Médicaments de la rue : L’ennemi des reins
Au moment où la lutte contre les médicaments de la rue bat son plein dans l’Adamaoua, les populations font de plus en plus recours aux médicaments de la rue pourtant, les médecins pointent du doigt ces produits douteux, comme source des maladies rénales.
La destruction récente à Ngaoundéré, de 03 tonnes de médicaments de la rue saisies par les opérations menées dans le cadre de Halcomi 3 zone 3, relance le débat autour de la lutte contre les médicaments de la rue. Dans la région de l’Adamaoua, notamment dans la ville de Ngaoundéré et autres agglomérations, au même moment que l’administration prêche la non consommation des médicaments de la rue, certains semblent ne pas l’entendre de cette oreille. « Nous pouvons consommer les produits issus des pharmacies si notre pouvoir d’achat nous le permet, mais dans notre contexte actuel, ce n’est pas facile de toujours faire recours aux pharmacies », indique Djaouro, chauffeur de taxi. Et d’ajouter, « avec moins de 1000f, on peut avoir le nécessaire pour soulager le mal. Si ce n’est pas très grave, je me console avec les produits de la rue ».
Comme lui, Armel, fait plus confiance aux médicaments traditionnels qui, selon lui, sont issus des forêts camerounaises. « L’Etat ne doit pas seulement lutter contre les produits aux frontières mais s’attaquer à ceux qui sont déjà sur le territoire. Moi, j’ai confiance en nos racines. Certaines maladies se soignent facilement par les plantes qu’à l’hôpital », dit-il. Dans les rues de Ngaoundéré, les médicaments dits « prohibés » sont pourtant vendus comme des petits pains. Dans des seaux exposés le long de certaines rues, dans les boutiques mélangés à d’autres produits ou même transportés dans des cartons sur les vélos, le commerce de ces produits semble nourrir son homme. « Je fais ce commerce depuis des années. C’est ça qui me permet de prendre en charge ma famille », avoue Mataba, vendeur. La pharmacopée traditionnelle quant à elle, occupe tout un secteur dans la ville de Ngaoundéré. Le long du mur de l’école publique de Sabongari est baptisé par certains, rue « Médicaments traditionnels » de par les activités qui y sont menées.
Selon les médecins, la consommation non contrôlée de ces produits est à l’origine des cas de maladies rénales rencontrées chez bon nombre de patients. Ils recommandent de ce fait la limitation de la consommation de ces produits. « La consommation des médicaments de la rue, des médicaments traditionnels dont on ne connaît ni le dosage surtout la finalité qu’on prend à gauche et à droite est un facteur de risque des maladies rénales », déclare le Dr. Oumarou Moussa, Néphrologue en service au centre d’hémodialyse de Ngaoundéré. La lutte contre les médicaments de la rue, facteur de risque de l’insuffisance rénale est loin d’être gagnée. Les dealers usent de toutes les stratégies possibles pour les faire entrer sur le territoire national et les ventes s’opèrent devant les autorités administratives qui tolèrent encore.
Jean Besane Mangam
REACTIONS
Dr. Oumarou Moussa, Néphrologue, chef du centre d’hémodialyse de Ngaoundéré
« La consommation des médicaments de la rue peut attaquer les reins »
« En plus de l’hypertension et le diabète ici chez nous au Cameroun, on a aussi le Vih/sida qui peut attaquer les reins, il y a les hépatites B et C, il y a aussi la consommation, les médicaments de la rue, des médicaments traditionnels dont on ne connaît ni le dosage surtout la finalité qu’on prend à gauche et à droite. Toutes ces choses peuvent attaquer les reins. Il y a aussi d’autres facteurs de risques, notamment l’hérédité. Il y a d’autres facteurs de nos jours comme l’alcoolisme, le tabagisme, l’obésité, une mauvaise hygiène de vie. Il y a même ce que j’ai eu à voir ici dans l’Adamaoua, précisément à Ngaoundéré, peut-être parce qu’il fait froid, les gens ne boivent pas suffisamment d’eau, donc la déshydratation ou bien à la longue, ce que ça donne comme conséquence, les calculs rénaux. Tout ça va boucher les reins, les vessies, les uretères et en amont ça donne une maladie rénale. C’est une possibilité. L’homme c’est les reins. Pour assumer son rôle de filtration, il faut qu’il y ait une bonne hydratation. Quand on n’a pas un problème cardiaque, quand on n’a pas un problème, il est conseillé de très bien s’hydrater, de boire beaucoup d’eau et de bien s’alimenter également, car ça va ensemble. Bien s’alimenter veut dire avoir une bonne hygiène de vie, faire du sport régulièrement, diminuer la consommation des produits lipidiques (huiles de cuissons, du beurre, du fromage) chez les hommes également et les femmes.
Il faut diminuer la consommation du tabac, du sel, du cube et des arômes, car parfois, on mélange tous les trois dans une sauce, ce qui n’est pas assez conseillé. C’est des choses qui peuvent faire augmenter la tension. La tension joue un rôle clé, bien s’alimenter, bien s’hydrater, diminuer la consommation d’alcool, du tabac et se bouger au moins 30 min 3 fois par semaine peut protéger des maladies rénales. Les maladies rénales peuvent être très silencieuses. On peut avoir une maladie rénale sans signes, sans symptômes, d’où le dépistage (Prendre le temps de venir une fois par an à l’hôpital ou dans un centre de santé périphérique pour aller se faire dépister des maladies rénales. C’est juste un peu d’urine ou parfois sa pression artérielle et un petit prélèvement sanguin, on peut savoir est-ce que mes reins fonctionnent normalement ».
Propos recueillis par Jean Besane Mangam