Formation des professionnels medico-sanitaires : Les BTS, une option illégale pour les Camerounais

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D’après le décret 80/198 du 09 juin 1980, la formation des professionnels medico-sanitaires (infirmiers diplômés d’Etat, Techniciens médico-sanitaires, Sages-femmes- Maïeuticiens) relève de la compétence exclusive du Ministère de la Santé Publique.

Seul ce département ministériel a l’autorité  de créer les écoles de formation des Pms, de lancer le concours d’entrée et l’examen national de sortie sanctionné d’un diplôme professionnel signé par le Minsante et reconnu par l’Etat.

Tous les détenteurs des BTS option santé ne peuvent pas exercer une profession médico-sanitaire au Cameroun.  Hilaire Saha Tamogue, est le Secrétaire Général de l’Ordre des professionnels médico-sanitaires du Cameroun. Il apporte des précisions dans une interview exclusive accordée au Quotidien Echos Santé.

 

Au Cameroun, la formation des infirmiers, sages-femmes et techniciens médico-sanitaires est réglementée par un cadre légal strict, mais fait face à des défis majeurs en raison de la prolifération d’instituts de formation privés non autorisés. Ces établissements, opérant en dehors du cadre légal, remettent en cause la qualité des soins de santé et la sécurité des patients dans le pays.

Un cadre légal strict

Le décret 80/198 du 09 juin 1980 est clair et précis sur les modalités de formation des professionnels de la santé au Cameroun. Il confère au ministère de la Santé Publique l’autorité exclusive pour créer et superviser les écoles de formation dans le domaine de la santé. Cette centralisation vise à assurer une formation uniforme et de qualité pour tous les professionnels de santé à travers le pays.

De plus, la loi n° 84/010 du 5 décembre 1984 a établi l’Ordre des professionnels de santé, chargé de maintenir les normes éthiques et déontologiques au sein de ces professions. Cet ordre joue un rôle crucial dans la protection des patients et la régulation de la pratique des professionnels de santé.

La prolifération des instituts privés non autorisés

Malgré le cadre légal en place, le Cameroun fait face à un problème persistant : la multiplication des Instituts privés d’enseignement supérieur (IPES) offrant des formations en BTS dans les filières de santé. Ces instituts opèrent en dehors de la loi et forment des étudiants qui ne pourront jamais exercer légalement dans le domaine médico-sanitaire au Cameroun.

Selon la loi en vigueur, seul le ministère de la Santé Publique est habilité à former les professionnels médico-sanitaires à travers un concours d’entrée unique et un examen national de sortie. Les formations offertes par les IPÈS dans les filières de santé sont donc illégales et ne confèrent aucune qualification reconnue pour exercer dans le domaine de la santé.

Conséquences alarmantes

Cette situation a des conséquences graves et de grande envergure : Qualité des soins compromise : Les étudiants formés dans ces instituts privés non autorisés n’acquièrent pas les compétences nécessaires pour fournir des soins de santé adéquats. Cela met en péril la santé et la sécurité des patients. Risques pour la santé publique : Les soins prodigués par des personnes non qualifiées peuvent entraîner des complications médicales, des erreurs de diagnostic et même des décès évitables. Concurrence déloyale : Les IPÈS attirent les étudiants en proposant des formations moins coûteuses et plus accessibles, ce qui nuit aux établissements agréés qui respectent les normes et les réglementations en vigueur. Perte de confiance dans le système de santé : La présence de professionnels non qualifiés ébranle la confiance du public dans le système de santé dans son ensemble.

Vers une résolution du problème

Pour remédier à cette situation critique, des mesures strictes doivent être prises : Fermeture des instituts non autorisés : Les autorités doivent prendre des mesures fermes pour fermer les IPES qui offrent illégalement des formations en santé. Sensibilisation et information : Il est crucial d’informer les futurs étudiants sur l’illégalité de ces formations et les risques associés. Renforcement des établissements agréés : Le gouvernement devrait investir dans le renforcement des capacités des établissements de formation agréés, en améliorant leurs infrastructures et en assurant une formation continue pour les formateurs. Collaboration interministérielle : Une collaboration étroite entre le ministère de la Santé Publique et le ministère de l’Enseignement Supérieur est essentielle pour résoudre ce problème et assurer une réglementation efficace.

