Crises sanitaires et riposte en Afrique : Les dirigeants du continent convoqués en juin

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Par Mireille Siapje – Face à la résurgence inquiétante des épidémies de choléra et de variole du singe, l’Afrique s’apprête à vivre un tournant sanitaire majeur. Deux rencontres politiques de haut niveau sont programmées début juin 2025 : une réunion des ministres africains de la Santé le lundi 2 juin, suivie d’un sommet des chefs d’État le mercredi 4 juin. À l’initiative du CDC Afrique, en partenariat avec l’OMS et l’UNICEF, ces réunions qui se tiendront de façon virtuelle – via zoom, visent à coordonner une réponse sanitaire multisectorielle, urgente et à l’échelle continentale.

Selon les Centres africains de contrôle et de prévention des maladies (Africa CDC), l’Afrique a besoin de 6,4 millions de vaccins contre la variole au cours des prochains mois pour faire face à l’épidémie, qui se concentre désormais en Sierra Leone.

Une situation sanitaire critique : le choléra et la variole du singe se propagent

Au 29 mai 2025, le continent africain comptait déjà plus de 127 000 cas de choléra, contre 124 000 cas enregistrés sur toute l’année en 2023. Cette progression pourrait porter les chiffres à plus de 250 000 cas d’ici la fin de l’année, si rien n’est fait. Quatre pays concentrent à eux seuls 83 % des cas : la RDC, l’Angola, le Soudan et le Soudan du Sud. Le taux de létalité moyen s’élève à 2 %, avec des pics dans certaines zones.

Les enfants paient le plus lourd tribut : 45 % des cas concernent des enfants de moins de 15 ans. En Angola, par exemple, 102 % des décès recensés concernent des hommes, et 59 % des cas sont des enfants. En RDC, sur plus de 21 000 cas confirmés, 46 % concernent des enfants.

Parallèlement, la variole du singe continue de circuler dans 25 pays africains. La Sierra Leone et l’Ouganda représentent 93 % des cas confirmés pendant la 20e semaine épidémiologique. Là aussi, les enfants sont fortement touchés, avec 87 % des décès enregistrés chez les moins de 15 ans en Sierra Leone.

Une réponse politique attendue en juin

C’est dans ce contexte que se tiendront les prochaines rencontres stratégiques. Le CDC Afrique, avec ses partenaires, entend mobiliser les ministres de la Santé, de l’Eau et de l’Assainissement, pour assurer une réponse coordonnée, multisectorielle et à l’échelle continentale.

« L’ampleur de ces épidémies dépasse les capacités nationales. Il est temps pour les dirigeants du continent d’agir collectivement », a déclaré le Dr Ngashi Ngongo, conseiller principal du directeur général du CDC Afrique et Chef de l’équipe de soutien à la gestion des incidents (IMST) de la même institution.

Les rencontres de juin visent à : Renforcer le leadership politique et la mobilisation de ressources domestiques. – Mettre en place des mécanismes de financement innovants pour la santé. – Appuyer une réponse intégrée impliquant les ministères de la Santé, de l’Eau et de l’Assainissement. – Déployer une stratégie continentale de surveillance, de vaccination et de contrôle.

Des pays déjà engagés : Maroc, RDC, Japon…

En dehors de l’Angola, d’autres pays africains ont déjà pris des engagements financiers. Le Maroc a promis 2 millions de dollars, tandis que la RDC s’est engagée à verser 5 millions de dollars pour soutenir le CDC Afrique. Des discussions sont en cours avec le président sud-africain pour obtenir un soutien similaire.

Côté international, la République Démocratique du Congo devrait recevoir cette semaine qui s’achève, 1,5 million de doses supplémentaires du vaccin LC16 du Japon et 100 000 doses MVA de la France pour renforcer sa campagne de vaccination.

Dans le cadre du Plan 2.0, prévu de mars à août 2025 pour intensifier les efforts de vaccination contre la variole du singe, environ 6,4 millions de doses de vaccin sont nécessaires pour répondre à l’impact dans les pays touchés. Toutefois, à ce jour, seules 219 540 doses en provenance du gouvernement américain sont envisagées, et leur utilisation reste soumise à autorisation. Par ailleurs, 348 980 doses attendues de l’UNICEF dépendent encore de la mobilisation des financements, en cours. Les partenaires comptent sur l’appui de bailleurs de fonds pour combler les déficits.« Si nous ne comblons pas ce gap de doses rapidement, les conséquences humanitaires seront lourdes. Il ne s’agit plus seulement de prévention, mais d’éviter une catastrophe à l’échelle continentale », a martelé le Dr Ngashi Ngongo.

Chaque dose du vaccin contre le Mpox coûte environ 65 dollars américains, un montant particulièrement élevé pour de nombreux gouvernements africains déjà confrontés à de multiples urgences sanitaires, notamment la résurgence du choléra. Ne disposant pas de fonds propres pour l’acquisition de vaccins, le CDC Afrique s’appuie entièrement sur les engagements financiers et les partenariats avec des acteurs tels que l’UNICEF, Gavi et les États membres pour sécuriser les approvisionnements.

 Un appel à la souveraineté sanitaire africaine

Au-delà de l’urgence, les discussions de juin porteront aussi sur l’avenir. Le CDC Afrique plaide pour une fabrication locale des vaccins, des outils de dépistage et des traitements, afin de renforcer la souveraineté sanitaire du continent. Une revendication forte, notamment dans le cadre des négociations de l’OMS sur le traité mondial sur les pandémies.

L’Afrique réclame que 20 % des contre-mesures médicales mondiales (vaccins, tests, traitements) soient accessibles au continent – 10 % à titre gracieux et 10 % à prix préférentiel. Ce principe a été accepté, mais les négociations des annexes se poursuivent jusqu’en mai 2026.

Vers une nouvelle ère de la santé publique africaine ?

La réponse aux épidémies actuelles marquera un tournant pour la santé publique sur le continent. Le CDC Afrique travaille déjà à une approche mutualisée pour les 20 pays affectés, incluant : Le renforcement de la surveillance communautaire – Le dépistage rapide au niveau des soins primaires – La formation du personnel de santé, notamment en prévention et contrôle des infections – La mobilisation des partenaires pour répondre aux besoins humanitaires urgents.

Le mois de juin s’annonce donc décisif : pour stopper l’emballement épidémique, pour bâtir une coordination continentale durable, et pour tracer les bases d’une Afrique plus résiliente face aux pandémies.

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