« La SAFMU veut passer d’une performance critique de la Médecine d’Urgence à une performance optimale »

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Élu le 12 juin dernier au cours de l’Assemblée Générale Élective de la Société Africaine Francophone de Médecine d’Urgence (SAFMU) tenue à Somone au Sénégal en marge du Congrès International de Médecine d’Urgence, le nouveau président, Professeur Romain Tchoua entend redynamiser cette organisation durant sa mandature ;

L’augmentation du nombre d’adhérents, l’amélioration des conditions de travail des médecins urgentistes sur l’ensemble du continent et l’intensification de la formation des ressources humaines dans la filière font partie intégrante des challenges à relever par le nouvel exécutif du SAFMU ;

Dans un entretien exclusif accordé à notre rédaction, le Professeur Romain Tchoua s’exprime à cœur ouvert. Il fixe le cap des objectifs à atteindre par la SAFMU durant les deux années à venir.

Monsieur le Président, vous venez d’être élu à la tête de la Société Africaine Francophone de Médecine d’Urgence (SAFMU) pour un mandat de deux ans. Comment avez-vous accueilli cette nouvelle ?

Bonjour Monsieur, nous voulons tout d’abord, au nom de tous les praticiens de la filière de la médecine d’urgence, exprimer notre gratitude au Docteur Massamba Diop (Président SOS Médecins Sénégal) et à Madame le Docteur Héléne Bassama (Présidente de la Société Sénégalaise d’Anesthésiologie et de médecine d’urgence) pour l’opportunité qui leur a été offerte pour relancer leur Société savante en marge du Congrès International de Médecine d’Urgence tenu à Somone au Sénégal du 10 au 12 juin 2025.

La journée du jeudi 12 juin a été exclusivement consacrée aux activités de la Société Africaine Francophone de Médecine d’Urgence (SAFMU). Ce qui a débouché sur l’Assemblée Générale élective du bureau de la SAFMU. C’est avec une immense joie que j’ai accueilli le choix qui a été porté sur ma modeste personne pour conduire les activités de la SAFMU pendant deux ans.

Les participants ont rendu hommage à Madame le docteur Nathalie Kangni-Frétas, du Togo, précédemment trésorière générale de la SAFMU, rappelée à Dieu en octobre 2024.

Comment s’est déroulé le processus électoral ayant débouché sur votre élection ?

À la suite de la journée scientifique, la SAFMU a tenu son Assemblée Générale et procédé à l’élection du bureau exécutif qui dirigera la SAFMU au cours des deux prochaines années. Le vote était réservé aux membres adhérents de la SAFMU, nouveaux ou anciens membres, et se faisait à main levée pour chaque candidature. Bien entendu, il fallait que ce soit un bureau équilibré suffisamment représentatif des différentes zones de l’espace francophone entre l’Afrique du Nord, l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique Centrale.

À l’issue de ce vote, le bureau de la SAFMU est composé ainsi qu’il suit : Président, Médecin général des Armées Professeur Romain Tchoua (Gabon) ; Vice-Président Afrique de l’Ouest, Docteur Massamba Diop (Senegal) ; Vice-Président Afrique du Nord, Professeur Sami Souissi (Tunisie) ; Secrétaire général, Professeur Flavien Kaboré (Burkina Faso) ; Secrétaire général adjoint, Docteur Innocent Bouadi (Côte d’Ivoire) ; Trésorière générale, Docteur Asmaa Khaled (Maroc) et Trésorière générale adjointe, Docteur Fama Sene (Sénégal).

Enfin, l’Assemblée Générale a décidé de conférer au Président Fondateur de la SAFMU, le professeur Martin CHOBLI, le titre honorifique et non exécutif de Président d’honneur de la Société. Ce dernier a alors transféré au nouveau Président, le Professeur Romain TCHOUA, le joli objet d’art offert par SOS Médecins Sénégal à la SAFMU pour servir de symbole de continuité, relayé au gré des Congrès comme la flamme des Jeux Olympiques.