La formation des professionnels de santé au Cameroun est confrontée à un défi majeur en raison de la présence d’instituts privés non autorisés. Il est impératif de faire respecter le cadre légal en vigueur et de protéger la santé et la sécurité des citoyens camerounais. Des mesures fermes et une sensibilisation accrue sont nécessaires pour remédier à cette situation alarmante.

Mireille Siapje

 

 Interview

« Tous ceux qui désirent exercer comme infirmier, Sage-femme et comme Technicien médico-sanitaire au Cameroun, doivent impérativement passer le concours organisé par le Ministère de la Santé Publique. Il n’y a pas d’alternative possible. »

Hilaire Saha Tamogue, est le Secrétaire Général de l’Ordre des professionnels médico-sanitaires du Cameroun

 

Question 1 : Pouvez-vous nous expliquer les dispositions de la loi qui régit la formation et l’emploi des professions médico-sanitaires au Cameroun ?

La formation des professionnels médico-sanitaires au Cameroun est régie par le décret 80/198 de juin 1980 qui fixe les modalités de formation des professionnels médico-sanitaires. Ce décret 80 donne l’exclusivité au Ministère de la Santé Publique de former les professionnels médico-sanitaires. C’est le Président de la République suivant ce décret qui doit créer les écoles et les confier à la tutelle du ministère en charge de la Santé Publique. Voilà le cadre légal de la formation des professionnels médico-sanitaires au Cameroun.

Question 2 : Quels sont les diplômes reconnus pour exercer une profession médico-sanitaire au Cameroun ?

Concernant les diplômes qui sont reconnus pour exercer les professions médico-sanitaires au Cameroun, nous avons : le Diplôme d’Etat d’Infirmier qui permet d’exercer en tant qu’infirmier, le Diplôme de Sage-Femme qui permet d’exercer en tant que Sage-Femme et le Diplôme de Technicien Médico-Sanitaire qui permet d’exercer en qualité de Technicien médico-Sanitaire. Concernant les Techniciens Médico-Sanitaires, la loi 09 du 05 décembre 1984 reconnait 12 spécialités qui peuvent être inscrites au tableau de l’Ordre comme Technicien Médico-Sanitaire. Entre autres, on a les Techniciens Médico-Sanitaires option Analyse médicale, Kinésie thérapie, Génie sanitaire ; Pharmacie etc. Globalement nous retenons que, pour exercer en tant que professionnels médico-sanitaire au Cameroun nous avons, le Diplôme d’Etat d’Infirmier, le Diplôme des Techniciens Médico-Sanitaire ou d’Ingénieur Médico-Sanitaire et enfin le Diplôme de Sage-Femme. Voilà les 3 diplômes qui permettent d’exercer comme professionnel médico-sanitaire dans notre pays.

Question 3 : Quel est le rôle de l’Ordre des Professions Médico-Sanitaires dans la régulation de ces professions ?

Comme le dit la loi, l’Ordre veille au maintien des principes de moralité indispensables à l’exercice de la profession d’infirmier, de Sage-femme et des Techniciens médico-sanitaires au Cameroun. L’Ordre assure également la défense de l’honneur, de l’éthique, de la probité et l’indépendance desdits professions. En plus l’ordre exerce toute attribution qui peut lui être confiée par des textes particuliers ou l’autorité en charge de la Santé Publique. Dans ces différents rôles on a l’inscription des étudiants qui sortent des écoles de formations au tableau de l’Ordre parce que l’inscription au tableau de l’Ordre est une condition pour exercer en tant qu’infirmier, en tant que Technicien médico-sanitaire ou en tant que Sage-femme.

Question 4 : Pourquoi le BTS n’est-il pas un diplôme reconnu pour exercer une profession médico-sanitaire au Cameroun ?

Le BTS n’est pas un diplôme reconnu pour exercer  en tant que professionnel médico-sanitaire. Juste parce que c’est une formation qui se fait en marge de la règlementation en vigueur. Premièrement la loi est claire, pour être infirmière il faut être titulaire du diplôme d’Etat d’infirmière. Deuxièmement, les institutions de formation : j’ai dit d’entrée de jeu que c’est le décret 80/1998 du 09 juin  80 qui réglemente la formation des professionnels médico-sanitaires au Cameroun. Ce qui fait automatiquement des parchemins que ceux qui s’aventurent sur ce chemin peuvent avoir, des documents inutiles qui ne serviront à rien. Donc la formation de BTS ne s’inscrit pas dans le sillage du décret présidentiel. Ces titulaire de BTS  ne peuvent pas être inscrits  au tableau de l’Ordre parce qu’ils n’ont ni le Diplôme d’Etat d’Infirmier, ni le Diplôme de Sage-Femme, ni  le Diplôme de Technicien Médico-Sanitaire. Dès lors ils ne peuvent exercer en tant qu’infirmier, Sage-femme ou Technicien Médico-Sanitaire.

