Une santé : Clé pour vaincre la résistance aux antibiotiques en Afrique ?

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Des experts de 28 pays sont réunis à Yaoundé pour discuter des moyens de lutter contre la résistance aux antimicrobiens, un phénomène qui menace de plus en plus la santé publique mondiale. Placés sous le patronage de plusieurs ministères, ces travaux se sont ouverts ce mardi 10 décembre sous le thème “Intégration de l’approche ‘Une santé’ dans la lutte contre la résistance aux antimicrobiens : challenges et perspectives”.

Organisée par la Société Camerounaise de Microbiologie (SOCAMI), cette conférence internationale vise à “booster et aider les professionnels de santé à développer et harmoniser les techniques de diagnostic, tout en harmonisant les pratiques de lutte contre la résistance aux antimicrobiens en embrassant le volet de ‘One health’, a expliqué le président du comité d’organisation, Dr Carrel Founou Zangue.

Au total, 28 pays seront représentés lors de ces deux jours de réflexion sur ce phénomène en pleine croissance qui menace la santé publique. Selon la présidente de la SOCAMI, Pr Hortense Gonsu, autant que les professionnels de santé, les populations sont concernées par cette lutte.

« La résistance aux antimicrobiens est un fléau, une pandémie qui touche le monde entier et l’Afrique en est particulièrement touchée, le Cameroun notamment », a souligné la vice-présidente des affaires scientifiques de la SOCAMI, Dr Marie-Christine Fonkoua.

L’enjeu de ces journées est donc de sensibiliser, surtout auprès des jeunes qui se destinent à des carrières en lien avec la microbiologie, et de donner des connaissances sur l’importance d’intégrer l’approche “Une santé” dans cette lutte.

Étudiant à l’Université de Dschang, Mater1 biologie Clinique, Mahamat Nourene Daoud est Tchadien, il aimerait travailler sur RAM, en bactériologie., d’où sa présence à ces journées. Son intérêt : « vu la politique actuelle sur la santé publique plus particulièrement en Afrique centrale nous avons éventuellement des problèmes dans l’avenir. Donc j’espère avoir ici des échanges professionnels, et l’expérience pratiques ou des solutions innovantes. »

Selon l’expert en maladies infectieuses, Dr Benjamin Djoudalbaye, la mise en place de mesures d’hygiène et d’assainissement, la formation des ressources humaines, le diagnostic correct et la réglementation de l’utilisation des antimicrobiens sont essentiels pour endiguer ce fléau.

Le professeur Sylvain Sado, enseignant à l’Université de Yaoundé1 est l’un des modérateur de ces journées scientifiques selon lui , « La SOCAMI mérite d’être félicitée pour son initiative de mettre en lumière la problématique de la résistance aux antimicrobiens (RAM). Cette menace planétaire requiert une mobilisation sans précédent. Les travaux présentés lors de cette conférence témoignent de la vitalité de la recherche camerounaise dans ce domaine. » Il ajoute que : « En identifiant les souches bactériennes résistantes et en sensibilisant les acteurs de la santé, les chercheurs contribuent à doter le Cameroun d’outils efficaces pour lutter contre ce fléau. Il est essentiel de poursuivre ces efforts pour garantir l’accès à des traitements efficaces pour tous »

Ces deuxièmes journées internationales de microbiologie, qui réunissent des experts nationaux et internationaux, permettront ainsi de prendre des décisions et d’imaginer des mesures concrètes pour mieux mener cette lutte.

Dr Benjamin Djoudalbaye, Expert en maladie infectieuse.

En ce qui concerne la résistance aux antimicrobiens (RAM), ce qui inquiète justement ce sont les décès. Vous voyez, que l’on enregistre plus d’un million de décès par an. C’est énorme et si rien n’est fait, d’ici 2050 nous auront 4,1 millions de décès. Maintenant, tous ces décès auront des répercussions sur l’économie car ce sont des personnes productives qui meurent : l’économie va prendre un coup, les ressources humaines vont prendre un coup. C’est d’une réaction à la chaine dont il s’agit ici.

Évoquant le cas des jeunes infectés par la gonococcie par exemple, il faut dire que c’est un problème très sérieux. Aujourd’hui parlant de la grande part de la résistance aux antibiotiques, nous pouvons dire que nous avons par exemple un gonocoque qui est très résistant aux antibiotiques classiques qui permettaient de soigner cette infection de manière assez simple avant mais aujourd’ hui, nous faisons face à des difficultés extrêmes.

A date, pour faire face à ce problème, plusieurs solutions sont préconisées. La première solution justement c’est la mise en place des mesures d’hygiène et d’assainissement au niveau des structures sanitaires. Parce que les éléments basiques comme de l’eau potable, certaines structures sanitaires n’en disposent pas en Afrique. Il faut également investir dans les bonnes pratiques de prescription et éviter la vente anarchique des médicaments notamment les antibiotiques. Tout ceci, ce sont des éléments qui contribuent à la résistance. La formation des ressources humaines est extrêmement importante tout comme le diagnostic correct qui cause problème. Donc, il est judicieux de poser le bon diagnostic afin de prescrire le traitement approprié pendant la durée indiquée pour qu’on évite de tomber dans les questions de résistance.

