Magrabi ICO Cameroon Eye Institute:Plus de 190 000 personnes consultées et opérées en 4 ans

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Lire l’interview exclusive du Dr Henry Nkumbe,Directeur Général

Communément appelé l’hôpital des yeux, situé à Obak dans le département de la Lekié, région du Centre, cette formation sanitaire qui en ce lundi 29 mars 2021 est à sa quatrième année d’existence a consulté plus de 190 000 personnes soit 10000 opérations.

A ce jour ,Magrabi ICO Cameroon Eye Institute a formé plus de 170 professionnels de la vue originaires de l’Afrique subsaharienne, soit 50% des camerounais. Elle est aujourd’hui le centre par exemple des maladies de la vue.

Votre structure a quatre ans d’existence ce qui démontre que vous fait du chemin. Pouvez-vous nous présenter votre structure ?

Magrabi ICO Cameroon Eye Institute est une abréviation des noms des promoteurs. Magrabi qui est le promoteur principal d’origine Egyptien, ICO c’est l’international Council of Opthamology qui est la structure au niveau mondial qui donne les recommandations sur l’ophtalmologie.Nous avons intitulé cela institut parce que notre but c’est d’être un centre de formation.

Les origines de cette structure datent de 2009 suite à la publication du rapport mondial sur l’état de la santé de la vue. Lors d’une conférence internationale où le Dr Magrabi était présent, il se rend compte qu’en Afrique le problème de cécité est très élevé. Il constate qu’il y a un réel problème de santé oculaire. Outre de cela, il y avait très peu de professionnels de santé oculaire. Et même là où il y avait les professionnels de santé oculaire, les plus part des causes de cécité évitables nécessitait une intervention chirurgicale.la plupart de ces professionnels en question n’étaient pas en mesure de faire la chirurgie. C’est ainsi que le Dr Magrabi décide de construire trois hôpitaux en Afrique comme sa contribution dans la lutte contre la cécité en Afrique Centrale, Afrique de l’Ouest et l’Afrique de l’Est. La décision a été prise de commencer en Afrique Centrale dont au Cameroun.

Arrivé au Cameroun pour leur première fois, ils ont été bien accueillis. L’ex premier ministre Philémon Yang les a reçus alors qu’il était fraichement nommé en 2009. Le promoteur a proposé le projet de construire un centre d’ophtalmologie avec les soins de haut niveau, bien évidement répondant à toutes les bourses des camerounais, mais aussi pour former parce que le besoin est énorme. Le premier ministre a demandé se jour ce que nous voulons. Le Dr Magrabi lui demande un espace où construire le centre et une facilitation douanière et fiscale pour faire entrer le matériel médical. Philémon Yang quant à lui n’a trouvé aucune objection. C’est donc par là que nous avons obtenus cet espace de 50 000 m2. Les travaux de construction ont débuté en 2011 et ont pris fin en 2016. Après six mois de test pour voir si tout allait bien, alors le 29 mars 2017 c’est ainsi que le premier ministre Philémon Yang accompagné du ministre de la Santé Publique André Mama Fouda et d’autres membres du gouvernement a inauguré le Magrabi ICO Cameroon Eye Institute. Voilà comment nous sommes arrivés. Alors en ce qui me concerne le Dr Magrabi en 2010 m’avait contacté me disant qu’il voulait me rencontrer. J’etais alors ophtalmologiste et conseiller médical de la CBM sur les iles de Madagascar. La rencontre était en Berlin en juin 2021 lors du congrès mondial où il me dit qu’il était au Cameroun pour construire un centre d’ophtalmologie et qu’il voulait quelqu’un pour gérer cette structure. Voila comment moi aussi j’ai été impliqué dans ce projet depuis lors.     

Quatre ans après, vous qui êtes dans ce projet depuis sa création, quelles sont vos impressions ?

Elles sont très bonnes dans la mesure où l’hôpitalrépondà un besoin réel non seulement pour le Cameroun mais aussi pour les autres pays de la Cemac. Je peux vous dire qu’après une étude que j’ai faite, moins de 20% des camerounais qui ont un problème de la vue peu importe le problème sont consultés par un professionnel. Ce qui indique que 80% des camerounais n’ont pas accès et le besoin est vraiment énorme si bien que beaucoup de gens nous sollicitent quand le mal arrive à un stade grave d’où parfois nous sommes dans l’incapacité de trouver des solutions. C’est ce qui explique également notre stratégie avancée, d’aller dans les communautés faire le dépistage des maladies oculaires cecitantes, un volet très important de notre travail.  

Parlons des chiffres, le Magrabi ICO Cameroon Eye Institute a consulté combien de personnes depuis sa création ?

