« Les obstacles financiers et structurels bloquent l’accès à la kinésithérapie »

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KAGWE Thierry, kinésithérapeute à l’hôpital Laquintinie de Douala. 

À l’hôpital Laquintinie de Douala, le kinésithérapeute Kagwe Thierry, ancienne présidente de la Société camerounaise de physiothérapie, nous a éclairé sur le rôle crucial de sa profession dans la prise en charge des patients. Elle a notamment souligné l’importance de la kinésithérapie dans le contexte du vieillissement de la population, mais aussi les nombreux défis auxquels la profession est confrontée, comme la concurrence déloyale et le manque de reconnaissance.

 Pourriez-vous nous décrire votre rôle spécifique en tant que kinésithérapeute à l’hôpital Laquintinie ?

Mon rôle consiste à prendre en charge les patients nécessitant une rééducation et une réadaptation fonctionnelle. J’évalue et je traite leurs déficiences physiques à l’aide de techniques manuelles, d’agents physiques et d’exercices thérapeutiques. Je travaille également en étroite collaboration avec une équipe pluridisciplinaire pour optimiser la récupération et l’autonomie des patients, notamment ceux présentant des troubles musculo-squelettiques ou neurologiques.

Quel est, selon vous, l’importance de la kinésithérapie dans le contexte du vieillissement au Cameroun ?

La kinésithérapie joue un rôle essentiel dans le vieillissement en bonne santé. Elle permet aux personnes âgées de maintenir leur autonomie, de gérer les douleurs chroniques et d’améliorer leur qualité de vie. Dans un contexte de transition démographique et de limitations des politiques de santé publique, la kinésithérapie représente un levier crucial pour un vieillissement réussi.

Quelles sont les affections les plus courantes que vous traitez chez les patients âgés ? 

Les pathologies les plus fréquentes sont les accidents vasculaires cérébraux (AVC), les maladies cardiovasculaires, les troubles musculo-squelettiques comme l’arthrose ou la hernie discale, ainsi que les maladies neurodégénératives telles que Parkinson ou Alzheimer.

Quels sont les principaux défis d’accès aux soins de kinésithérapie pour les personnes âgées au Cameroun ?

Les obstacles majeurs sont le manque de moyens financiers même pour ceux qui perçoivent une pension, l’absence de politique publique dédiée aux seniors, la faiblesse du système de protection sociale et la rareté des services de kinésithérapie dans les structures de santé en région.

 On observe une distinction entre kinésithérapeutes diplômés et praticiens formés « sur le tas ». Quel impact cela a-t-il ?

Cette situation nuit gravement à l’image de la profession et constitue une usurpation de titre. Surtout, elle expose la population à des pratiques non sécurisées, pouvant aggraver son état de santé. Il est urgent de réglementer l’exercice de la kinésithérapie pour garantir des soins de qualité.

La kinésithérapie peut-elle jouer un rôle dans la prévention des troubles posturaux en milieu scolaire ?

Absolument, des actions de sensibilisation peuvent être mises en place pour améliorer l’ergonomie et les bonnes postures. Tout d’abord, il est essentiel de cibler les enseignants, les élèves et les parents. Ainsi, chacun peut contribuer à un environnement plus sain. Pour commencer, on peut insister sur le mobilier scolaire. Il est important d’utiliser des chaises adaptées avec un support lombaire et de s’assurer que les pieds sont à plat sur le sol, avec les genoux à un angle de 90 degrés. De même, la hauteur des écrans doit être ajustée au niveau des yeux pour éviter les tensions au niveau du cou. Par ailleurs, le transport des fournitures est un point crucial. C’est pourquoi il est recommandé de promouvoir l’utilisation de sacs à dos portés sur les deux épaules, afin de répartir équitablement le poids et de prévenir les problèmes de dos. Enfin, il est vital de lutter contre la sédentarité. Pour cette raison, il faut encourager la marche et les étirements réguliers pendant les pauses. De telles pratiques contribuent à une meilleure circulation sanguine et à une réduction de la fatigue, améliorant la concentration et le bien-être général.

L’affiche de votre événement annonce des « consultations gratuites pour personnes âgées ». Que proposez-vous concrètement ? 

Nous offrons des consultations en rhumatologie, médecine générale, neurologie et kinésithérapie. Nous réalisons également du counselling sur la prévention des chutes, ainsi que des tests diagnostiques pour évaluer la fragilité et les risques de chute.

Quel est l’objectif de la « marche sportive et de sensibilisation » organisée ?

Il s’agit de combiner activité physique et sensibilisation. Pendant la marche, nous distribuons des flyers pédagogiques bilingues afin d’échanger avec le public tout en pratiquant une activité bénéfique pour la santé.

Pourquoi est-il important de célébrer la Journée mondiale de la kinésithérapie à l’hôpital Laquintinie ? 

Cet événement nous permet de faire connaître notre service au grand public, de valoriser nos ressources humaines et matérielles, et de montrer que des soins de kinésithérapie de qualité sont accessibles à un coût raisonnable.

Comment sensibilisez-vous les autres professionnels de santé au rôle de la kinésithérapie ? 

Nous travaillons à clarifier les champs de compétence de chaque acteur de santé et renforçons la collaboration interdisciplinaire, toujours dans l’intérêt du patient.

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes pour bien vieillir ? 

Pour maintenir une vie saine et équilibrée, il est crucial d’adopter de bonnes habitudes dès aujourd’hui. Tout d’abord, une alimentation équilibrée et une activité physique régulière sont essentielles pour le bon fonctionnement du corps. En effet, elles fournissent l’énergie nécessaire tout en prévenant de nombreuses maladies. Par ailleurs, le bien-être mental est tout aussi important. Ainsi, la stimulation cognitive permet de maintenir un esprit vif, tandis qu’une bonne gestion du stress et un sommeil de qualité contribuent à l’équilibre psychologique. De plus, certaines habitudes de vie doivent être évitées ou modérées. C’est pourquoi l’arrêt du tabac et de l’alcool est fortement recommandé pour protéger votre santé à long terme. Enfin, il est crucial de prendre des mesures préventives pour l’avenir. Cela inclut des consultations médicales préventives régulières et une bonne préparation financière et logistique de la retraite. Ces étapes vous permettront de vivre vos vieux jours en toute sérénité.

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Comment voyez-vous l’avenir de la kinésithérapie gériatrique au Cameroun ? 

Pour assurer un avenir prometteur à la kinésithérapie au Cameroun, les pouvoirs publics devraient adopter une approche proactive et axée sur la gériatrie. Tout d’abord, il serait essentiel de créer un master de kinésithérapie en gériatrie. Cette formation spécialisée permettrait de former des professionnels hautement qualifiés pour répondre aux besoins d’une population vieillissante. De plus, ce plan ne pourrait aboutir sans un renforcement des ressources humaines et matérielles. Il serait nécessaire de recruter des médecins gériatres dans chacune des dix régions du pays. Enfin, la création d’un grand centre de gériatrie bien équipé dans chaque région est indispensable. Ces centres offriraient non seulement des soins spécialisés, mais serviraient également de plateformes de formation et de recherche, garantissant ainsi que le Cameroun puisse prendre en charge sa population âgée de manière efficace et digne.

Propos recueillis par Elvis Serge NSAA

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