structurer la filière, de sécuriser l’approvisionnement en matières premières, et de développer enfin la production d’œufs, encore embryonnaire. L’ambition est de faire de la filière avicole un levier de développement économique, capable non seulement de nourrir les populations locales, mais aussi de créer de l’emploi durable, notamment pour la jeunesse rurale en quête d’opportunités.
Marcus DARE
Interview
« Le véritable problème actuellement c’est la pondeuse. Ce volet, s’il est développé, on aura une plus-value sur notre investissement »

Daouda Sadou, représentant région Nord des professionnels des poulets locaux améliorés du Cameroun.
- le représentant régional du Proplacam, comment se porte l’aviculture dans la région du Nord ?
La filière se porte moyennement bien surtout concernant l’élevage des poulets de chair. Aujourd’hui, on peut dire qu’on satisfait la clientèle à 75%. Tout le monde s’y intéresse. Les jeunes qui sortent des centres de formation par exemple ceux formés à l’école zootechnique et vétérinaire de Maroua beaucoup sont en train de s’installer dans la ville de Garoua. La filière commence vraiment à décoller dans la région. Mais maintenant, nous avons un gap très important concernant l’œuf de consommation. Pour ce côté, nous sommes en train de réfléchir sur la maitrise du climat. Il faut un gros investissement. Ma foi, il faut avoir des bâtiments adéquats et les isoler et avec nos matériaux locaux, on peut arriver à maitriser ce climat. On va commencer avec ceux former au centre zootechnique et vétérinaire de Maroua, mettre des bâtiments témoins et élever quelques pondeuses. Certes, il y’a déjà les éleveurs qui se sont déjà lancés dans la pondeuse et ils ne se débrouillent pas mal ; au moment de la chaleur, ils ont des difficultés. S’agissant de la production des poulets donjons, nous produisons des poussins donjons, que ce soit des poussins goliath, de chair et les clients s’y intéressent. La problématique que nous pouvons avoir à ce niveau-là, c’est le transport des eaux et la fourniture en œufs de ceux qui nous livrent. J’ai par exemple eu un accord avec AGROCOM qui m’a livré les œufs durant toute l’année mais cette année, c’est un refus catégorique de me livrer les œufs et je ne sais pourquoi. Je me ravitaille actuellement chez d’autres personnes. Ça se passe très bien. La demande augmente. Le véritable problème actuellement c’est la pondeuse. Ce volet, s’il est développé, on aura une plus-value sur notre investissement. Le couloir de la région du Nord s’étend à Maroua, à Ngaoundéré, au Tchad, à Kousseri. Les gens sont conscients que cette filière porte. Les parents envoient davantage leurs enfants faire des formations dans le domaine et je reçois des stagiaires qui me sont envoyés par l’université de Garoua, des instituts dans le septentrion. Nous avons aussi le problème de céréale, les aviculteurs ont cette mentalité de penser que le Sud consomme plus de céréales. C’est pourquoi, ils envoient assez de leurs stocks vers là et nous surplace, on a du mal à avoir l’alimentation, surtout le soja. On se débrouille comme on peut à faire développer la filière.
A quel niveau se situe la production aujourd’hui dans la région ?
La production prend sa place. De plus en plus, les gens s’installent et font l’élevage des poulets de chair. Les gens se professionnalisent. Ils font des poulets démarrés de 21 jours et vendent aux débutants qui élèvent et sortent les poulets de 45 jours et donc les gens qui maitrisent déjà. Nous arrivons à couvrir les 75% des besoins de la population. Les pénuries de poulets dans la région du Nord, c’est rare ces derniers temps.
Quels sont les difficultés que rencontrent les aviculteurs ?
La plus grande difficulté, c’est l’acquisition des céréales et de la légumineuse soja. Nous sommes des producteurs de maïs et de soja mais la tendance réelle, ce que les collecteurs qui achètent ces produits ont tendance à envoyer en masse ces denrées vers le Sud. On a du mal de s’en procurer dans la région pour l’élevage. D’où l’intérêt du Ministère de tutelle de voir dans quelle mesure peut-être avec la CDEN nous installer des zones de stockage des denrées comme les céréales et autres qui rentrent dans la production des aliments pour les volailles.
Avez-vous des propositions à faire au Gouvernement afin d’améliorer le développement filière ?
C’est vrai que le gouvernement a se souci d’améliorer la filière avicole. Je ne vais pas garder ma langue dans la bouche. Il y’a la CDEN qui est là pour ça mais je le redis avec beaucoup de regrets, elle ne s’approche pas des aviculteurs pour demander les problématiques. C’est son devoir de développer la filière avicole dans la région du Nord. J’ai l’impression qu’elle abandonne son objectif. Leur rôle, c’est d’encadrer les aviculteurs et leur montrer la voie sûre pour obtenir le financement. L’année dernière, j’ai été contacté toujours par la CDEN en urgence, de donner les besoins du renouvellement de la filière avicole, j’en ai donnés et personne n’est revenue vers moi. Les gens prennent des doléances mais ne réalisent pas.
Interview menée par Marcus DARE
Leave a reply
Vous devez vous connecter pour publier un commentaire.