Personnes du 3e âge :Au cœur des stigmates

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Souvent accusées de sorcellerie, d’être gênantes, voire inutiles dans bien de familles, les personnes âgées sont de plus en plus abandonnées à elles-mêmes, malgré les actions entreprises par le ministère des Affaires sociales.

Selon les prévisions de l’Organisation mondiale de la santé, la population des personnes âgées devrait tripler dans la région africaine, passant de 54 millions aujourd’hui à 163 millions à l’horizon 2050. Or, en 2020, 77% des États membres de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) dans la région africaine ne disposaient pas de stratégies sur les soins adaptés aux personnes âgées. De plus, seulement 11% de ces pays, parmi lesquels le Cameroun,  avaient entamé des actions visant à créer un environnement « ami des aînés ». Au Cameroun, les personnes âgées de 50  ans et plus, représentent 5,5 % soit 1 millions 67 mille 336 habitants selon l’étude du BUCREP, en 2010. Elles sont plus représentées en milieu rural avec 6,5 %,  qu’en milieu urbain 3,4 %.  Dans les zones rurales, ces dernières font face à de multiples défis d’accès aux soins de santé. En zone urbaine comme dans la ville de Yaoundé, elles sont soumises à des rejets et accusées par la même occasion de sorcellerie.

C’est le cas de maman Anne, sexagénaire, rencontrée dans les rues du quartier Efoulan dans l’arrondissement de Yaoundé 3. Très souvent battue par les membres de sa famille, elle se retrouve délaissée à elle-même et est contrainte de vendre des bananes pour pouvoir joindre les deux bouts et se soigner en cas de maladie. ‹‹ Je n’ai eu qu’un enfant qui est malheureusement décédé. Les gens ont dit que j’avais mangé mon enfant dans la sorcellerie et sont venus s’accaparer de ma maison et m’ont mis dans une chambre ou personne ne passe. Je suis obligée de me débrouiller comme ça pour que je ne meurs pas de famine ici », dit-elle.  Selon des spécialistes, Les personnes âgées savent mieux ce qui fonctionne pour elles et ont un rôle déterminant à jouer en tant qu’acteurs du changement. Il est important de les écouter et de les impliquer dans les planifications et interventions pour plus d’équité et d’impact pour tous les âges. Selon l’Organisation mondiale de la santé, la maltraitance des personnes âgées est un problème de santé publique important.

Prévalence

En 2017, une analyse de 52 études réalisées dans 28 pays de diverses régions a révélé qu’au cours de l’année précédente, une personne âgée de plus de 60 ans sur six,  avait été victime d’une forme de maltraitance.  Bien qu’il n’existe guère de données rigoureuses, cette analyse donne une estimation de la prévalence du nombre de personnes âgées touchées par différents types de maltraitance. Les données sur l’ampleur du problème dans les institutions telles que les hôpitaux, les maisons de retraite et les autres établissements de soins de longue durée sont rares. Toutefois, selon une analyse d’études récemment réalisées par l’OMS sur la maltraitance des personnes âgées en institution, 64,2 % des membres du personnel ont déclaré avoir commis un acte de maltraitance au cours de l’année écoulée.

Mbombo Home Care, une solution

Face au constat de l’absence de soins appropriés à domicile pour des personnes souffrant de pathologies chroniques au Cameroun, Dr Péguy Nanfack, médecin anesthésiste camerounais et vivant en France, a  décidé de créer une structure dédiée à la prise en charge et à l’accompagnement des vielles personnes. La start-up, HealthTech qui s’occupe des personnes âgées et dépendantes, offre entre autres, des prestations d’aide et d’hospitalisation à domicile, de la kinésithérapie à toute personne dépendante et âgée. Elle offre aux professionnels du domaine de la santé une plateforme numérique où ils peuvent proposer leurs services, et la possibilité pour les patients de prendre rendez-vous sans avoir à se déplacer. Lancée en 2019, Mbombo Home Care compte dans son équipe plus d’une vingtaine de personnes, médecins, infirmiers et ingénieurs répartis entre les villes de Douala et de Yaoundé. Pour son expansion, le promoteur envisage de construire des établissements spécialisés dans la prise en charge des personnes âgées. Elles devront évoluer dans un environnement où la gériatrie n’est pas très répandue, dans la majorité des pays africains.