Sur la photo se trouve de gauche à droite, le Secrétaire Général Adjoint BOUADI, la trésorière générale KHALED, le Vice-Président Afrique du Nord SOUISSI, le président TCHOUA, le président d’honneur CHOBLI, le Vice-Président Afrique de l’ouest DIOP, la trésorière générale adjointe SENE et le Secrétaire général professeur KABORE.

Quelles sont les chantiers que vous comptez mettre en œuvre dans le cadre de votre mandat qui va de 2025 à 2027 ?

Pour parler des chantiers à venir, ils sont nombreux mais il faut tout d’abord nous appuyer sur les résultats de la table ronde de haut niveau que nous avons eue lors de ce congrès de Somone, au cours de laquelle les représentants des 10 pays de la sous-région ont fait l’état des lieux de l’organisation et de la pratique de la médecine d’urgence au Bénin, Burkina Faso, Congo, RDC, Côte d’Ivoire, Gabon, Maroc, Mauritanie, Niger, Sénégal, et Tunisie. Il existe trois principaux chantiers, l’amélioration des systèmes de santé à travers les services des urgences, la formation des professionnels de santé pour la pratique de la médecine d’urgence, et le financement de soins en situation d’urgence.

On relève certes des avancées significatives avec la mise en place progressive de véritables services d’accueil des Urgences (SAU) structurés, de Services d’Aide Médicale d’Ugence (SAMU), des Services de Santé des Armées (SSM) et de protection civile performants avec les logistiques et les intrants d’accompagnement.  Il faut maintenant améliorer l’existant et le faire évoluer vers un niveau de performance acceptable en tenant compte du contexte de nos pays.

La formation en ressources humaines qualifiées dans la filière a connu également des progrès réels, tant au niveau des paramédicaux (Licence et Master) qu’à celui des médecins (DU, DES).

Il faut pour cela accélérer la dynamique de formation pour que la filière “médecine d’urgence” soit entièrement assurée par des professionnels de santé formés à cet effet et à tous les niveaux de la chaîne de soins.

En l’absence de couverture sanitaire universelle, le financement des soins de santé en situation d’urgence est une préoccupation essentielle pour les populations africaines. De nombreuses recommandations ont été formulées par les congressistes.

Quels sont vos objectifs à court, moyen et long terme ?

À court terme, c’est la mobilisation de toutes les ressources pour redynamiser la SAFMU et avoir un cadre législatif sur lequel chaque pays va s’appuyer pour encadrer la médecine d’urgence.

Faire participer les urgentistes aux rencontres annuelles nationales et internationales des sociétés savantes, à l’instar du Congrès E-SMAAR du mois de septembre 2025 au Maroc où la SAFMU prendra part par un Master class sur l’arrêt cardiaque dans tous ses états et à tout âge, mais également au congrès de la SARAF en RDC au mois de novembre 2025, où la SAFMU en tant que partenaire du Congrès animera quelques activités notamment dans le cadre de la médecine humanitaire en cas de catastrophe.

À moyen terme, c’est l’organisation du prochain Congrès de la SAFMU en Côte d’Ivoire en juin 2026 qui sera la première grande sortie du nouveau bureau. À l’issue de ce Congrès, des recommandations seront faites pour tous les pays.

À long terme, il faut savoir que tous les pays membres de la SAFMU sont confrontés aux mêmes problématiques, caractérisées par une sous-performance de leurs systèmes de santé. Dans ces conditions, les populations ne sont pas satisfaites de la qualité de prise en charge des patients en situation d’urgence.

L’enjeu est stratégique et doit permettre de passer d’une performance critique de la médecine d’urgence à une performance optimale. Pour cela, il faut un cadre conceptuel de la performance de nos services des urgences à travers 3 niveaux de qualité : Qualité au niveau de l’interaction ponctuelle avec le patient : elle est technique (justesse et compétence d’exécution) et non technique (respect, courtoisie, communication) ; Qualité au niveau d’un épisode de soins dans la continuité des soins et la globalité des soins ; Qualité au niveau de l’organisation des soins dans l’accessibilité aux soins et la coordination des soins. C’est avec cette approche multidimensionnelle que la qualité de l’utilisation de nos services d’urgence sera améliorée.