Ces deuxièmes journées internationales de microbiologie sont justement un cadre approprié pour discuter de tous ces défis et perspectives. Et la plus-value s’inscrit davantage dans les perspectives car nous connaissons déjà les défis et la perspective : c’est surtout d’utiliser l’approche « Une Santé », santé humaine et santé animale et l’interface environnementale pourqu’ ensemble, nous puissions mettre sur pied des solutions durables.

Concrètement comment comptons-nous faire ? C’est à deux niveaux. En ce qui concerne l’utilisation des antimicrobiens, déjà, il faudrait que ce soit bien réglementé et bien contrôlé, que ce soit dans la santé humaine ou dans la santé animale. L’utilisation également de certains antimicrobimicide dans le monde végétal. Donc, il faudrait travailler à mettre sur pied par exemple des groupes de travail uniques du genre « Une santé » dans cette approche, pour pouvoir répondre aux différents défis.

Propos recueillis par Mireille Siapje

 Dr Marie-Christine Fonkoua, Vice-Présidente des affaires scientifiques, SOCAMI

L’enjeu le plus important de ces deuxièmes journées internationales de microbiologie placées sous le thème « Intégration de l’approche « Une santé » dans la lutte contre la résistance aux antimicrobiens : challenges et perspectives » est de faire de la sensibilisation, surtout auprès des jeunes parce que dans notre public cible notamment ici, il y a beaucoup d’étudiants qui se destinent soit à la recherche, soit à l’enseignement mais aussi à des fonctions dans les laboratoires. Et on sait que, le problème de la résistance aux antimicrobiens (RAM) concerne beaucoup les laboratoires. Ce que l’on souhaite donc, c’est de sensibiliser mais surtout de donner des connaissances. On veut montrer que l’intégration de l’approche « One Health » dans la lutte contre la RAM est un pilier important pour mener à bien cette lutte. On sait que la RAM c’est un fléau, c’est une pandémie qui touche le monde entier et l’Afrique en est particulièrement touchée, le Cameroun notamment.

Ce qui est important est que tous les professionnels des différents secteurs de santé humain-animal-environnemental puissent se rencontrer sur une plateforme comme celle-ci pour présenter leurs connaissances et davantage partager leurs expériences. On espère à l’issu de tout ceci, prendre des décisions, imaginer des mesures ou voir sur quels points on peut actionner pour mieux mener cette lutte afin d’endiguer ce fléau qui est la résistance aux antimicrobiens.

Il faut dire que, organiser des rencontres comme celle-ci c’est toujours un énorme challenge. Il faut déjà avoir des partenaires ; c’est vrai qu’à la Société Camerounaise de Microbiologie (SOCAMI) nous avons déjà nos partenaires habituels mais il y en a d’autres qui n’ont plus les mêmes programmes ou les mêmes secteurs d’activités du coup , on ne peut plus compter sur ces partenaires parce qu’on n’est plus dans la même thématique. La force de la SOCAMI quand-même c’est que c’est une société qui, bien qu’elle soit jeune a un nombre assez important de membres, environ 100 , c’est vrai que les membres actifs c’est un noyau constitué d’ une vingtaine de personnes de spécialités différentes, venant soit du milieu universitaire , soit du milieu médical, soit du milieu vétérinaire. C’est ce concept « One Health » qui existe au sein de la composition de la SOCAMI qui nous donne cette force-là : il y a des enseignants, il y a des chercheurs ; il y a des biologistes. C’est une diversité en tant que profession et en tant que secteur d’activité.

La thématique on l’a depuis. Et depuis que la SOCAMI a été mise sur pied c’est vraiment l’un de nos projets phares. Les projets de recherche que nous avons commencé à mener concerne toujours la résistance aux antimicrobiens, et là nous avons par exemple un projet en cours sur les infections nosocomiales, c’est à dire, dans les hôpitaux pour analyser la circulation des souches multi résistantes dans les hôpitaux. Tout ça implique la recherche, la formation, l’éducation médicale, et la sensibilisation. Nous avons déjà organisé des séminaires et bien d’autres dans les hôpitaux ; nous avons organisé des cafés scientifiques à l’université et quand nous le pouvons, nous organisons des symposiums de cette envergure et c’est la deuxième édition en trois ans. C’est déjà bien d’avoir pu tenir ce rendez-vous.

La première édition c’était peut-être un coup d’essai, mais ça nous a permis de nous ouvrir un peu sur l’extérieur parce que c’est le plus important pour une société savante : pouvoir s’ouvrir sur l’extérieur et à l’international. On avait invité des experts étrangers et des nationaux qui pour un grand nombre travaillent à l’extérieur. On peut donc dire que la diaspora dans le domaine de la science est très importante pour le Cameroun.

Pour ces deuxièmes journées internationales de microbiologie nous comptons une dizaine de conférenciers qui sont du Cameroun et qui viennent de l’extérieur. Sinon, nous avons également voulu donner l’occasion à nos jeunes chercheurs, étudiants, doctorants ou à ceux qui viennent d’obtenir leur doctorat de pouvoir présenter leurs travaux. Il y a donc eu des soumissions de résumés et à partir de là, le comité scientifique de la SOCAMI s’est réuni pour évaluer et sélectionner : 42 ont été retenus pour faire leur présentation sur les deux jours. Il y a également d’autres pour lesquels des communications affichées ont été proposées, donc ils présentent des posters, un résumé synthétique de leur travail et là ils sont une trentaine.

Propos recueillis par Mireille Siapje

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