Divine KANANYET

Interview

Cedric Esonno

 « Qu’on socialise les familles  à mieux prendre en charge les personnes âgées »

Le sociologue énumère les effets négatifs de la stigmatisation dont sont victimes les personnes du 3ème âge et souligne les comportements que les jeunes doivent avoir vis-à-vis d’elles.

Très souvent les vielles personnes sont traités de mystiques ou de sorcières. Que peut provoquer ces différentes qualifications chez ces personnes ?

S’il faut commencer par expliquer ce qu’on entend par personne âgée, c’est  un individu qui a déjà atteint  un certain âge. Généralement on les situe à partir de  50 ans en montant, d’autres peuvent revenir à 70 ans mais l’âge qui  détermine  l’état de vieillesse au 3e âge c’est généralement à partir de 50 ans. À côté,  on peut aussi retrouver chez  les femmes une autre variable qui est la ménopause comme la cessation d’une possibilité d’avoir des menstrues. On  peut également avoir des pathologies ou des maladies liées à cet âge-là qui peuvent être des courbatures,  les problèmes de genou, un problème de vue, un problème d’Alzheimer ainsi de suite. Il peut avoir plusieurs variables qui peuvent  caractériser une personne âgée.  Maintenant du point de vue  de considération sociale de la personne âgée comme une personne sorcière, c’est l’ordre des représentations sociales, des constitutions que la société se fait des personnes âgées.

Lorsqu’on parle de ce que la société se fait des personnes âgées, ça peut être propre à un ensemble de logique et de croyances.  Une personne âgée à partir de la façon dont elle se comporte peut avoir une représentation mystique ou magico religieuse ou alors si on veut, sorcellaire et quand on dit qu’une personne âgée et sorcière c’est généralement lié à un ensemble de comportement. Ça peut être que c’est une personne qui est plus proche  où se sent plus proche des enfants d’un  âge plus jeune. Elle peut aussi  être  qui  qui développe un certain type de demande précis ou alors qui se comporte même d’une certaine façon: mange avec  les enfants, dors tard,  raconte des histoires peut-être qui ne tiennent pas ou alors qui sont suspectes. Par exemple une  vieille personne qui raconte des scènes de criminalité ou les scènes de manducation ou de voyage astral ou de  tueries d’un individu,  comme ça pour aussi être des scènes d’envoûtement que la personne peut se retrouver en train de raconter.  Il peut aussi arriver que de l’intérieur des familles, la personne âgée face l’objet peut-être de le procès de sorcellerie par rapport  au nombre de morts qu’on a dans la famille, par rapport  à certaines situations qui arrivent à la famille notamment une croissance du célibat ou une croissance d’échec dans le mariage, une croissance peut-être de mort d d’un certain âge, une croissance  de la  précarité des conditions de vie qui n’arrive pas à s’expliquer de façon objective ou réaliste et qu’on trouve en bouc émissaire ou peut-être en coupable dans la famille.

Toutes ces qualifications sont provoquées  sont provoquées par les représentations sociales que les individus se font  des personnes âgées et aussi les constructions autour des personnes âgées. Vous allez voir par exemple les gens qui ont vécu avec les personnes  âgées ou avec leur grands-parents sont généralement nostalgiques de voir  les grands parents être en difficulté ou en état de besoin. Ils sont plus proches de cela, c’est à dire  quelqu’un qui se souvient de sa grand-mère ou qui pense à sa grand-mère ou qui a vécu avec sa grand-mère aura du mal à avoir une perception négative ou  maléfique ou même sorcellaire de personne âgée.  Mais une personne qui n’a pas vécu,  du point de vue de la quotidienneté, de perception, du vécu même avec les personnes âgées aura tendance à développer  un comportement qui stigmatise

Dans ce genre de situation, quel rôle devrait jouer le gouvernement pour apporter son aide aux personnes âgées ?

