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La stigmatisation du VIH reste un problème majeur au Cameroun, avec un impact négatif sur la vie des personnes vivant avec le virus.
Selon une étude réalisée par le Réseau camerounais des associations de personnes vivant avec le VIH-SIDA (RECAP+), 77,1% des PVVIH cachent leur statut aux autres. Cette situation a des conséquences graves sur leur santé mentale et physique, et peut les empêcher de se faire dépister et de suivre un traitement.
L’étude, intitulée “Stigma Index 2.0”, a été présentée ce 18 juillet 2024 à Yaoundé, lors d’une réunion organisée par le RECAP+ en collaboration avec le ministère de la Santé publique et les partenaires techniques et financiers.
L’objectif de cette réunion était de fournir une base de preuves pour le changement de politiques et les interventions programmatiques ; d’informer l’élaboration et la mise en œuvre de politiques régionales qui protègent les droits des personnes vivant avec le VIH.
La stigmatisation des personnes vivant avec le VIH/SIDA est un problème majeur au Cameroun, qui a un impact négatif sur leur santé et leur bien-être. « J’ai été licencié de mon travail lorsque mon employeur a appris que j’étais séropositif ». « On m’a dit que je représentais un danger pour les autres employés et les clients », explique un quadragénaire, proche de la dépression. Pepito a été rejeté par la famille et les amis. « Ma famille m’a renié lorsque j’ai appris que j’étais séropositif ». « Ils ne veulent plus me voir et ils ont même dit à mes amis de ne plus me parler », confie le cops de Dang de l’université de Ngaoundéré. « Malgré les efforts consentis par le gouvernement du Cameroun, la stigmatisation reste d’actualité », explique Kamgue Jean Jules, directeur exécutif du Réseau Camerounais des associations de personnes vivant avec le VIH/SIDA.
La stigmatisation et la discrimination des PVVIH pourrait impacter l’accès aux services de dépistage du VIH et du traitement. Ceci concerne de manière particulière l’hésitation à se faire tester pour le VIH, l’hésitation à se présenter dans un centre de santé pour les soins, et l’interruption de traitement. « Il faut agir, il faut les actions concertées pour venir à bout de cette stigmatisation qui entretient le lit de l’épidémie », a ajouté le directeur exécutif du Réseau camerounais des associations de personnes vivant avec le VIH/SIDA.
En communauté, les populations clés sont plus stigmatisées, soit en raison de l’identité de genre (41,8 %), de l’orientation sexuelle (35 % chez les personnes gays ou autres HSH), du travail du sexe (21,7 %), ou de l’utilisation des drogues (29,3 %) ; 16,6 % des PVVIH interrogées ont déclaré avoir connu du fait de leur statut VIH des remarques discriminatoires ou des commérages de la part des membres de leurs familles, et 17,0 % des personnes autres que les membres de leurs familles. Environ 12 % des PVVIH interrogées ont déclaré avoir subi du harcèlement verbal du fait de leur statut VIH.
Chantal, elle, a été victime de violence et d’agressions à cause de son statut de PVVIH. « J’ai été victime d’agressions physiques et verbales à cause de mon statut séropositif ». On m’a traité de “sale” et de “contaminé », confie la pompiste à Obobogo, arrondissement de Yaoundé 3. Cette stigmatisation a des conséquences graves sur leur santé mentale et physique, et elle peut les empêcher de se faire dépister et de suivre un traitement. « J’ai honte de mon statut séropositif, donc j’ai peur d’aller me faire soigner ». « J’ai peur que les gens me jugent et me rejettent », murmure Henriette, une servante de messe.
En ce qui concerne la stigmatisation intériorisée, au cours des 12 derniers mois, les PVVIH interrogées ont déclaré avoir adopté certains comportements ou attitudes à cause de leur statut VIH. Il s’agit du choix de ne pas participer aux rassemblements sociaux du fait de leur statut VIH (12,8 %). La différence est marquée entre les populations clés (18,2 %) et la population générale (11,3 %), du fait de s’isoler de la famille et/ou des amis du fait de leur statut VIH (11,1 %). La différence est marquée entre les populations clés (16,7 %) et la population générale (9,5 %) ; 77,1 % ont déclaré avoir éprouvé beaucoup de difficultés à dire aux gens qu’ils étaient séropositifs ; 20,6 % ont déclaré qu’être séropositif leur a donné l’impression d’être sale ; 31,4 % ont déclaré se sentir coupables du fait de leur statut VIH positif ; 36,5 % ont déclaré avoir éprouvé de la honte parce qu’ils sont séropositifs ; 23,9 % ont déclaré s’être sentis sans valeur parce qu’ils sont séropositifs ; 72,0 % ont déclaré avoir caché leur statut séropositif aux autres. Ces témoignages illustrent les différentes formes de stigmatisation que vivent les personnes vivant avec le VIH/SIDA au Cameroun. « Il faut travailler ensemble dans tous les secteurs, pas seulement le secteur de la santé. » « Il faut aller vers les églises, les travailleurs, parce qu’il y a encore les gens qui sont victimes de stigmatisation à cause de leur statut sérologique », a conclu Jean Kamgue Jules.
