Suicide d’une jeune fille : La ville de Kribi dans la psychose

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Le récent suicide d’une jeune fille dans cette ville est revenu remettre le débat autour de ce phénomène, au goût du jour.

La jeune Soppi Nelly Jordane s’est jetée du haut du balcon du Palais de justice de Kribi, le 11 janvier 2023, sous le regard impuissant des gardes prisonniers et de tous ceux qui s’y trouvaient ce jour. Elle a ainsi décidé à l’âge de 17 ans de se donner la mort pour une affaire de vol de bijoux. Un cas de suicide qui peut sembler banal. Pourtant depuis que ce drame s’est produit, la ville de Kribi est dans un émoi, une psychose et un questionnement. Que s’est-il réellement passé dans la tête de cette jeune adolescente qui a choisi délibérément, de se jeter du haut du balcon du Palais de justice de Kribi ?  La question reste sans réponse jusqu’à ce jour. Le Quotidien Echos Santé a pris ce prétexte pour ainsi sensibiliser sur ce phénomène social, qui selon les experts, reste encore tabou dans notre pays.  Comme Nelly, elles sont nombreuses les personnes qui  sont exposées à ce phénomène social au quotidien. Entre les sentiments d’injustice et d’abandon,  d’excès de frustrations,  de la dépression ou de trouble bipolaire, il existe de nombreuses motivations qui peuvent pousser un être humain à se suicider volontairement.

Pour le cas de la jeune Soppi Nelly Jordane, elle devait être auditionnée par le Juge d’instruction pour une affaire de vol de bijoux. Avant cela, elle avait déjà passé quelques jours à la Prison centrale de Kribi où, elle clamait son innocence. Voyant donc sa condamnation imminente, elle va ainsi décider de se donner la mort.  Elle aurait donc ressenti un sentiment d’injustice et d’abandon, qui l’a donc poussé à prendre une telle décision. Combien sont-t-elles les personnes qui ressentent la même chose, mais, n’arrivent pas à extérioriser cela ?

Vol des bijoux

« La mort de la jeune Soppi a touché tout le monde. Nous nous sommes demandés, faut-il à cause du vol des bijoux condamner une jeune fille de 17 ans qui traverse certainement la puberté. On ne peut pas encourager cela, mais, on peut comprendre dans quel état d’esprit une jeune fille comme celle-là pouvait avoir en ce moment. Même si, on lui donnait seulement 10 ans de condamnation. Vous voyez combien de temps elle aurait passé derrière les barreaux ? », s’est questionné un juriste. Avant de poursuivre : « A côté de cela, les conditions de vies des prisonniers dans nos prisons qui n’ont même plus d’espace. Cette jeune fille s’est donc imaginé le calvaire qu’elle va vivre en prison surtout sans personne. On peut donc comprendre ce sentiment d’injustice et d’abandon ». Au regard de ce qui précède, il est urgent de sensibiliser sur ce phénomène social qui est un tueur silencieux.

Catherine Aimée Biloa

 

Interview- Dr Ovambe

« Le suicide est la deuxième cause de décès chez les 15-29 ans »

Le psychologue clinicien à la Fondation de Psychologie RAPHA-Psy, sensibilise sur les causes du suicide.

C’est quoi le suicide ?

Le suicide vient du latin « suicidium », terme composé du préfixe « sui » signifiant « soi », et du verbe « caedere » signifiant « tuer ». C’est donc l’acte délibéré de mettre fin à sa propre vie.

Qu’est-ce qui peut motiver un individu à se suicider ?

On parle généralement des facteurs de risque. Les plus récurrents sont : les troubles psychiatriques, notamment la dépression, le trouble bipolaire, la schizophrénie ; l’abus de substances psychoactives ; les antécédents familiaux de suicide ; les difficultés relationnelles familiales ; les pertes significatives : décès d’un être cher, rupture amoureuse, perte d’emploi ; les douleurs émotionnelles ou physiques insupportables et les maladies graves ou maladies chroniques.

Quel est l’état des lieux du suicide au Cameroun ?