Les  études sociologiques révèlent difficilement  les possibilités ou les rôles ou le rôle que l’État devrait jouer, pour prendre en charge les personnes âgées parce que les sociétés africaines ne sont pas comme on observe ailleurs. Elles sont fondamentalement proches  des personnes âgées. C’est-à-dire qu’il est difficile de considérer ou de constater l’imaginaire  de l’envoi d’une personne âgée dans un centre d’accueil ou  dans l’asile psychiatrique ou dans les maisons d’arrêt ou les maisons pour personnes âgées et autres.  D’ailleurs qui n’en existe même pas assez, au niveau par exemple national, donc il y a d’abord l’attachement que les familles ont vis-à-vis de leurs aînés sociaux et cet attachement empêche à ce que  l’état plus envisager des politiques sociales à l’égard des personnes âgées. Si l’État veut jouer en rôle pour aider les personnes âgées ce sera leur sécuriser. Je veux dire mettre sur pied un système de sécurité sociale, des politiques sociales à l’endroit des personnes âgées. Ça peut être pour les personnes âgées  qui se sentent  abandonnées par les leurs. À ceux-là on peut offrir une place dans une maison de retraite, une maison d’arrêt ou au centre d’accueil, en espérant que l’État a construit ce centre. L’état  peut trouver des mécanismes pour offrir à manger, des vêtements, un toit à cette catégorie sociale. Vous allez voir qu’une personne âgée qui a de la descendance n’a pas les mêmes perceptions,  représentation sociale qu’une personne qui a des enfants.

Ceux qui ont plus de chance d’être exposés au rejet, c’est fondamentalement ceux qui n’ont pas eu d’enfants. Bon bien-sûr qu’en Afrique il y avait des mécanismes qui pouvaient aider à mieux organiser la vie de ces personnes, mais aujourd’hui avec l’évolution de la société,  les mutations et l’avancée de l’individualisme, les personnes âgées qui n’ont pas fait d’enfants, qui ne se sont pas mariés sont sujet à ces rejets  plus que ceux qui ont des enfants. Même si vous vous êtes considérés comment, on trouvera toujours parmi les enfants que vous avez eu à faire, un qui sera en même de s’occuper de vous. Soit de vous payer les soins de santé, soit de vous nourrir, soit de vous coiffer, soit de vous vêtir soit  de vous garder.  L’État peut mettre sur pied de politique qui peut prendre en charge les personnes âgées de 70 ans en montant, sachant que la tranche de 30 ans s’en occuper.

 

Quel comportement adéquat faut-il adopter afin de briser ces stigmatisations ?

La posture c’est d’abord respecter l’être humain du point de vue des droits de l’homme. Que  ce soit une personne âgée, un jeune,  une femme, un homme,  une minorité ethnique. Il faut également donner la place de choix, de mérite que les personnes âgées avaient avant. Vous connaissez en Afrique on parlait beaucoup plus d’un «vieillard qui meurt et une bibliothèque qui brûle». Il y a des nuances à revoir dans ce type d’affirmation mais il est nécessaire de revenir par exemple l’orthodoxie africaine ou afro-africaine qui voudrait qu’on respecte les personnes âgées. On doit leur venir en aide, parfois les psychologues arrivent souvent à expliquer que les personnes âgées sont comme des bébés. Il faut revenir maintenant à leur adaptation, s’occuper d’eux,  les considérer comme s’ils étaient des enfants. En bref  les prendre en charge que ce soit du point de vue physique,  moral,  symbolique.  C’est plus facile à dire qu’à  faire parce qu’il faut  trouver de la matière à s’en occuper. Également pour lutter contre les stigmates, il faudrait que l’État prenne en charge  ceux et celles qui ne peuvent pas être pris en charge par les familles, sinon les stigmates vont accroître.

