Selon la Présidente Exécutive de Dynamic Femmes, l’organisation de ce deuxième forum se veut être une base de réflexion-action pour la prévention efficace et efficiente de ce drame des avortements clandestins qui se joue sous nos yeux, mutilant nos femmes, bafouant nos lois, humiliant et traumatisant toutes celles qui y ont recours.
Qui est Mme Siewé ?
Je suis Claudine Siewé, présidente exécutive de Dynamic Femmes à Nkongsamba, dans le département du Mungo, région du Littoral-Cameroun. Dynamic Femmes est une organisation humanitaire et de développement qui œuvre au quotidien depuis plus d’une décennie pour la promotion, la protection, la diffusion des droits des femmes, des filles, des enfants en situation de précarité. Les droits des femmes, des filles, des enfants dans leur globalité. Le siège de Dynamic Femmes est à Nkongsamba avec deux antennes à Douala et à Bafoussam.
Quelle est votre perception de la situation des avortements clandestins au Cameroun ?
La question des avortements est un sujet sensible et controversé aux dimensions religieuses, morales, culturelles et politiques. Il s’agit également d’une question de santé publique. Dans notre cher et beau pays, l’avortement est soumis à un cadre légal très prohibitif. Néanmoins, il continue d’être pratiqué, et la majorité de ces avortements sont réalisés par des agents non qualifiés et dans des conditions sanitaires précaires. Il est donc important de lever tous les tabous qui entourent la question des avortements et promouvoir un dialogue social et politique mieux structuré et plus engagé sur le sujet.
Quels sont les principaux facteurs qui contribuent à ces pratiques ?
Après l’enquête nationale avec la clairance éthique du comité éthique du ministère de la santé publique au Cameroun menée par Dynamic Femmes sur la question, nous avons retenu comme principaux facteurs qui contribuent à ces pratiques nos normes traditionnelles, religieuses, nos lois qui sont toutes très rigides avec pour conséquence immédiate le tabou sur la question. On n’en parle pas, pourtant toutes les familles côtoient au quotidien ces avortements clandestins.
Quel est l’impact des avortements clandestins sur la santé des femmes et des filles ?
Les avortements clandestins à risque aboutissent chaque année aux décès de dizaines de milliers de femmes et laissent un nombre bien plus élevé de femmes avec des problèmes de santé chroniques et souvent irréversibles. Ces pratiques absorbent des ressources considérables du système de santé publique. Il est donc capital de promouvoir l’interaction sociale pour protéger la vie, la santé et les droits sexuels et reproductifs des femmes. L’article 337 du Code pénal camerounais réprime sévèrement les filles et femmes qui pratiquent les avortements clandestins ainsi que ceux qui leur offrent le service. L’article 339 de ce même code relève deux cas d’exception où les avortements peuvent être pratiqués de façon sécurisée, en toute impunité, c’est-à-dire légalement. Ce sont les cas où la vie de la mère est en danger et les cas des grossesses issues d’un viol. Nous devons néanmoins relever que les populations doivent s’approprier la loi pour pouvoir faire interrompre leur grossesse dans un centre hospitalier avec des personnes qualifiées, évitant ainsi de le faire dans des conditions dangereuses parce qu’ignorant de la loi. Aussi, nous pensons que les cas d’exception énumérés par l’article 339 devaient être élargis dans certaines conditions, comme l’inceste, pour ne citer que cela.
Quel est l’impact de ce deuxième forum national sur votre travail et vos actions ?
Ce forum qui a réuni tous les acteurs clés concernant par la question, je pourrais citer quelques-uns, les sectoriels, les organisations des Nations Unies, les chefs religieux traditionnels, les élus du peuple, le personnel de santé, les journalistes, les organisations de la société civile, a été une occasion pour Dynamic Femmes de présenter diverses activités et actions qu’elle a conduites depuis 2016 visant à susciter la mobilisation de l’ensemble de la société camerounaise contre les avortements clandestins. Tous ces acteurs réunis ont compris que Dynamic Femmes est un des principaux acteurs clés de la lutte contre les avortements clandestins au Cameroun et qu’une franche collaboration avec Dynamic Femmes permettrait de booster ce combat engagé.
Quels sont les principaux enseignements tirés de ce forum ?
Le deuxième forum national dont le thème central est « Ensemble pour la prévention des avortements clandestins au Cameroun » se déroule dans le sillage de la journée du 28 septembre consacré à la réflexion et à l’action pour la problématique de l’interruption volontaire de grossesse dans le monde.
Il s’inscrit dans la continuité du Forum des Acteurs Sociaux pour la Transformation des Normes Sociales Relatives à l’Avortement, toute première édition du forum consacré à la problématique des avortements au Cameroun tenue le 28 septembre 2023 et portée par Dynamic Femmes. L’organisation de cette deuxième édition, un an jour pour jour après celle du 28 septembre 2023 et sur une durée de deux jours, traduit non seulement la mise en œuvre concrète des fortes recommandations formulées à l’endroit de Dynamic Femmes par les participants à la dite rencontre, mais aussi et surtout la volonté de notre organisation d’engager plus sérieusement la société camerounaise à une étape supérieure, à savoir celle de l’action et de l’action préventive par laquelle il s’y est de commencer.
Comment peut-on évaluer l’impact de ce deuxième forum national sur les politiques et les pratiques en matière de prévention des avortements ?
L’organisation de ce deuxième forum se veut être une base de réflexion-action pour la prévention efficace et efficiente de ce drame des avortements clandestins qui se joue sous nos yeux, mutilant nos femmes, bafouant nos lois, humiliant et traumatisant toutes celles qui y ont recours. Nul doute que les nombres et riches échanges auxquels ont pris part assidûment tous les acteurs clés concernés par la question, qui ont conduit à des recommandations fortes et à des prises d’engagement, concourent à l’atteinte de notre objectif qu’est l’éradication ou du moins la diminution drastique du nombre des avortements clandestins pratiqués au Cameroun. Voilà, j’ai répondu aux questions, mais chaque fois j’étais interrompue comme je suis au bureau, pas des gens qui entraient, qui sortaient. C’est pour ça que vous voyez qu’à chaque fois je supprimais des messages.
Propos recueillis par Elvis Serge NSAA
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