Pr Félicité Kamdem, Cardiologue : « Plus 80% des patients qui arrivent en consultation à l’hôpital général viennent pour l’hypertension artérielle »

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Dans cet entretien, la responsable du Service cardiologie à l’hôpital général de Douala (HGD) et Secrétaire générale de la Société Camerounaise de cardiologie (SCC) explique les facteurs liés à l’hypertension artérielle.

Société Camerounaise de Cardiologie

Du 15 au 17 mai 2023, l’hôpital général de Douala à travers son service cardiologie, organise les Journées portes ouvertes à l’occasion de la journée mondiale de l’hypertension artérielle qui se célèbre le 17 mai, que retenir de ces journées ?

En prélude à l’organisation de la Journée mondiale de l’hypertension artérielle qui se tient chaque année le17 mai, l’hôpital général de Douala a choisi d’organiser les JPO de cardiologie au cours desquelles plusieurs activités vont se dérouler. Le thème cette année est : « Mesurer votre tension artérielle avec précision, contrôler votre tension artérielle et vivre plus longtemps ».  Ces activités qui ont commencé le 15 mai 2023, vont porter sur le dépistage de l’hypertension artérielle (HTA) et des autres facteurs de risques cardiovasculaires. Au cours de ces journées, nous allons dépister l’HTA par la prise de la tension artérielle et les autres facteurs de risques cardiovasculaires qui sont le diabète, le cholestérol, l’obésité et l’atteinte rénale.

Qu’est ce qu’il faut savoir sur l’hypertension artérielle ?

Il faut savoir que l’HTA est une maladie chronique.  Ça s’appelle le tueur silencieux, parce qu’il n’y a généralement pas de manifestations. On sait qu’on est hypertendu lorsque l’on prend sa tension artérielle. Donc, le diagnostic de l’hypertension artérielle se fait par la prise de la tension artérielle. Lors de ces campagnes, nous comptons dépister le maximum de la population pour le diagnostic de l’HTA. Tout en sachant que l’HTA sur le plan épidémiologique, fait partie des premiers facteurs des maladies cardio-vasculaires dans le monde. Et l’HTA entraîne des complications et ce sont surtout ces complications qui sont redoutables parce qu’elles sont cardiaques, rénales (insuffisance rénale), cérébrales (AVC).  Il y a quelques années nous avons réalisé une étude sur le triangle national qui permettait de dépister dans la population générale l’hypertension artérielle.  Les résultats nous ont permis d’évaluer que l’HTA touche plus de 30% de la population !  Et que parmi ces 30% seulement 30% étaient sur traitement et seulement 30% étaient contrôlés. C’est un problème national, un problème mondial et un problème de santé publique.  Ici à l’hôpital général de Douala, les statistiques que nous avons publiées en 2017 montrent que lors de nos consultations plus 80% des patients qui arrivent en consultation à l’hôpital général viennent pour l’hypertension artérielle. 

Qu’est ce qui est fait concrètement au cours de ces JPO ?

Concernant les JPO, les activités consistent à : dépister l’HTA et les autres facteurs de risques, faire de l’information, l’éducation, la communication parce que c’est important. Il faut sensibiliser la population sur l’existence et les dangers de l’HTA. Et qu’elle n’attende pas d’avoir les manifestations pour faire le diagnostic de l’HTA parce que lorsque les manifestations surviennent, les complications ne sont pas loin.  Au cours de ces Journées, nous allons proposer un bilan cardiovasculaire. Nous allons réaliser également l’échographie cardiaque pour rechercher la force de la contraction du cœur et une évolution des charges vers l’insuffisance cardiaque ou une dilatation des cavités cardiaques.  Nous avons dit que les complications sont aussi rénales donc au cours de cette campagne nous nous proposons également d’offrir à la population un bilan sanguin recommandé par l’OMS qui consiste à : réaliser une glycémie, un hémogramme, évaluer la fonction rénale, doser le profil lipidique (cholestérol).  Ce bilan recommandé par l’OMS en temps normal coûte 87550Fcfa mais lors de ces JPO avec l’appui de la Direction générale de l’hôpital, nous nous proposons de réaliser ce bilan à la population à moins de 50% du coût réel. Donc, au lieu de 87550 Fcfa il sera réalisé à la population qui arrive à l’HGD pour le dépistage à un coût de 40000Fcfa.

Comment savoir qu’on est hypertendu ?