Sur la formation des personnels, il faut une approche par compétence (savoir-faire-savoir-être). Le futur médecin urgentiste formé dans nos universités doit être un expert avec un haut degré d’expertise. Première clinique de manière à identifier et traiter un large éventail de maladies aiguës et de traumatismes de tous âges ; Deuxièmement de recherche pour mener de façon autonome des projets de recherche clinique, évaluative et épidémiologique en lien avec les soins d’urgence ; Troisièmement d’enseignement  pour donner un enseignement médical aux étudiants et aux résidents, de même que de prodiguer l’éducation continue appropriée en médecine d’urgence à la communauté médicale et paramédicale et enfin pour la gestion des urgences de façon structurée un service d’urgence dont le processus comprend le triage, la gestion des ressources, la coordination des soins et la communication.

Monsieur le Président, pouvez-vous nous faire l’historique de la Société Africaine Francophone de Médecine d’Urgence ?

La SAFMU a été créée le 23 juin 2006 au Palais des Congrès de Cotonou au Bénin à l’issue du premier Congrès panafricain francophone de médecine d’urgence baptisé « Urgences Africa 2006 ». Ces assises scientifiques ont réuni environ 200 médecins de diverses spécialités ayant en commun la gestion des urgences médicales et chirurgicales dans notre sous-région, notamment des urgentistes, des anesthésistes réanimateurs, des chirurgiens, des gynécologues-obstétriciens, des pédiatres, des cardiologues, des pneumologues, des infectiologues… etc… 14 pays étaient présents à savoir : Bénin, Burkina-Faso, Cameroun, Congo Brazza, Côte d’Ivoire, Djibouti, Gabon, Guinée, Mali, Niger, Sénégal, Tchad, Togo, Tunisie. Le Gabon était représenté par les professeurs Dieudonné Ngaka Nsafu et Romain Tchoua. On a relevé à ce congrès une importante représentation des médecins urgentistes de la diaspora. Le bureau exécutif élu était présidé par le Professeur CHOBLI (Bénin), épaulé par le docteur DIOP du Sénégal et le Professeur BINAM du Cameroun. Le secrétariat général étant assuré par un chirurgien, le Professeur AYITE Etienne du Togo. La SAFMU s’est assignée comme objectif général de contribuer à assurer la promotion de la médecine d’urgence sur notre continent.

Quatre leviers ont été décrits : mise en place d’infrastructures adaptées pour l’accueil, les soins urgents et l’orientation des patients, l’acquisition de matériels et équipements fiables et bien entretenus, définition de stratégies d’organisation rationnelle, et formation des ressources humaines.

La SAFMU a organisé plusieurs autres congrès, au Sénégal en 2008, au Cameroun en 2010, au Bénin en 2014, 2016 et 2018. La formation des urgentistes a connu un progrès scientifique encourageant dont la dernière manifestation est le projet de mise en place du DES de médecine d’urgence.

Combien de membres compte votre association à ce jour ?

À partir de la liste des membres fondateurs, celle des adhérents lors des précédents congrès, nous étions à 185 membres, dont de nombreux collègues inactifs depuis le congrès fondateur.

L’Assemblée Générale 2025 a admis 31 nouveaux adhérents à la Société dont 19 du Sénégal, 2 de Guinée Conakry, 2 du Maroc, 2 de Tunisie, 1 du Bénin, 1 de Martinique, 1 de Mauritanie, 1 de Congo Brazzaville, 1 de Congo RDC et 1 du Niger. Donc, la SAFMU compte un total d’un peu plus de 216 membres après l’actualisation du fichier des adhérents.

Propos recueillis par Junior NTEPPE KASSI

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