Village de l’Amour : Un havre de paix pour les âmes en détresse
Au Village de l’Amour, les murs résonnent des histoires de vie bouleversées par la maladie mentale. Dr Audrey Pokam, psychologue clinicienne, nous dévoile les coulisses de cette structure d’accueil unique en son genre, où la compassion et l’écoute sont les clés de la guérison. À travers des témoignages poignants, elle nous invite à mieux comprendre les mécanismes de la maladie, le rôle essentiel de la famille et les défis de la réinsertion sociale.
Le Village de l’Amour, situé au sein de l’hôpital Jamot de Yaoundé, a accueilli ce jeudi 19 septembre 2024, une équipe de reporters du quotidien Échos Santé et d’Échos Santé TV. À 10h10, le portail nous a été ouvert par le vigile, sous le regard attentif de Mme Ngando, responsable de la prise en charge des malades. Après un briefing avec le personnel, notamment le Dr Audrey Pokam, nous avons pu échanger avec les personnes atteintes de maladies mentales (PAMME) sur leur parcours de soin deux mois après leur retrait de la rue, le 20 juillet 2024.
Hommes et femmes ont partagé avec nous leur expérience au Village de l’Amour et ont exprimé leur gratitude pour la prise en charge offerte par le maire de la ville de Yaoundé et le ministre de la Santé publique. Ces derniers fournissent notamment des repas, des médicaments et des vêtements. L’équipe dynamique, coordonnée par le Dr Laure Menguene, œuvre bénévolement depuis plus de trois ans. Ses membres lancent un appel aux pouvoirs publics pour une prise en solde. Le Village de l’Amour, ce projet, né d’un partenariat entre le Mairie de la ville de Yaoundé et le ministère de la Santé Publique vise à offrir une prise en charge globale et humaine à ces camerounais souvent marginalisés.
Après avoir été repérées dans les rues par des équipes mobiles composées de professionnels de santé et les équipes de la communauté urbaine de Yaoundé, les PAMME sont accueillies au Village de l’Amour. Ce lieu chaleureux leur offre un environnement sécurisé où elles bénéficient d’une évaluation médicale complète réalisée par des psychiatres afin de déterminer les traitements adaptés, de soins infirmiers pour assurer leur bien-être physique et leur stabilité, d’un accompagnement psychologique individualisé pour les aider à surmonter les traumatismes et à reconstruire leur projet de vie, des activités thérapeutiques (ergothérapie, ateliers créatifs) favorisant la réinsertion sociale et d’un soutien nutritionnel pour améliorer leur état de santé général.
Le succès du Village de l’Amour repose également sur un réseau de solidarité tissé autour des bénéficiaires. Des équipes communautaires composées de bénévoles se rendent régulièrement dans les familles pour assurer le suivi des personnes réinsérées et les soutenir dans leur quotidien. Depuis son lancement, le Village de l’Amour a permis d’améliorer significativement la qualité de vie de centaines de personnes. Plus de 765 personnes ont bénéficié du programme, 267 personnes ont été réinsérées au sein de leur famille, 55% des bénéficiaires ont vu leur état de santé mentale s’améliorer et seulement 15% ont connu des rechutes ou ont dû être réadmises.
Malgré ces résultats encourageants, le Village de l’Amour fait face à des défis, notamment un manque de ressources financières pour rémunérer les bénévoles et pérenniser les actions. Les équipes en appellent à la générosité des pouvoirs publics et des donateurs pour assurer la continuité de ce projet essentiel. Le Village de l’Amour est bien plus qu’un simple centre d’accueil. C’est un lieu de vie où les personnes en situation de rue retrouvent dignité, espoir et un accompagnement personnalisé. Cette initiative pionnière témoigne de la volonté de la société camerounaise de prendre en charge les plus fragiles et de leur offrir une seconde chance.
Elvis Serge NSAA
Interview
« La maladie mentale est une combinaison de 2 facteurs héréditaires ».
Selon la psychologue clinicienne, au Village de l’amour, nous prônons l’amour auprès des frères, auprès de la famille et auprès des amis.
Bienvenue encore, Village de l’amour. Il faudrait d’abord dire que cette activité, c’est une activité de prise en charge des personnes atteintes de maladies mentales et errantes, pour dire simplement que ceux qui sont ici sont des gens qui ont été pris dans la rue.
Lorsqu’ils arrivent, pour la plupart, ils sont instables. Parce qu’ils sont instables, on leur donne les médicaments. On commence d’abord par la première phase qui est la médication. La médication, c’est en fonction des cas par cas, aussi parce que quand ils arrivent, il y a d’abord une première observation clinique et puis parce qu’ils sont nombreux, on ne peut pas directement poser un diagnostic, alors on les observe, ceux qui sont plus dans un état d’inquiétude que d’autres, on commence par le cocktail qui est de 72 h pour la plupart, 48 h, voire 24 h pour certains qui sont un peu moins instables que d’autres.
Du coup, après la phase de cocktail, on part à la phase de relais. Au relais, on commence par les médicaments et lorsqu’ils sont stables, c’est en ce moment que nous interviendrons, parce que la première phase, c’est beaucoup plus avec les infirmiers de santé mentale qui sont habilités à donner les médicaments. Quant aux psychologues que nous sommes, nous fonctionnons avec les thérapies par la parole. Quand une famille est au courant, elle vient faire des entretiens avec eux pour connaître déjà l’histoire de la personne.