Pour savoir qu’on est hypertendu, il faut aller dans un centre de santé le plus proche et prendre sa tension, ce qui n’est pas généralement réalisé par bon nombres de personnes. C’est la raison pour laquelle le plus souvent, on reçoit à nos consultations, les personnes qui arrivent déjà avec des chiffres de tensions artérielles très élevés, parce qu’ils ont ressenti des manifestations. Lorsque les manifestations sont déjà présentes, ça peut signifier que, soit l’hypertension est très élevée, soit il y a déjà les complications qui se sont installées, en sachant que dans l’hypertension artérielle, il y a la classification en trois grades. Le grade 1 qui est l’HTA léger, le grade 2 qui est l’HTA modéré et le grade 3 qui est l’hypertension artérielle sévère. Et c’est cette dernière qui est la porte à toutes les complications. Mais quel que soit le grade, il faut se faire dépister. Quand on n’est pas sous traitement, on évoluera du grade 1 au grade 2 et du grade 2 au grade 3 et on fera toutes les complications qui sont cardiaques, rénales, cérébrales et même ophtalmiques, parce que l’HTA peut rendre aveugle.

Qu’est ce qui est fait au niveau de la Société camerounaise de cardiologie pour lutter contre l’hypertension artérielle ?

Effectivement au niveau de la SCC, nous essayons tous les ans d’organiser des campagnes de sensibilisation sur les maladies cardiovasculaires en général et l’HTA en particulier. La prévention passe par la sensibilisation, il faut sensibiliser la population sur ce que c’est que l’hypertension artérielle, sur la gravité, et cette sensibilisation permet de lutter et prévenir des maladies cardiovasculaires (MCV). Et la prévention des MCV passe par la prévention des facteurs de risque cardio-vasculaire.  Ces facteurs sont : l’HTA, le diabète, l’obésité, l’excès de poids, le manque d’activité physique, la sédentarité, la cigarette. La sensibilisation n’est pas facile, parce que même dans les familles il y a les parents qui refusent à leur enfant de faire des exercices physiques, c’est aberrant. S’il ne commence pas la prévention des MCV dès l’enfance, il ne va pas continuer cette prévention à l’âge adulte. La prévention des MCV commence dans l’enfance et continue à l’âge adulte. Donc il faut prévenir ces facteurs de risque cardiovasculaire, pour éviter la survenue des maladies cardiovasculaires. Tout en sachant que ces facteurs évoluent à bas bruit.

Quelle est la prévalence en termes de tranche d’âge ?

Les patients hypertendus sont de plus en plus jeunes.  Il faut savoir qu’on a deux types d’hypertension artérielle. L’HTA essentielle qui représente 95% de HTA et qui évolue durant de nombreuses années et est favorisée par les facteurs de risques cardiovasculaires. Et l’HTA secondaire qui ne représente que 5% des HTA. C’est-à-dire une maladie peut entrainer une HTA et lorsqu’on soigne la maladie, on guérit de son HTA. Donc 95% des sujets qui viennent en consultation ont une hypertension artérielle essentielle, et ils sont de plus en plus jeunes. Parce qu’ils sont exposés au facteur de risque cardiovasculaire, ils sont obèses, ils sont sédentaires, ils pratiquent très peu d’activité physique et consomment beaucoup d’alcool. Ils mangent trop salés. A cela s’ajoutent le stress professionnel, le manque d’emploi ou bien la vie précaire qui font que les gens sont de plus en plus stressés par ailleurs, sont exposés aux maladies cardiovasculaires et à l’hypertension artérielle.

Les antécédents familiaux peuvent également justifier l’hypertension artérielle chez un malade ?

Il existe des facteurs génétiques, familiaux, qui exposent certains membres de la famille à l’hypertension artérielle.  Lorsqu’on est dans une famille où on est exposé à ces maladies cardiovasculaires, idéalement il est recommandé de commencer la prévention très tôt pour éviter la survenue de ces maladies. Mais l’HTA n’est pas une maladie héréditaire, mais il y a des facteurs familiaux qui exposent certaines personnes à ces MCV.

On parle aujourd’hui de la couverture santé universelle (CSU), quelle appréciation faites-vous ?

La mise en place de la couverture santé universelle est une très bonne chose. On espère que toutes les couches de la population pourront avoir accès à cette CSU, parce que les MCV commence à la quatrième, cinquième décennie et la plus grosse partie de la population se sont les gens de 60 ans, qui sont à la retraite, qui n’ont plus d’activités et qui n’ont pas de revenu et qui sont le plus souvent pris en charge soit par les enfants, soit par un tiers. Donc ça crée vraiment un problème, parce que la compliance au traitement devient un peu difficile.  Ce sont les maladies pour lesquelles le traitement est à vie et lorsqu’on n’a pas un revenu suffisant pour assurer ce traitement qui est quotidien et qui est pour le long terme c’est souvent assez difficile. Donc, avec la CSU je pense ça sera une très bonne chose et le maximum de la population si elle est intégrée pourra être couverte et pourra bénéficier de la prise en charge des MCV qui sont des maladies chroniques. On espère qu’avec cela on pourra réduire le taux de sujets hypertendus et réduire le taux de sujets ayant les maladies chroniques, notamment les MCV.

Propos recueillis par Ghislaine DEUDJUI

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