Interview- Dr Patrick Ngou « Il y a un lien entre la rate et la drépanocytose »

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Il est le pédiatre à l’hôpital de District de Kribi et membre de l’association Special Drepa.

Existe-t-il un lien entre la rate qui est un organe et la drépanocytose ?

Est-ce qu’il y a un lien entre la rate et la drépanocytose ? Oui, il y a un lien entre la rate et la drépanocytose. Même sur le plan purement médical, la rate est un organe. Sur le plan social, culturel et de la pratique de la médecine traditionnelle, la rate n’est un organe. Mais, c’est une maladie. C’est comme quelqu’un qui vous dit, j’ai l’estomac ou j’ai les nerfs. Donc, la rate sur le plan purement scientifique n’est pas une maladie. Mais, les premières manifestations de la drépanocytose se sont d’abord un fonctionnement anormal de la rate qui est un organe. Nous rappelons qu’au niveau du ventre, la rate se situe du côté gauche en haut. Vous allez remarquer que les tradi-praticiens ont tendance à faire des scarifications de ce côté-là. Ceux qu’ils font, n’est pas dénué de sens. Il faut qu’en faisant la sensibilisation, il faut qu’on tienne compte de la sensibilité de tout un chacun. Je précise que le but n’est pas d’opposer la médecine traditionnelle à la médecine moderne. Les deux se complètent. Il ne faut pas que l’une des deux se sent attaquer personnellement. Je vais parler de ce que je maîtrise la médecine moderne.

Comment peut-on comprendre qu’il existe un lien entre la rate qui est un organe et la drépanocytose ?

Dans la drépanocytose qui est une maladie génétique transmise des deux parents à l’enfant. Il y a une anomalie au niveau de la composition du sang. Et dans ce sens, ce sont les globules rouges qui deviennent très fragiles. Elles se détruisent vite parce que les globules rouges vivent généralement 120 jours. Mais, les globules rouges malades du drépanocytaire peuvent vivre une semaine, un mois ou 20 jours. Cela dépend des conditions de la sévérité de la drépanocytose sur la personne. Donc, il y a un lien entre la rate et la drépanocytose. Dans la mesure où, le rôle de la rate dans l’organisme est de filtrer le sang. Vous comprenez donc que, si, on a un sang malade. La rate va travailler beaucoup parce qu’elle va filtrer le sang. Du coup, elle peut planter dans sa façon de filtrer le sang ou elle commence à détruire le sang qui est normal. Raison pour laquelle, la rate chez le drépanocytaire prend du volume. Ils sont nombreux ces enfants dans la petite enfance, se retrouvent à l’indigène. Il y a donc une grosse similitude entre cette pathologie traditionnelle et la drépanocytose. Cette rate qui prend du volume et qui détruit le sang, a des répercutions. Il faut dire que le filtre du sang permet aussi de détruire certains microbes. A ce stade, la rate ne détruit plus les microbes comme chez une personne normale. Donc, les drépanocytaires sont susceptibles aux infections tout le temps. A ce moment, on entre dans un cercle vicieux parce que la drépanocytose va entrainer l’anémie. La rate va détruire le sang et ne va pas détruire les microbes. Donc, il faut agir vite pour sortir l’enfant de ce cercle vicieux pour éviter les complications graves.

Les complications de rate se situent-t-elles seulement au niveau de l’anémie ?

Les complications graves de la drépanocytose ne se situent pas seulement au niveau de l’anémie. Puisque le sang transporte tout dans l’organisme : les hormones, les protéines, les glucides et les médicaments. Vous comprenez que, s’il y a un problème dans le transporteur du sang. Il y aura un problème sur les organes. Nous pouvons passer un mois à ne parler que des complications de la drépanocytose. Nous restons focaliser sur la rate. Il faut donc comprendre qu’au bout de 5 à 6 ans, qui sont les premières années de la manifestation de la maladie avec la douleur, l’enfant qui gémit et la côté du ventre qui gonfle.  On se dit que l’enfant a la rate. Voilà donc comment une bonne partie des enfants drépanocytaires se retrouvent dans un traitement qui n’est pas adapté. Ils sont nombreux qui décèdent dans ces circonstances. L’anémie s’installe très vite. A moins de 24 heures, une anémie peut ôter la vie à un enfant drépanocytaire.