Aujourd’hui nous sommes à plus de 190 000 consultations. La raison pour laquelle nous faisons les consultations est que nous voulons lutter contre la cécité et la malvoyance. Il faut dire que la première cause de cécité au Cameroun et dans le monde c’est la cataracte. Alors, quand nous faisons les opérations, il est beaucoup plus important pour nous de lutter contre la cataracte. Et nous avons fait plus de 10000 opérations des yeux, dont 7000 pour la cataracte. C’est un chiffre énorme, mais, c’est juste une infime partieparce qu’en 2016 lors de la période des tests, à Yaoundé nous avons recensés plus de 23 000 cataractes qu’on devaitopérer.Alors si en quatre ans nous avons opérés 7000 cataractes, cela voudrait dire que nous avons encore du chemin à faire parce ce chiffre est hormis les autres régions du pays ainsi que les pays de la zone Cemac.

Il y a aussi ceux qui viennent pour les problèmes de réfraction, c’est-à-dire ceux qui ont besoin de lunettes pour mieux voir. Ces personnes constituent 51% des personnes que nous recevons ici. En 2019 par exemple, nous avons fait plus de 40000 consultations, à MICEI et 12 000 pendant la strategie avancée, plus de 30000 en 2020. Donc les erreurs de la réfraction sont aussi très importantes. Pour les causes cecitantes, il y a la cataracte, le glaucome, la rétinopathie diabétique qui est causée par un diabète mal soigné. Et en fin le décollement de la rétine. Le constat je fais en tant que rétinologue est que beaucoup de personnes viennent ici avec les problèmes de décollement de la rétine à un stade très avancé. La rétine étant une structure très délicate et importante de l’œil.

En ce qui concerne les tranches d’âges, je pourrais dire c’est nous recevons toutes les tranches. Les hommes comme les femmes ainsi que les enfants qui constituent environ 40% des personnes consultées.

L’objectif de ce centre selon vous est de former les camerounais ainsi que les personnes venant des autres pays. Jusqu’à date pouvez-vous nous donner le nombre de personnes formées et les différentes nationalités ?

Quand cet hôpital a été ouvert, les premières personnes à visiter ont vu le potentiel de formation. Suite à cela nous avons eu beaucoup de demandes pour des stages et les renforcements de capacités. Je dois vous dire que la majorité des personnes qui travaillent ici n’ont jamais été dans un centre d’ophtalmologie. Et c’est ici que beaucoup ont su ce que c’est que l’œil et tout ce qui va avec. Alors la première chose pour moi était de former le personnel.

En général, nous avons formé plus de 170 personnes dont la moitié sont des camerounais et l’autre part sont des étrangers qui viennent des pays de la sous-région Cemac ainsi que de la Cedeao. Dans ce chiffre il y a les médecins généralistes, les ophtalmologistes, des infirmiers, et les techniciens de maintenance.

Pour les autres pays de l’occident, nous recevons les demandes mais notre politique qui est d’ailleurs une priorité pour nous est que les africains doivent se former.Donc quand nous avons des dossiers, le choix est d’abord porté sur les africains. Bon, il y a les allemands, les anglais et les américains qui sont venus faire des recherches avec nous.

Quatre ans d’existence que pouvez-vous à vos collaborateurs ?

Les 190 000 personnes que nous avons consultées c’est grâce à notre personnel qui est dédié, qui travail très dur et qui met dans ses priorités le patient.

La première chose que je dirais c’est un grand merci à ce personnel. Voyez-vous pour un hôpital des yeux qui existe depuis 4 ans seulement, avoir ce genre de chiffre pour nous c’est énorme. Alors malgré le contexte du Covid-19, on s’attendait à ce que ça baisse énormément, mais grâce à leur courage, et leur créativité, le personnel est venu avec des idées et solutions pour essayer de protéger non seulement eux-mêmes, mais aussi les patients. L’une des idées phare était de donner les masques gratuitement aux patients quand les premiers cas ont été déclarés au Cameroun. Beaucoup venaient ici sans masques, et nous ne pouvant pas les mettre à la porte, nous avons opté pour le don des masques à chaque fois qu’un patient arrivait ici. Cette politique mise en place était pour protéger le patient ainsi que le personnel soignant. En outre, c’est notre contribution pour la lutte contre cette pandémie. Au jour d’aujourd’hui nous sommes à 90 000 masques produits depuis le début de la pandémie et distribuer gratuitement.

Parlons de cette pandémie du Covid-19 qui a fragilisé presque tous les pays ainsi que les secteurs d’activités. Comment avez-vous géré cette situation étant aujourd’hui à un an ?

Quand cette pandémie a commencé les gens pensaient que c’était un problème chinois. Trois mois plus tard, les frontières étaient fermées au Cameroun. Comme première mesures nous avons fermés l’hôpital pendant une semaine le temps de mettre sur pieds une stratégie pour la protection du personnel et des patients. Pendant cette fermeture, nous avons mis sur pieds un système de triage des patients par téléconsultation.