Question 5 : Quelles sont les alternatives au BTS pour les étudiants qui souhaitent exercer une profession médico-sanitaire ?

Le Ministère de la Santé Publique lance des concours chaque année et il y’a des écoles avec un nombre de candidats considérables. Tous ceux qui désirent exercer comme infirmier, Sage-femme et comme Technicien médico-sanitaire au Cameroun, doivent impérativement passer le concours organisé par le Ministère de la Santé Publique. Il n’y a pas d’alternative possible. Donc il y’a un concours qui est sélectif et ceux qui passent ce concours vont se former pour exercer la profession.

Question 6 : Quelles sont les mesures prises par l’Ordre pour informer les étudiants et les professionnels de la situation du BTS ?

Comme mesure prise l’ordre pour informer, je pense que dans toutes nos plates-formes nous faisons large diffusion du communiqué qui lance le concours d’entrée dans les écoles de formation qui sont agrées par le Ministère de la Santé Publique. Deuxième élément, depuis 2020 nous avons connu des communiqués qui appellent à la vigilance des parents et des potentiels candidats qui comptent toquer aux portes des professions médicaux sanitaires en leur montrant l’existence des lois qui  réglementent et que le seul moyen de devenir infirmier, Sage-femme et Technicien médico-sanitaire au Cameroun est de faire le concours qui est organisé par le Ministère de la Santé Publique. Nous participons activement, dans les journées d’orientation scolaire dans certains grands établissements pour attirer l’attention des élèves des classes de terminales sur les offres de formation dans le domaine de la santé qui sont les offres valables et légales. Donc, nous sensibilisons dans les établissements lors des journées d’orientation scolaire. Nous avons fait les médias notamment dans la ville de Douala pour sensibiliser et dans toutes nos plates-formes également nous sensibilisons les parents sur la nullité des formations qui se font en marge des formatons offertes par le Ministère de la Santé Publique.

Question 7 : Quelles sont les conséquences de l’illégalité du BTS pour les étudiants qui ont obtenu ce diplôme ?

Concernant les conséquences de l’illégalité du BTS pour les étudiants qui ont obtenu le diplôme, ils s’exposent juste à l’exercice illégal de la profession si jamais ils exercent en marge de la loi. Parce que premièrement, ils ne sont pas inscrits au tableau de l’ordre or l’inscription  au tableau de l’ordre est une condition pour exercer la profession. Donc, s’ils ont les parchemins et exercent ils courent le risque de tomber dans l’exercice illégal de la profession qui est puni par la loi.

Question 8 : Peuvent-ils exercer une profession médico-sanitaire au Cameroun ?

Bien évidemment que non ! Les titulaires de BTS ne peuvent pas exercer les professions médico-sanitaires au Cameroun. C’est impossible, ces personnes si elles exercent, elles sont en train de faire l’exercice illégal de la profession. Parce qu’elles ne remplissent pas les conditions prévues par loi pour exercer.

 

Question 9 : Quelles sont les options qui s’offrent à eux ?

Concernant les options qui s’ouvrent à eux je ne saurais lire dans la boule Crystal. Ça peut faire plutôt l’objet d’une concertation ou d’une plate-forme pour la sortie de l’auberge. Si non pour l’instant il n’y a rien. Il faudrait surement une plate-forme qui va mettre sur la table toutes les autres parties prenantes pour qu’on puisse trouver les issues de sortie

Question 10 : Quelles sont les conséquences de l’illégalité du BTS pour les professionnels qui exercent avec ce diplôme ?

L’exercice illégal des professions médico-sanitaires est puni par loi 84 /09 du 05 décembre 1984 en son article 12 qui stipule que « ceux qui s’expose à l’exercice illégal de la profession courent une peine de prison de 06 jours à 06 mois et une amande de 10 000 Fcfa à 500 000 Fcfa ». Donc, voilà ce que le législateur a prévu pour ceux qui exercent illégalement la profession.