Le suicide au Cameroun a augmenté rapidement au cours des 10 années, bien que les responsables de la santé aient eu du mal à rassembler des statistiques officielles car le suicide est considéré comme un tabou dans la plupart des régions d’Afrique. Les tendances du suicide dans la société camerounaise peuvent être mesurées comme un problème du monde en développement en raison des mécanismes socioculturels et familiaux. Les données gouvernementales sont très rares sur les causes du suicide au Cameroun. Toutefois, la dépression est souvent la cause la plus documentée. Le ministère de la Santé publique a réalisé une étude de 9 ans dans le district sanitaire de Guidiguis entre 1999 et 2008, une province rurale du Nord du pays. La méthode de suicide la plus fréquemment utilisée dans la région était l’ingestion de produits chimiques agricoles toxiques et les suicides étaient principalement attribués à une maladie chronique persistante (31,9%), aux conflits sexuels et conjugaux (25,5%), à la sorcellerie (14,9%), aux problèmes financiers (8,5%) dans d’autres cas. L’étude a conclu que le suicide dans le Cameroun rural n’est pas inhabituel et que la capacité des services de santé mentale dans le Cameroun rural est pratiquement inexistante.

Quels en sont les moyens de prévention ?

Il y a beaucoup à faire en matière de prévention du suicide. En dehors des mesures politiques et législatives qui sont nécessaires, il faut attirer l’attention du public et des professionnels sur le suicide en tant que problème de santé publique, et ce, afin d’élargir l’espace permettant de débattre et d’agir pour prévenir les suicides.

Les stratégies prévoyant de rendre plus difficile l’accès aux méthodes de suicide les plus fréquentes, telles que les armes à feu ou les substances toxiques comme les pesticides, la prévention et le traitement de la dépression, de l’alcoolisme et des toxicomanies, de même que le suivi des personnes qui ont fait une tentative de suicide, se sont révélés efficaces pour faire baisser les taux de suicide.

Existe-t-il une tranche d’âge la plus affectée par ce phénomène social ?

Au niveau mondial, les taux de suicide sont supérieurs chez les personnes âgées de 70 ans ou plus. Mais dans certains pays, c’est chez les jeunes qu’ils sont le plus élevés. Fait notable, le suicide est la deuxième cause de décès chez les 15-29 ans dans le monde.

Entre les hommes et les femmes, quelle est la couche de la population la plus exposée à ce phénomène ?

Dans le monde, les femmes comptabilisent 2 à 4 fois plus de tentatives de suicide que les hommes. Cependant, 1.8 fois plus d’hommes que de femmes meurent par le suicide. La différence entre suicides tentés et aboutis est attribuée à l’utilisation de moyens plus létaux par les hommes.

Existe-t-il des signes annonciateurs chez les individus qui ont cette idée en tête ?

Une personne à risque de suicide montre souvent un ou plusieurs des signes suivants : une baisse d’interaction avec la famille et les amis ; de la tristesse et du désespoir ; un désintérêt à l’égard des activités jusqu’alors appréciées ou à l’égard de ce qui l’entoure ; des changements physiques comme un manque d’énergie, différents troubles du sommeil, des variations de poids ou des troubles de l’appétit ; une perte de l’estime de soi, pensées négatives sur sa propre valeur ; la référence à la mort ou au suicide oralement ou par écrit ; des tentatives de suicide antérieures ; la mise en ordre des affaires personnelles comme le don de ses biens ou un intérêt soudain à l’égard de son testament ou de son assurance-vie.

Les signes aigues sont : menacer de se faire mal ou de mettre fin à sa vie, ou parler de sa volonté de se faire mal ou de mettre fin à sa vie ; chercher des moyens pour mettre fin à sa vie en cherchant à obtenir des armes à feu, des médicaments ou d’autres moyens ; parler ou écrire au sujet de la mort ou du suicide, alors que ces actions sont hors de l’ordinaire.

Est-ce que le taux de fréquentation des populations chez les psychologues est assez élevé au Cameroun ?

La promotion d’une psychologie pratique est en plein décollage au Cameroun. Ceci grâce aux activités de terrain de plusieurs organisations de psychologie. La Sous-direction de la santé mentale abat aussi un travail formidable pour la santé mentale en général. Pour le moment le taux de fréquentation des psychologues reste faible. Cependant, il est en nette évolution qu’il y a 10 ans.

Interview réalisée par Catherine Aimée Biloa

 

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