Selon une étude qui vient d’être publiée par la Faculté de médecine et sciences biomédicales de l’Université de Yaoundé I, le délai de passage en seconde ligne de Traitement antirétroviral est rapide, avec un taux élevé de résistance.
Au Cameroun, la prévalence du VIH est passée de 4.3% en 2011 à 3,4% en 2017 dans la population âgée de 15 à 49 ans. Sur environ 560 000 personnes vivant avec le VIH (PvVIH) au Cameroun, près de 50% étaient sous traitement antirétroviral (TARV) en 2018. Au fil des années, des résistances au traitement ont commencé à être observer chez les patients. Pour comprendre ce phénomène, une étude rétrospective et analytique a été menée à l’Hôpital Central de Yaoundé chez des patients sous seconde ligne de TARV suivis entre 1999 à 2017. Cette étude révèle que le délai de passage en seconde ligne de TARV est rapide, avec un taux élevé de résistance. Au total 8784 patients sous traitement, 869 (9,89%) étaient sous deuxième ligne parmi lesquels 762 ont été éligibles à cette étude. Pour 644 (84,5%) échecs thérapeutiques enregistrés, l’échec clinique était de 24,06%, l’échec immunologique de 62,57% et l’échec virologique de 99.84%. Le délai moyen de l’initiation à l’admission en seconde ligne de TARV est de 55 mois. Avec le passage à échelle de la couverture en Tarv, l’émergence de la résistance du VIH au Tarv est davantage préoccupante chez les patients en première ligne, qui nécessiteront en effet un passage sous TARV de seconde ligne.
« Ce taux élevé d’échec thérapeutique observé à l’HCY pourrait s’expliquer au fait que plusieurs unités de prise en charge du VIH (UPEC) des formations sanitaires de la région du centre leur réfèrent les cas d’échec thérapeutique pour une meilleure prise en charge. De plus, l’accès au plateau technique plus élevé et aux médecins plus expérimentés permettraient un diagnostic plus précoce de l’échec thérapeutique et une prise en charge plus appropriée », explique l’équipe d’experts. « Ceci permet toutefois d’être alerté sur une probable prévalence d’échec thérapeutique plus grande à l’échelle nationale que celle enregistrée par les données programmatiques. En effet cette formation sanitaire de référence concentre près d’un quart (25%) des PVVIH sous TARV au Cameroun », précise l’étude.
L’atteinte des objectifs de l’Onusida en déroute
Dans les pays à ressources limitées, on estime de 1 à 5% le nombre de patients sous seconde ligne de traitement. Mohammed et al, ont retrouvé en Ethiopie un taux de 4.1% PvVIH en deuxième ligne de TARV. Au Cameroun, d’après les données programmatiques du Comité National de Lutte contre le Sida (CNLS) en 2017, 4.18 % de PvVIH était sous seconde ligne de TARV malgré le fait que tous les patients nécessitant un passage en deuxième ligne ne sont probablement pas tous identifiés et enrôlés sous deuxième ligne thérapeutique, ce taux reste en dessous du seuil minimal de 5% pour les pays à longue expérience thérapeutique tel que requis par l’OMS. Ainsi, selon les nouvelles directives de suivi par la charge virale, les cas d’échec virologique seront de plus en plus détectés et mis en seconde ligne, nécessitant de ce fait des évidences pour une prise en charge optimale de cette catégorie de patients dans les pays à ressources limitées comme le Cameroun. En contexte Camerounais, une évaluation du profil des patients sous seconde ligne de TARV dans un centre de référence permet de générer des évidences applicables sur l’étendue du territoire national et de simuler l’adéquation avec les protocoles ultérieurs de seconde et/ou de troisième ligne pour ce pays de l’Afrique sub-Saharienne.
En juillet 2014 à la 20ème conférence de lutte contre le VIH et SIDA, les gouvernements se sont engagés à atteindre les objectifs 90-90-90. Selon ces objectifs, à l’horizon 2020, 90% des personnes infectées connaitront leurs statuts ,90% des personnes infectées seront sous TARV et 90% des personnes sous TARV auront une suppression virale. A l’échelle mondiale, il s’agissait donc d’intensifier l’accès au TARV en vue de diminuer de 35% les décès liés au sida.
Les jeunes adultes plus résistants
Les profils de patients les plus fréquemment associés à l’échec du traitement de première ligne TARV étaient ceux présentant les facteurs suivants : l’âge compris entre 20-39 ans, le sexe féminin, l’analphabétisme, le stade clinique avancé à l’initiation au traitement de première ligne, la non-observance au traitement antirétroviral de première intention et l’absence de prophylaxie au cotrimoxazole. Le délai de passage en seconde ligne de TARV était rapide. Les échecs clinique et immunologique présentaient une faible sensibilité pour la détection de l’échec virologique.
Joseph MBENG BOUM