Médecine traditionnelle :Vers l’adoption d’une loi sur sa pratique au Cameroun
Telle est l’annonce faite par le Ministre de la Santé publique, Dr Manaouda Malachie au cours de la célébration le 31 Aout de la 18ème journée africaine de la médecine traditionnelle.
S’il y ‘a bien une leçon que la pandémie du Covid19 a enseigné au monde entier, c’est la valorisation de son propre système de santé. Face aux limites de la médecine moderne dans le traitement de la pandémie du coronavirus, le président de la république Paul Biya a encouragé les efforts visant à mettre au point un traitement endogène. Des recettes de grand-mère aux décoctions diverses, le Cameroun présente une grande diversité de traditions médicinales inhérentes à sa diversité culturelle. En effet, 80%, c’est le taux de la population qui utilise de la pharmacopée traditionnelle pour se soigner au Cameroun. Pourtant, les tradi-praticiens sont le plus souvent considérés comme des marabouts, des charlatans et sont sujets de méfiance mais paradoxalement très fréquentés. Il était donc de bon ton pour les députés de se pencher sur cette question qui divise l’opinion nationale, d’affronter les deux médecines. Deux réalités qui s’observent souvent en chiens de faïences. Il ne s’agit donc pas de rejeter la médecine moderne, ni de la substituer mais plutôt de les rendre complémentaire l’une de l’autre. Car il n’y a aucune incompatibilité. « Le Cameroun a beaucoup à gagner en investissant dans la médecine traditionnelle. Grâce à une sérieuse codification, les médecines traditionnelles chinoises et indiennes ont conquis le monde » a confié Dr Peyou Mbezele Marlyse, biochimiste. C’est donc dans ce sillage que la célébration de cette année a porté les couleurs. Faire une évaluation des deux décennies passées afin de faire un bond en avant.
« En tant qu’africains, nous savons quel est l’apport de la médecine traditionnelle dans notre bien-être à tous »reconnait Dr Manaouda Malachie. Malheureusement, l’encadrement de cette profession reste une bataille. « La difficulté que nous avons eu jusqu’ici est la structuration de cette profession. Pour qu’on puisse mieux l’encadrer, il faudrait que la profession s’organise, qu’on est des interlocuteurs qui soient bien connus, qu’on ait une liste de tous les tradi-praticiens pour mieux nous permettre de mieux avancer » souligne le Minsanté. Il indique par ailleurs que son département travaille avec le ministère de la Recherche scientifique et de l’innovation pour la production d’un projet de loi qui va être soumis au gouvernement le plus tôt possible que l’encadrement juridique puisse être trouvé. Il est attendu donc un éveil de conscience collective, une participation et un accompagnement effectif des pouvoirs publics pour l’éclosion et l’intégration dans les politiques des soins et de l’offre de santé par la médecine traditionnelle. Surtout l’accroissement de l’impact économique, social et sanitaire de la médecine traditionnelle améliorée.
Ariane Makamte
Réactions
« L’Etat fait quelques progrès concernant la médecine traditionnelle »
Trad. Dr Gidiun PELIEGHO, chercheur en plantes médecinales
Lors de la conférence des chefs d’Etat à Ouagadougou il a été décidé d’implémenter la journée africaine de la médecine traditionnelle chaque 31 août de chaque année. Il était question de respecter les recommandations prescrites par l’Organisation Mondiale de la Santé. Dans le cas du Cameroun, je crois que l’on peut y noter quelques progrès mais notre véritable attente est la mise en place d’une loi pour régir le système de la médecine traditionnelle au Cameroun, faisant office d’acte de naissance de cette activité dans notre pays.
« La médecine traditionnelle n’est utilisée que dans le noir»
Médecin colonel Werimoh Tembeng Godfred, chercheur en médecine alternative
La journée de la médecine traditionnelle existe pour sensibiliser les populations sur l’importance de la médecine africaine. La médecine africaine a 4 composantes dont la médecine traditionnelle, tradi-spirituelle, ancestrale et pharmacopée africaine. Il est important de savoir distinguer ces différentes notions. Concernant l’avancée de la médecine africaine, le Ministère des Arts et de la Culture a déjà reconnu cette médecine comme une fédération et j’en suis le coordonnateur national. L’Assemblée nationale a mis en place un réseau parlementaire pour veiller à la promotion de cette médecine. Ce sont des avancées que nous pouvons déjà noter. Mais nos grandes attentes concernent le cadre juridique. En effet, la médecine occidentale couvre 20% de notre santé, les églises 10%, et la médecine traditionnelle couvre 70%. Ces 70% sont insérés dans un seul service au Ministère de la Santé, d’où le manque de visibilité sur le plan national. Son évolution n’est presque pas palpable en vingt ans au Cameroun. Ce qui implique que les gens ne l’utilisent que dans le noir. Nous voulons que cette médecine soit pratiquée sans gêne. Pour plus de visibilité, nous demandions à l’Assemblée nationale qu’il y’ait une loi dédiée à la création d’une structure administrative pour cette médecine. C’est une médecine à part entière.
« La médecine traditionnelle au Cameroun est abandonnée»
Dr DEWAH, médecin traditionnel
Vingt ans après que l’OMS ait demandé aux pays africains de reconnaitre la médecine traditionnelle, de la valoriser et de la mettre dans leur système de santé, rien n’est fait. C’est la Covid-19 qui a incité notre pays à se tourner vers la médecine traditionnelle. Les tradipraticiens ont été conviés à un échange avec les membres du Parlement afin d’améliorer la pratique de la médecine traditionnelle au Cameroun. Depuis lors, nous avons eu le soutien du Ministère en charge de la culture. Mais le Ministère de la Santé publique qui est la tutelle ne s’intéresse pas à la médecine traditionnelle. Ce secteur n’est donc pas réglementé. Pour la célébration de cette journée de la médecine traditionnelle, nous louons pratiquement l’esplanade du Musée national ainsi que les tentes que nous utilisons.
Un document circule dans les médias sociaux stipulant qu’un Conseil supérieur de la Médecine traditionnelle déclare qu’aucun remède proposé par la médecine traditionnelle n’est efficace. Et cette déclaration me rend stupéfait. J’exhorte maintenant le ministère de la Recherche scientifique et le Ministère des Arts et de la Culture à nous donne accompagner.
Propos
retranscrits par Flavie WANCHA& Liliane NKODO