Taches et tabous : Le fardeau des règles pour les jeunes filles.
Une simple tache sur un vêtement peut transformer la vie d’une jeune fille. Les règles, loin d’être un événement naturel, sont souvent associées à la honte, à la stigmatisation et à des inégalités. Décryptage d’un enjeu de santé publique majeur.
Les règles, un phénomène biologique naturel, sont pourtant entourées d’un voile de mystère et de tabous dans de nombreuses sociétés. Une jeune fille dont le vêtement est tâché peut se sentir humiliée, impure et exclue. Cette stigmatisation a des conséquences profondes sur son estime de soi et sur ses opportunités. L’on a encore en mémoire, ce cas du Kenya où en 20219, une adolescente de 14 ans s’est suicidée après avoir été humiliée à l’école dans une région reculée de l’ouest du pays.
La gestion de l’hygiène menstruelle repose sur trois éléments clés : l’accès aux produits d’hygiène, l’accès à l’eau et à des sanitaires adaptés, et l’éducation. Malheureusement, de nombreuses filles, notamment dans les pays en développement, n’ont pas accès à ces éléments essentiels. Une étude menée par l’UNICEF en 2019 révèle que plus de la moitié des filles dans le monde n’ont pas accès à des produits d’hygiène menstruelle adéquats. Cette pénurie a des conséquences directes sur leur santé, leur éducation et leur bien-être. Des infections urinaires aux maladies gynécologiques, les risques sont multiples. De plus, la peur d’être moquées ou exclues pousse souvent les filles à manquer l’école pendant leurs règles, ce qui a un impact négatif sur leur parcours scolaire.
Pour assurer une hygiène menstruelle adéquate et préserver la santé des femmes et des filles, trois éléments sont indispensables :
L’accès aux produits d’hygiène: Les serviettes hygiéniques, les tampons et les coupes menstruelles doivent être accessibles à toutes, quel que soit leur milieu social. Malheureusement, les coûts élevés de ces produits, associés à des tabous et à des difficultés d’accès, en privent de nombreuses filles, notamment dans les pays en développement.
L’accès à l’eau et à des sanitaires adaptés: Disposer d’eau potable et de toilettes propres est essentiel pour maintenir une bonne hygiène. Or, dans de nombreuses régions du monde, les écoles, les lieux de travail et les communautés ne disposent pas de ces infrastructures de base, contraignant les filles à vivre dans des conditions insalubres pendant leurs règles.
L’éducation sexuelle complète: Une éducation sexuelle complète, qui inclut l’information sur les règles, permet de démystifier les tabous, de promouvoir des comportements hygiéniques et de renforcer l’autonomisation des jeunes filles.
Pour améliorer la situation, il est essentiel de :
Encourager une hygiène menstruelle optimale nécessite une approche globale et multidimensionnelle. Il est primordial de déconstruire les tabous qui entourent les règles, en favorisant un dialogue ouvert et sans jugement dans tous les milieux : familles, écoles, lieux de travail et médias. En normalisant ce phénomène naturel, nous contribuons à réduire la stigmatisation et à renforcer l’estime de soi des personnes menstruées.
L’accès à des produits d’hygiène abordables et de qualité est un enjeu majeur. Mettre en place des programmes de distribution gratuite ou à bas coût dans les écoles, les communautés défavorisées et les zones rurales est essentiel pour garantir l’équité et permettre à toutes les filles et femmes de gérer leurs règles dans des conditions sanitaires optimales. Des initiatives comme les distributeurs de protections hygiéniques dans les établissements scolaires peuvent faciliter l’accès au quotidien.
Améliorer les infrastructures sanitaires est tout aussi crucial. Cela passe par la construction et l’entretien de toilettes propres et adaptées dans les écoles, les lieux de travail et les espaces publics. Des installations sanitaires adaptées aux besoins spécifiques des personnes menstruées, comme des poubelles hygiéniques et des lavabos avec du savon, sont indispensables pour maintenir une bonne hygiène.
La sensibilisation et la formation sont les clés d’une meilleure gestion des règles. Il est essentiel de former les enseignants, les parents, les professionnels de santé et les éducateurs à l’éducation sexuelle complète, afin qu’ils puissent répondre aux questions des jeunes filles et les accompagner tout au long de leur vie menstruelle. Des programmes éducatifs adaptés à différents âges peuvent aider à démystifier les mythes et à fournir des informations fiables sur la physiologie menstruelle, l’hygiène et la santé reproductive.
En outre, il est important de considérer les besoins spécifiques des personnes menstruées en situation de handicap, des personnes trans et non-binaires, ainsi que des personnes vivant dans des contextes de crise humanitaire. Ces groupes peuvent faire face à des défis supplémentaires en matière d’accès à l’hygiène menstruelle et nécessitent des solutions adaptées.
En agissant sur ces différents fronts, nous pouvons contribuer à améliorer la santé et le bien-être des personnes menstruées, à réduire l’absentéisme scolaire, à renforcer l’autonomisation des femmes et des filles, et à promouvoir l’égalité des genres.
En somme, la gestion de l’hygiène menstruelle est un enjeu de santé publique, de droits humains et d’égalité des genres. En agissant ensemble, nous pouvons permettre à toutes les filles de vivre leurs règles dans la dignité et de réaliser pleinement leur potentiel.
Mireille Siapje
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