Sud-Kivu : Des malades prisonniers à l’hôpital
En l’occasion de la journée mondiale des malades célébrée le 11 février de chaque année, votre média a fait un tour d’horizon de la situation des patients dans plus d’une structure sanitaire à Bukavu. Constat : Beaucoup d’entre eux se retrouvent collés sur les lits de l’hôpital faute des possibilités financières pour honorer leurs factures.
Sans quasiment d’exception, les établissements sanitaires connaissent cette triste réalité. Les malades peinent à s’acquitter des factures après la guérison. Des jours passent, et aucune pitié ne leur est accordée jusqu’au point de rester calfeutrés dans des salles des malades, alors qu’ils sont déjà bien portants. Dans l’immense majorité des cas, ce sont les femmes qui traversent cette sorte de chemin de croix, renseignent des témoignages concordants.
« Je vis très mal dans cet hôpital depuis ma guérison il y a trois mois. L’administration hospitalière m’avait signé une autorisation de sortie, et à ces jours, je ne sais pas où trouver ce montant de 20 dollars pour être libre. Je suis en permanence sous surveillance, donc prisonnière ici », raconte une dame manifestement courroucée par cet état des choses.
Les malades ont cette conscience d’être en prison vu que les sentinelles d’hôpitaux sont assez vigilantes pour barrer la route à quiconque voudrait malignement s’échapper.
La fuite
La situation est difficilement supportable. Bien des patients, convalescents et fatigués de rester à l’hôpital, inventent des stratégies d’auto-libération.
Dans la plupart de cas, ils s’échappent à la moindre distraction des sentinelles courant ainsi le risque d’être attrapés. C’est le cas de Buhendwa, un vieil homme aux jambes fracassées dans un accident de circulation routière. Apres une année et six mois des soins intensifs, il recouvre peu à peu sa santé, mais éprouve des sérieuses difficultés à quitter l’hôpital faute d’argent. Il planifie un plan B, selon lui.
« Mon corps est déjà fatigué à force d’être alité pendant plus d’une année en train de recevoir des soins. A l’heure actuelle, j’ai une certaine force qui me permet de rentrer à la maison pour m’occuper des miens. Seul problème : la facture de l’hôpital me tient au cou. Je pense alors fuir dans les jours qui viennent aux heures tardives de la nuit en trompant la vigilance des sentinelles puisque je ne vois aucune autre issue ».
La stratégie est largement partagée par plusieurs dizaines des malades qui nourrissent l’envie de risquer la fuite comme l’auraient fait beaucoup d’autres malades en difficulté financière.
Les voies de sortie
A part cette sordide manie de sortir de l’hôpital, d’autres malades vont jusqu’à proposer des métiers au sein des structures sanitaires en compensation aux frais qu’ils auraient dû payer. C’est ainsi qu’ils font, soit du jardinage, de la cuisine, de la lessive, soit de la propreté de la cour de l’hôpital et ainsi de suite. Et au bout de quelques mois, ils sont libérés. Sinon, hésitant de fuir ni de travailler gracieusement pour l’hôpital, ils sont chassés des lits d’hôpital pour passer la nuit à même le sol.
« Pour ma part, j’ai passé quatre mois dans cet hôpital, incapable de payer quelques petits billets de banque pour mon enfant soufrant de la malaria couplée à une paralysie de la partie gauche de son corps. J’ai été chassé, tel un malpropre, du lit que j’occupais avec cet enfant de sept ans. Exposés aux intempéries de tous ordres, lui est retombé malade et moi aussi », témoigne, navrée, madame NANKAFU, qui se rebiffe par rapport aux lourds travaux proposés à l’hôpital en contrepartie du litige à régler.
Dr Bertin RWANKUBA, chef de staff à l’hôpital général de kadutu, une de trois communes de la ville de Bukavu, atteste cette réalité. Des patients ayant subi l’opération chirurgicale ou des enfants en pédiatrie rechutent au fur et à mesure qu’ils restent en contact avec d’autres malades à l’hôpital, et leurs conditions de vie se détériorent chaque jour davantage.
« Nous regrettons cela, et l’hôpital n’est plus à même à certains moments de se ravitailler en médicaments ou de rémunérer le personnel soignant à cause de cette situation qui nous pousse à soigner continûment les malades auparavant guéris. Que dire de ceux qui prennent le large sans laisser des traces », s’exclame cet homme en blouse blanche qui invite le gouvernement provincial à prévoir une ligne budgétaire pour la subvention des structures sanitaires publiques. Cela, renchérit notre source, allégerait le cout aux malades indigents qui endurent ces douleurs d’être retenus sans bonne raison à l’hôpital.
Un autre constat encore angoissant est celui des femmes qui accouchent. Il y en assez celles qui se voient contraintes de rester dans les salles de maternité par manque des frais. Et en conséquence, ce sont les nouveau-nés qui semblent en payer le lourd tribut lorsqu’ils quittent l’hôpital en étant malades.
C’est dans ce cadre que la fondation ‘’Notre Fortune pour les Bébés du Monde’’ a pu faciliter financièrement , dans l’espace de trois dernières années, la sortie de l’hôpital de mille quatre cent bébés au Sud-Kivu dont les parents étaient en état de dénuement total, reconnait l’administrateur d’un hôpital de la place qui loue l’initiative, et estime que l’Etat devrait aussi être sensible devant une telle catastrophe des malades prisonniers qui ne savent pas à quel saint se vouer.
Un appel accentué par le message du pape François en l’occasion de cette journée des malades. Il exhorte les uns et les autres à promouvoir la culture de la gratuité et du don. Il les invite à rester humbles et à pratiquer courageusement la solidarité, comme vertu indispensable à l’existence.
BADIBANGA POIVRE D’ARVOR