Les populations sont-t-elles suffisamment informées sur la drépanocytose ?

La question qu’il faut se poser généralement est de savoir pourquoi concevoir d’abord sans connaître son électrophorèse ? S’il faut s’attaquer au problème, il faut s’attaquer à la base. Il faut le reconnaître, on n’est pas suffisamment informer sur la maladie. Nous n’avons pas de programme de lutte contre la drépanocytose. C’est une maladie endémique qui est qu’à même assez présente dans notre milieu. Nous pouvons juste essayer de voir par où nous voulons arriver avant l’accouchement. Déjà, il est important de connaître son électrophorèse avant le mariage. Ce n’est quand il faut se marier parce que même le choix du conjoint est conditionné par votre électrophorèse. Vous n’allez pas sacrifier l’amour parce qu’on se dit on tombe d’abord amoureux avant de faire les examens. Il faut d’abord faire les examens et puis on s’assure d’être avec quelqu’un qui est compatible. Cela semble ne peut être cohérent avec la définition de l’amour qui endure et qui supporte tout. Mais, la réalité vous rattrape.

Au-delà de l’électrophorèse, existe-il un autre moyen de diagnostiqué la drépanocytose ?

Il y a également le diagnostic néonatal de drépanocytose. Même à ce niveau, il faut d’abord connaître son électrophorèse avant de faire une enfant. Nous nous sommes déjà mis ensemble. Nous sommes AS-AS. Nous faisons une enfant. Est-ce que nous pouvons avoir un enfant drépanocytaire. Déjà, à la naissance d’un enfant, c’est impossible de savoir s’il est drépanocytaire. Mais, le diagnostic néonatal de la drépanocytose se fait seulement dans quelques hôpitaux du pays. Mais, il n’est pas encore vulgarisé. Nous avons un poste à Yaoundé et à Douala. Il y a plusieurs causes de cet état de choses. Nous n’allons pas tirer sur les décideurs. Il faut dire que toute chose se fait avec un plaidoyer. Cela veut dire que nous les soignants, n’avons pas encore adressé le plaidoyer avec les arguments cliniques et les chiffres qui démontrent qu’il existe un problème de santé publique. Nous avons que la drépanocytose est un problème de santé publique. Mais, est-ce que nous avons démontré avec les chiffres que la drépanocytose est problème de santé publique ? Il faut commencer par là. Est-ce que c’est le rôle du ministère, de la société camerounaise de pédiatrie ou des médias ? Vous voyez que tout le monde est impliqué dans la chaîne. Je crois qu’il est important que nous puissions faire le plaidoyer pour en faire un programme national de lutte contre la drépanocytose. Il n’est pas le premier. Il faut tout ce qu’il y a comme organigramme, fonctionnement et objectifs de fonctionnement peuvent se deviner et se dresser facilement.

N’est-il pas possible de faire un plaidoyer pour une prise en compte de la drépanocytose dans les programmes nationaux au Cameroun ?

