Médecine africaine et médecine moderne : Le Pr Elie Claude Ndjitoyap Ndam coupe la poire en deux

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Pour concilier les deux médecines, le hépato-gastro-entérologue et ancien directeur de l’hôpital général de Yaoundé, propose l’ethnomédecine, c’est-à-dire une anthropologie culturelle de la médecine en milieu africain. Ces défis demandent du bon sens et un certain réalisme.

La santé n’a pas de prix, c’est bien connu, mais elle a un coût. « La pandémie relative au nouveau coronavirus qui ébranle le monde en général et notre pays en particulier depuis le début de l’année 2020 a remis à la lumière du jour l’intérêt que nous avons à accélérer le développement de la médecine traditionnelle. » La recherche des traitements préventifs et curatifs pour la prise en charge des patients infectés a permis l’émergence de nombreuses pistes de solution provenant des chercheurs et des praticiens de santé. Au Benin, à Madagascar, au Congo et au Cameroun, entre autres, des chercheurs et des tradipraticiens de plusieurs pays africains proposent aujourd’hui des médicaments traditionnels potentiellement efficaces contre la COVID-19, a déclaré le ministre de la Santé publique, Dr Manaouda Malachie.

Par contre, dans les formations sanitaires, la réalité quotidienne pousse certains malades dans les bras des traditionnels praticiens. « L’image de la médecine traditionnelle face à la médecine moderne se construit à partir de la réalité quotidienne, et non à partir d’une abstraction idéale. » Or les faits sont têtus ; l’accueil médiocre et les longues attentes dans les dispensaires, les abus de certains fonctionnaires de santé, le manque de médicaments contribuent à édifier une image inquiétante de bien des services médicaux, écrit Jean Benoist du Laboratoire d’écologie humaine. Ainsi, la médecine traditionnelle apparaît aussi comme un recours face à la contradiction entre les besoins en matière de santé et l’importance de leur coût.

Au Cameroun, d’après les dernières estimations datant de 2012, la dépense totale de santé s’élevait à 728,1 milliards FCFA avec un taux très élevé de la contribution des ménages par paiement direct estimé à 70 %. Selon le journal Le Monde, du 25 septembre 2019, au Cameroun, le marché pharmaceutique est estimé à 100 milliards de francs CFA par an (environ 150 millions d’euros), avec 90 % de dépendance à l’étranger. Encore, selon le journal Le Monde, pour les 10 % restants, une dizaine de sociétés de fabrication de médicaments se battent pour émerger.

Dans la plus grande partie du pays, l’approvisionnement en médicaments est d’ailleurs tout à fait problématique. Les dépôts de médicaments que tiennent en assez grand nombre des non-professionnels n’offrent qu’un choix disparate et coûteux. « Nous mourons aujourd’hui de pauvreté, car, sans argent, le médecin soigne rarement de façon efficace ». Naguère encore, nous nous tirions fort bien d’affaires… Faut-il faire la recette de nos possibilités médicales ? Nous soignons la toux chronique conçue sous le nom de tuberculose. On n’en mourait qu’accidentellement. Elle n’était pas si violente que la tuberculose d’importation qui nous décime actuellement. Nous guérissions la lèpre, la folie, l’épilepsie ; la fracture, quelle que soit sa gravité, ne durait pas une semaine. Nous avions des remèdes contre les maladies dont le traitement n’est pas encore découvert. « Etions-nous donc incapables de tout comme on nous le fait chaque jour sentir ? » a déclaré Cheikh Hamidou Kane, dans l’ouvrage, L’aventure ambiguë, Julliard, 1961.

Selon le Pr Elie Claude Ndjitoyap Ndam, dans son article scientifique intitulé « Médecine africaine et médecine moderne : les défis d’une nécessaire coexistence », il dit que l’histoire médicale des peuples d’Afrique est peu ou mal connue faute de documents écrits.

La réalité révèle l’existence d’une médecine traditionnelle ancienne, certes empirique, mais qui a permis aux populations de combattre les maladies qui affectaient la santé de leur famille et de leurs communautés. Dans le même article, il indique que la pénétration sanitaire occidentale au 19e siècle a mis les masses autochtones africaines au contact des Européens. Ceci a amené à la naissance d’une médecine dite moderne ou conventionnelle.

Dès lors, on va donc assister en Afrique à la coexistence de deux savoirs, savoir-faire et savoir-être en matière médicale. La médecine traditionnelle a ses spécificités, ses avantages et ses inconvénients. Quant à la médecine moderne, elle ne prend pas toujours en compte l’africanité du malade. Pour concilier les deux médecines, il faut faire appel à l’ethnomédecine, c’est-à-dire une anthropologie culturelle de la médecine en milieu africain. Ces défis demandent du bon sens et un certain réalisme. La complémentarité du formel et de l’informel est le garant d’une meilleure couverture sanitaire.

Elvis Serge NSAA

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