Question 11 : Quelles mesures peuvent-ils prendre pour régulariser leur situation ?

Je ne saurai répondre à cette question parce que ça peut faire l’objet d’une réflexion qui prend en compte toute les parties, c’est-à-dire le ministère en charge de l’enseignement supérieur, le ministère de la Santé Publique, le premier ministère et même le ministère de la fonction publique. Ça peut faire l’objet d’une plate-forme ou ont décidé de quelle issue, de quelle possibilité leur donner pour être légal si non à l’heure actuelle rien n’est prévu pour qu’ils deviennent des acteurs légaux.

Question 12 : Quelles sont les implications de l’illégalité du BTS pour les écoles qui forment à ce diplôme ? Quelles mesures peuvent-elles prendre pour se conformer à la loi ?

Je ne saurai répondre clairement à cette question mais je vous  renvoie à ces acteurs parce qu’il faudrait qu’ils apprennent à un moment donné à dire la vérité aux étudiants. Ce n’est parce que quelqu’un a un Doctorat en droit qu’il peut aller s’asseoir dans un tribunal et dire qu’il est Avocat ou bien dire qu’il est juge parce qu’il a Doctorat en droit ce n’est possible.  Ce n’est pas parce que quelqu’un a une Licence en géographe qu’on est géographe, ce n’est pas parce que quelqu’un a fait les études de topographie qu’il va aller prester comme géomètre. En fait, chaque profession a ses réalités, chaque professions ses textes particuliers. Ceux font ces formations qui sont des formations illégales, seuls les acteurs qui ont suivi la formation peuvent décider du sort qui peut leur être réservé. Maintenant est-ce que ces écoles peuvent avoir une chance de former dans la légalité ? Pour former dans la légalité il faudrait déjà que l’on puisse faire l’audit de ces établissements pour savoir les conditions de formation, leurs terrains de stage et ceux qui peuvent remplir les conditions pour former normalement peuvent se rapprocher du ministère de la Santé Publique afin d’avoir les autorisations en bonne et due forme pour pratiquer cette activité. En dehors de ça je ne vois pas dans quelle mesure ils peuvent devenir les acteurs légaux dans la formation des PMS au Cameroun.

Question 13 : Comment peut-on garantir un accès équitable et de qualité à la formation des professionnels médico-sanitaires au Cameroun ?

Je pense qu’on doit déjà commencer comme le ministère de la santé le fait déjà en organisant un concours. Le concours est organisé sur une base saine ou seuls les méritants passent. Le ministère le fait déjà, ce n’est pas parfait mais c’est déjà une très bonne chose que le concours puisse être organisé. Il faut maintenant se rassurer que les personnes admises sont celles qui ont effectivement méritées. Le deuxième volet concerne la formation elle-même car on doit se rassurer que les profils des enseignants sont des profils  recommandés et qu’ils peuvent être des garants d’une formation de qualité. Dans la formation également, on doit se rassurer que le cadre dans lequel les formations se passent puissent garantir une formation de qualité. Vous savez, il ne s’agit pas de la médecine vétérinaire, il ne s’agit d’une formation pour les Eaux et Forêt, ça touche quand même à la vie humaine et on devrait se rassurer que tous les acteurs qui interviennent au niveau de la formation, offrent les garanties nécessaires pour qu’on ait des professionnels bien formés. En mécanique automobile, on peut faire une erreur et la corriger mais en médecine humaine, l’erreur se paye par un décès. Donc, on devrait se rassurer de l’entrée jusqu’à la sortie que les apprenants bénéficient d’une formation de qualité. En résumé, nous rassurons comme le ministère le fait déjà, qu’il y’a un concours d’entrée. Ceux qui réussissent sont les meilleurs. Une fois en formation, le ministère avec les autorités actuelles ont institué l’examen de passage par niveau ce qui est très bien. Ils ont institué également un examen de certification qui est national. En fin de compte on est sûr que les produits qui sont issus de ces institutions de formation sont des produits de qualité qui peuvent garantir des soins de qualité. Donc on ne peut envisager une formation de qualité en mettant de côté l’acteur majeur qui est le ministère de la Santé Publique. Le ministère de Santé Publique doit toujours veillez avec un œil technique sur la formation.

Interview réalisée par Mireille Siapje

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