On a installé les robinets à l’entrée de l’hôpital ceci pour les patients, et deux autres robinets derrières pour le personnel. Suite à cela comme je l’ai dit plus haut nous avons commencés la fabrication des masques. Quand nous avons réouvert l’hôpital, un dispositif spécial était fait dans les salles d’attentes distanciation sociale oblige. Les vitrines ont été installées dans les salles de consultations questions d’éviter un contact direct entre patient et médecin. Beaucoup de communications, de formations des patients et le personnel ont été faites.

Durant cette période chaude de la pandémie. Avez-vous songé à réduire votre personnel vu le fait que les consultations avaient baissé ?

Nous sommes arrivés à une situation où on devait prendre des décisions vis-à-vis des entrées. Entre mettre les gens en chômage technique, réduction des salaires, la deuxième option était la bonne. Mais avec l’autorisation du conseil d’administration, nous nous sommes fixés les objectifs en interne. Alors, Dieu merci nous n’avons pas réduit les salaires, mais plutôt en fin d’année le personnel a eu droit à un 13e salaire. Et tout ça, je le dois à mon personnel.

Une activité aussi importante comme celle-ci ne peut se passer sans difficultés. Pouvez-vous nous donner quelques difficultés ?

La plus grande difficulté est que nous étant une structure à but non-lucratif, les gens se plaignent de la cherté. Mais nous ne recevant pas de subvention, nous devons faire notre possible pour faire tourner notre hôpital. Il y a une masse salariale importante, les intrants qu’il faut acheter, l’entretien de cet édifice et bien d’autres. Parfois nous recevons des dons, mais nous ne comptons pas sur les dons. Donc, nous devons non seulement faire tourner cette structure, mais aussi l’agrandir.

Il y a aussi ces personnes là qui viennent ici avec les cas très avancés. Et vous savez que quand un cas est très avancé, cela implique un cout énorme. Alors la plus grande majorité de ces personnes là sont dans l’incapacité de payer ces soins. Avec les dons que nous recevons des partenaires dont moi-même j’ai eu à contribuer une fois, nous parvenons à aider certaines personnes en réduisant le coût de certains soins. Mais il y a une limite à tout çà parce que si tout le monde vient ici se plaindre et que trouvons des solutions, nous allons finir par fermer.

Un autre problème majeur c’est le personnel. Il faut trouver du bon personnel. Je fais référence ceci à ceux qui partage la vision et non ceux qui ont été formés. Voyez-vous dans le monde du travail il y a le savoir, le savoir faire et le savoir être. Et dans notre profession, le savoir être est le plus important. Très souvent nous trouvons le savoir, mais le savoir être est une chose difficile. On est donc obligé de beaucoup travailler sur ces concepts-là.

Votre message aux camerounais et d’autres personnes d’ailleurs ? 

Premièrement ce que je dirais aux camerounais est que la santé est le bien le plus important qu’ils ont. Cette santé là n’a de pas prix. Surtout la santé visuelle. C’est quand on a des troubles visuels qu’on constate en réalité la vue c’est la vie. Il est important que nous prenions cela au sérieux. La deuxième chose est de faire confiance aux professionnels de santé oculaire. Nous n’étant pas nombreux au Cameroun, au lieu d’aller chercher des solutions inadéquates, bien vouloir aller vous consulter chez un spécialiste infirmier ou ophtalmologiste. La troisième chose est de faire régulièrement un bilan de santé oculaire. N’attendons pas d’avoir mal ou de ne plus voir pour consulter un ophtalmologiste. 

Une recommandation que je vais faire est de faire consulter vos enfants avant l’âge de la scolarisation. S’il n’y a rien, entre l’âge de vingtaine et de la trentaine, il faut voir un spécialiste une ou deux fois. Lorsqu’on est à la quarantaine, il faut se faire consulter tous les deux ans et à plus de la cinquantaine chaque année parce que les maladies cécitantes deviennent plus fréquentes avec l’âge. Alors si ces maladies peuvent être détectées à temps, la prise en charge est moindre par rapport à quand c’est grave.

Finalement la vision de ce centre est que aucun camerounais ne se rende en occident pour se faire soigner les yeux. Il est question ici de préciser que nous ne voulons pas dire que nous allons traiter tous les cas mais, à travers les différentes personnes que nous allons former, qu’ils puissent aussi de leur côté soigner les autres. Et la dernière chose est que nous voulons travailler avec les grandes universités de médecine comme Yaoundé I parce que jusqu’à présent nous n’avons pas encore reçu les étudiants de ce côté-là. Nous travaillons avec le Ministère de la Santé Publique, avec ses étudiants du Centre des infirmiers Spécialisé de Yaoundé, qui viennent régulièrement faire leurs stages ici. Actuellement nous avons au sein de notre hôpital des étudiants qui viennent de l’Afrique de l’Ouest. Alors pourquoi pas avec mes frères et sœurs de nos facultés de médecine.

Propos recueillis par Jean-Claude KENDEG

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