La première des choses est de savoir que vous ne pouvez pas faire un plaidoyer sans avoir des chiffres. Si nous sommes à Kribi et j’arrive à dire qu’il y a 50 mille enfants de moins de 15 ans à Kribi, je prends un chiffre au hasard. Et sur ces 50 milles enfants, il y en a 10 mille qui sont drépanocytaires. J’ai déjà posé un problème de santé publique. Cela veut dire que faire connaître l’association et donner des signes de la maladie. C’est la porte ouverte pour faire connaître les drépanocytaires et qu’ils sortent de l’ombre. Il y en a qui sont cachés dans les familles. Il existe qui ne sortent même pas. Ils sont nombreux qui sont décédés parce qu’on a purgé ou aller se soigner à l’indigène. On a fait des prières et on a évité d’aller à l’indigène. Les premiers intervenants dans cette chaine de plaidoyer, ce sont les soignants et les médias. Ils vont permettre de mettre la lumière sur la maladie et sur les symptômes. Ce sont les éléments importants du plaidoyer. Maintenant, imaginez que chaque ville ait des associations des drépanocytaires et que nous nous mettons ensemble. Vous voyez que cela sera plus facile de donner des chiffres objectifs. Pour le moment, nous avons des chiffres qui sont plus représentatifs des grandes métropoles. Vous êtes d’accord avec moi que, le Cameroun, ce n’est pas seulement Yaoundé et Douala. Nous avons l’Extrême-Nord, le Sud-Ouest, le Nord-Ouest, l’Adamaoua et le Sud profond. Nous n’allons pas faire un programme sur mesure pour les capitales.

Comment fait-on pour diagnostiquer la drépanocytose chez un enfant ?

Tout dépend de l’âge du diagnostic. Il y a des enfants à qui j’ai diagnostiqué la maladie à la première crise. Cela veut dire que la maman a remarqué que l’enfant était pâle. Il est arrivé à l’hôpital et avant de faire une transfusion sanguine, nous avons fait une électrophorèse. Nous avons découvert qu’il est SS. Vous voyez que c’est le chemin idéal. Nous posons le diagnostic à 6 mois dans notre contexte. Mais, il y a d’autres enfants, le diagnostic a été posé à 13 ans ayant déjà subi de nombreuses complications. Entre  autres, les AVC, des nécroses osseuses, des infections osseuses où les enfants viennent sur des chaises roulantes et des grosses infections pulmonaires. Généralement, les circonstances de diagnostics chez enfants drépanocytaires se sont les complications.  Elles peuvent être liées à la maladie, au traitement que le patient a pris ou les deux. Il n’y a pas un âge tranché. Mais, 70% des enfants que je reçois pour des cas de drépanocytose ont été soignés au moins deux fois à l’indigène pour la rate avant d’arriver à l’hôpital.

Que vous ont dit les tradi-praticiens au cours de vos échanges face à cette maladie ?

La réponse est très complexe. D’une part, nous avons eu des tradi-praticiens qui étaient ouverts et réceptifs. D’autres qui étaient carrément fermés et qui avaient l’impression qu’on venait les prendre leurs malades. Ce que nous avons fait, nous sommes allés avec un enfant drépanocytaire. Nous arrivés comme si nous sommes venus pour une consultation sans qu’ils ne sachent de quoi il était question. Nous les avons écoutés religieusement. Après cela, nous avons essayé de déconstruire certaines idées reçues dans leurs approches. Il faut noter que dans notre contexte, ces enfants ne vont pas chez le même tradi-praticien. Ils vont très souvent chez deux, trois voire quatre tradi-praticiens différents.  Nous avons eu des tradi-praticiens de tout âge. La plus jeune avait à peine 22 ans. Ce qui est marrant est que, c’est elle qui était la plus réceptive, contrairement aux personnes âgées. L’ancienneté dans la profession de tradi-praticien semble être un obstacle à la réceptivité.

Quelles sont les causes de la rate ?

La rate, maladie, a plusieurs causes. Elle est comme la fièvre. Vous pouvez faire de la fièvre parce que vous êtes grippés, parce que vous avez un paludisme ou une fièvre typhoïde. Le paracétamol casse la température, mais, il ne résoud pas le problème. C’est pareil avec la rate. Elle cache beaucoup de maladies en fonction des tranches d’âge. Il faut dire que même les adultes ont la rate à l’indigène. On va même vous dire qu’il y a des enfants de trois ans qui ont la rate. Il faut dire que le paludisme, les infections urinaires, l’erreur alimentaire chez les enfants et le stress peuvent faire mal au ventre. Voilà au moins cinq raisons qui peuvent amener un parent à croire que leur enfant a la rate.

Interview réalisée par Catherine Aimée Biloa

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