 

Comment se passe la gestion des personnes âgées dans d’autres pays ?

En Afrique, dans une étude que nous avons effectuée avec un cabinet de recherche sur la question,  les personnes âgées sont scindées  en deux catégories pour mieux discuter par exemple de leur prise en charge hors Cameroun. En Afrique en général on part de l’idée selon laquelle on peut distinguer à la fois les couches pauvres et les couches moyennes. Les personnes âgées issues des couches sociales modestes ont moins de problème que les personnes âgées issues de classe moyenne. C’est-à-dire un papa qui a fait  toute sa carrière comme pousseur à Mokolo ne peut pas avoir  une même vie au 3e âge que celui qui a été médecin,  gendarme, enseignant. Il y a cette distinction-là qui se fait partout en Afrique et cette étude s’est faite  dans plusieurs pays d’Afrique.  Vous allez voir par exemple que les maisons de retraite sont plus accessibles aux personnes ayant la possibilité de cotiser pour leur retraite. C’est un enseignant, un médecin qui peut cotiser pour avoir une maison au moment où il va arrêter le travail. Maintenant  qu’est-ce que ceux qui n’ont pas travaillé de façon formelle, qui n’ont pas cotisé et qui n’ont pas sécurisé leur départ de la vie active, vont faire ?

En Afrique la problématique la prise en charge des personnes âgées est presque identique, bon l’Afrique  subsaharienne sachant que l’Afrique maghrébine a des politiques sociales un peu plus outillées,  un peu plus humaines  du point de vue la prise en charge des personnes âgées. Dans l’autre partie du monde on s’intéresse généralement de comment ça se passe en Occident. Il y a d’abord des maisons de retraite ensuite il y a le centre d’accueil dont les EHPAD où on va donc prendre les personnes âgées en fonction de certaines réalités. On ne peut pas prendre une personne âgée peut-être malade et mettre dans un centre d’accueil où on va trouver tout le monde parce qu’il faut toujours repartir. Il y a des centres plus propices pour les personnes âgées malades. Il y a même aussi un système  d’alimentation des personnes âgées qui consiste  à prendre le repas le matin et le soir. Ce sont aussi des systèmes sociaux de prise en charge des personnes âgées

 

Quels conseils à l’endroit de tous ceux qui se comportent anormalement avec ces personnes ?

Il faut savoir qu’il peut arriver que les personnes âgées soient anormales. Il peut arriver que la personne âgée soit avérée une personne sorcière parce qu’on peut aller au tribunal et trouver des procès. Ça peut être  l’envoûtement, l’emprise l’empoisonnement l’attachement et autres ou même de métamorphose. Il y a des situations où les réalités propres à leur âge. Une personne âgée et une personne qui a d’abord des problèmes de santé quel que soit la personne âgée qu’on va prendre, il a des problèmes de santé. Il y aura les besoins essentiels ou nécessaire,  donc il faudrait qu’on prenne en compte ces deux c’est de réalité. Maintenant à partir de ces deux réalités, il faudrait qu’on éduque on rééduque, on socialise les familles  à mieux prendre en charge les personnes âgées, leurs aînées sociaux. Ensuite la société à revoir peut-être son regard à l’endroit des personnes âgées et aussi de mettre sur pied les politiques sociales qui peuvent aider à prendre en charge cette catégorie sociale. L’Afrique originelle ou l’Afrique traditionnelle a toujours été jalouse de ses personnes âgées. Mais on ne comprend pas comment avec l’évolution de la société, on arrive plus à leur donner la place qui leur était données  par le passé.

Propos recueillis par Divine KANANYET

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