C’est quoi son histoire, comment la maladie, on veut comprendre l’évolution, ça a commencé à quel moment, quels sont les moyens de recours, quel est l’itinéraire thérapeutique que vous avez emprunté déjà jusqu’ici : est-ce que c’est une rechute, est-ce que c’est une première, est-ce que… etc., voilà d’abord l’objet du premier entretien avec la famille.
Maintenant, pour ceux dont la famille n’est pas là, nous sommes obligés d’attendre qu’ils deviennent stables, et lorsqu’ils sont stables, on s’entretient avec eux pour connaître leur histoire.
Certaines arrivent à se souvenir des numéros de téléphone des membres de la famille, ça peut être le numéro d’un oncle du père de la mère, et puis on appelle les parents et quand ils viennent, on fait une psychothérapie familiale. Cet échange permet de verbaliser sur leur souffrance et la maladie du patient.
Ce dialogue permet à la famille de se décharger de ce lourd fardeau parce qu’il faudrait dire qu’ils sont dans la rue, pas parce qu’ils sont tombés du ciel, mais ils appartiennent bien à une famille. Comme la famille a des difficultés à prendre en charge les personnes atteintes de maladie mentale, lors à un moment, elle est épuisée, financièrement également et émotionnellement.
Ce qui fait en sorte qu’il y a un relâchement et parce qu’il y a un relâchement, alors quand la personne va commencer à errer, si au départ la famille courait après, la famille va dire : « Bon, nous aussi nous sommes fatigués », et puis on remet le sort entre les mains de Dieu.
Quand on a fini la première charge avec les médicaments, maintenant on attend des séances de psychothérapie. On commence d’abord par une psychoéducation de la maladie.
Est-ce que vous en souffrez depuis ? Combien de temps ? Et vous souffrez de quoi ? S’il s’agit par exemple d’une schizophrénie, on éduque la personne à comprendre que l’état dans lequel vous êtes aujourd’hui est l’état entre guillemets de malade que vous êtes aujourd’hui. Vous en serez toujours dans cet état, mais vous pouvez devenir stable.
Ou bien, aujourd’hui vous êtes stable et vous pouvez décider de rester stable et décider de rester stable en prenant les médicaments toutes votre vie. On éduque le patient et sa famille. Parfois, il y a un relâchement de la part du patient, mais, en ce moment, la famille doit soutenir le malade. C’est la famille qui est ce soutien-là et qui encourage le patient à prendre ses médicaments.
Il y a le volet qu’on ne peut pas négliger, le volet de prise en charge psychologique. Cet accompagnement psychologique là parce que quand les familles viennent là, beaucoup se retrouvent en train de pleurer parce qu’ils ont parcouru, je n’ai pas envie de dire le mot, mais ils ont déjà fait un long parcours et lorsqu’ils arrivent, ils trouvent des personnes qui les accueillent et ils se déchargent, et puis on les rassure en leur disant que nous sommes désormais avec vous, peu importe les circonstances, peu importe la situation.
Nous sommes là pour vous écouter, c’est-à-dire vous recevoir. Ça veut dire, dorénavant, que nous sommes ce contenant-là qui peut recevoir le contenu que vous êtes. Si vous avez une difficulté quelconque, n’hésitez pas, nous sommes là pour vous. Après cette phase de prise en charge, il y a le 3e volet qui est la réinsertion sociale et la réinsertion professionnelle parce que beaucoup sont des professeurs des lycées, des docteurs, des commerçants et des grands commerçants qui ont besoin de retrouver leur vie d’antan. Cependant, la maladie mentale, on vit, on travaille avec on se marie et on fait des enfants.
Bref on a une vie normal comme tout le reste à condition de d’observer le traitement alors lorsque la phase de réinsertion sociale arrive pour ceux qui n’ont pas de famille ont fait souvent ce qu’on appelle une descente communautaire il y a des bus-là qui sont mis à la disposition de l’activité par le biais de la communauté urbaine qui les amène respectivement dans leur domicile parce que quand ils sont stables ils se souviennent d’où ils viennent et même si son a des villages ils se souviennent que je viens de tel village et puis on les amène là-bas quand on arrive c’est souvent très souvent la grande joie avec la famille ils sont contents de leur retrouver.
On ne part pas sans leur dire quelque chose. On leur dit : voilà l’itinéraire que nous avons emprunté jusqu’ici, on l’a pris dans la rue. Aujourd’hui, ils sont stables, mais il faut continuer avec les médicaments pour que les mêmes causes ne produisent plus les mêmes effets.
Ils continuent avec son traitement parce que la maladie mentale est une combinaison de 2 facteurs héréditaires et environnementales alors on insiste sur au côté de l’environnement cet environnement qui au départ était anxiogène cet environnement qui au départ créait beaucoup de mal-être chez le patient alors on essaie de voir avec la famille comment réaménager le cadre pour que cet enfant-là qui ne s’est jamais senti compris au sein de cette famille cet enfant à qui c’est très souvent senti rejeté et abandonné puisse retrouver l’amour parce que c’est ce que nous prônons l’amour auprès de ses frères auprès de sa grande famille auprès de ses amis et pourquoi pas retrouver son activité.
Propos recueillis par Elvis Serge NSAA
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