Par Joseph MBENG BOUM
La publication de lettre de Malachie Manaouda, ministre camerounais de la Santé publique signé en date du 14 mars 2019, proscrivant la séquestration des patients et la libération de ceux qui sont encore retenus dans les formations sanitaires fait l’objet d’une forte controverse au sein de l’opinion. Et pourtant l’homme se veut juste humaniste et humanitaire comme l’indique sa devise. Loin de toutes les interprétations entendues çà et là, le courrier vise simplement à libérer ses camerounais qui sont en « prison » dans nos formations sanitaires. Est-il normal qu’un citoyen parce qu’il n’a pas pu solder toute sa facture se retrouve séquestrer pendant les semaines ? Forcément non. Il fallait faire quelque chose pour ces hommes et femmes.
La décision du Minsanté s’applique donc à trois volets. « Il m’a été donné de constater au cours de mes visites de terrain, que les patients sont retenus pour défaut de paiement total de leurs factures d’hospitalisation et des soins. En déplorant cette situation qui cadre mal avec notre ambition d’humanisation des soins et de justice sociale, et vous répercutant à cet effet, les instructions de la Présidence de la République, J’ai l’honneur de proscrire, pour compter de la date de signature de la présente lettre, la séquestration des patients indigents dans les formations sanitaires publiques ». Dans ce paragraphe, le patron de la santé au pays décrit la triste situation dans nos hôpitaux. Pour lui comme pour toute autre personne, il faut libérer ces patients. Il ne s’agit pas des patients antérieurs mais de ceux qui sont encore en « prison » au moment de la signature de sa note. Puisqu’il est anormal que certains soient libérés et d’autres non, il fallait comme il l’a fait, étendre la mesure dans tout le pays.
Qui va payer la facture ?
« Je vous demande par conséquent de bien vouloir, toutes affaires cessantes, libérer tous les patients qui se trouveraient ainsi retenus dans vos formations sanitaires respectives, en raison de leur insolvabilité, et me rendre compte instamment de vos diligences et coûts y relatifs ». Cette phrase répond clairement à cette préoccupation. Pour les responsables des formations sanitaires publiques, il s’agit de libérer les malades, faire leur facture et l’envoyer au ministre pour payement. D’aucuns se demandent où Manaouda trouvera-t-il l’argent pour payer ces factures qui s’élèvent à des dizaines de millions ? Depuis 10 ans, le ministère de la Santé publique est devenu un ministère de souveraineté. Il dispose des fonds de solidarité dans les 10 régions du pays. Outre cela, certaines lignes budgétaires et d’autres mécanismes connus permettront de solder la facture sans difficulté.
Les soins deviennent-ils gratuits ?
La santé n’est pas gratuite au Cameroun. Pour l’heure chaque personne paye encore ses soins de santé. Conscient de cela et du fait qu’il y aura toujours des indigents, le ministre appelle à un dialogue visant à trouver des solutions pérennes qui permettront aux patients de se soigner sans être séquestrer. « Par ailleurs, en attendant la mise en place de la couverture santé universelle, je vous exhorte à bien vouloir me proposer dans les meilleurs délais, des solutions mieux adaptées et moins dégradantes pour la prise en charge des patients indigents dans les formations sanitaires publiques » écrit le Minsanté. La mesure de libération des patients indigents et insolvables est donc une mesure à court terme. A moyen terme, le plus jeune ministre du gouvernement du 04 janvier 2019, veut proposer un mécanisme « mieux adapté et moins dégradant » pour les patients. La balle est donc dans le camp des professionnels de la santé pour proposer dans les brefs délais des solutions efficaces.
Une porte ouverte à la corruption…
La santé n’étant pas gratuite, chaque personne devra s’acquitter de ses frais hospitaliers comme dans le passé en attendant la couverture santé universelle. Pour le cas des malades indigents, les formations sanitaires devront mener des enquêtes pouvant aller jusqu’au domicile des concernés pour se rassurer si ce dernier est véritablement indigent. Comme le prévoit la nomenclature de nos structures de santé, les patients indigents seront prise en charge par l’hôpital. Les affaires sociales devront aussi jouer franc jeu dans l’identification des indigences. Mais cette décision appelle aussi le sens élevé de la bonne gouvernance des responsables des formations sanitaires.
Pour s’assurer de l’application de cette décision, le Minsanté et ses collaborateurs vont multiplier des descentes inopinées dans les formations sanitaires. Il fallait bien qu’une personne siffle la fin de la récréation pour le bien des malades. Les brebis galeuses n’ont qu’à bien se tenir. Aucun cas de résistance, ne devra être tolérer. L’humanisation des hôpitaux n’a pas de prix. Cette mesure n’aura pas d’impact sur les recettes des hôpitaux encore moins dans la motivation habituelle de ceux-ci. Au contraire, un meilleur accueil et une bonne prise en charge des patients vont plutôt booster la fréquentation et les recettes.
Le troisième aspect de cette décision vise l’atteinte de la couverture santé universelle tant souhaité par tous les camerounais. A ce propos, Joseph Dion Ngute, Premier ministre, chef du gouvernement camerounais, a prescrit à travers une lettre de mission signé le 22 mars 2019, un ensemble d’actions à mener : le Minsanté devra donc s’atteler à soumettre au Pm, au plus tard à la fin du premier semestre 2019, un plan actualisé et chiffré sur la mise en œuvre de la phase pilote de la couverture santé universelle au Cameroun.
Le temps de l’humanisation des hôpitaux a sonné. Chacun doit placer le patient au cœur des préoccupations. Car il n’y a pas de développement sans la santé.
A lundi prochain.