Des décennies d’expérience et de preuves issues de la riposte au VIH montrent que les inégalités croisées, la discrimination, la violence, les lois punitives et discriminatoires et les pratiques néfastes entravent les progrès vers l’éradication du sida. Pour mieux suivre les progrès réalisés dans le domaine de la lutte contre la stigmatisation et la discrimination des personnes vivant avec le VIH (PVVIH) du fait de leur statut sérologique, le Réseau camerounais des associations de personnes vivant avec le VIH-SIDA (RECAP+), en collaboration avec le ministère de la Santé publique, les partenaires techniques et financiers, a organisé une réunion d’adoption du rapport de l’étude Stigma Index 2.0 chez les personnes vivant avec le VIH au Cameroun, ce 18 juillet 2024, à Yaoundé.
L’objectif de cette réunion est de fournir une base de preuves pour le changement de politiques et les interventions programmatiques ; d’informer l’élaboration et la mise en œuvre de politiques régionales qui protègent les droits des personnes vivant avec le VIH. Il est important de lutter contre la stigmatisation du VIH/SIDA au Cameroun afin de permettre aux personnes vivant avec le virus de vivre une vie saine et digne. Cela passe par la sensibilisation et l’éducation, la promotion du respect et de la non-discrimination, et le soutien aux organisations qui travaillent auprès des personnes vivant avec le VIH/SIDA.
Le Cameroun est l’un des pays les plus touchés par le VIH dans la région de l’Afrique de l’Ouest et du Centre. Selon les dernières estimations du Comité national de lutte contre le SIDA, en 2022, le nombre de personnes vivant avec le VIH (PVVIH) était estimé à 480 228. La stigmatisation reste l’un des principaux obstacles empêchant les PVVIH d’accéder aux soins de santé.
Elvis Serge NSAA
« 10 % des PVVIH, discriminées dans les formations sanitaires »
Dr Joseph FOKAM, Secrétaire permanent du Comité national de lutte contre le SIDA (CNLS)
Dans un contexte où le Cameroun s’est inscrit dans l’élimination du VIH à l’horizon 2030, l’une des composantes importantes, sur laquelle le ministre de la santé publique, le Dr Manaouda Malachie met l’accent, c’est l’élimination, mais aussi la stigmatisation et la discrimination des PVVIH. Les résultats majeurs de cette étude, Stigma Index 2, démontrent trois points essentiels sur lesquels nous nous sommes appesantis.
La moitié des personnes vivant avec le VIH n’ont pas le courage de parler de leur statut en communauté. Cela signifie que l’auto-stigmatisation existe encore dans la moitié des personnes qui vivent avec le VIH. S’il y a l’auto-stigmatisation, ça veut dire qu’il y a encore un fort taux de discrimination qui est déjà mis en place par ceux qui vivent avec le virus.
Nous demandons aux personnes qui vivent avec le VIH/sida qu’ils ne sont plus les malades parce qu’ils prennent des antirétroviraux qui sont efficaces. Une thérapie rétrovirale efficace empêche la transmission à son partenaire sexuel. L’antirétroviral efficace empêche la transmission du VIH/SIDA de la mère à l’enfant.
C’est autant d’éléments que nous voulons utiliser aujourd’hui pour réduire davantage la stigmatisation avec l’évolution scientifique. De deux, nous nous sommes rendus compte qu’avec ces résultats, chez les personnes vivant avec le VIH, nous avons deux groupes : les personnes vulnérables et les populations clés. En ce qui concerne les personnes vulnérables, malgré leur fort taux d’adhésion dans les associations des personnes vivant avec le VIH, ils vivent 10 à 15 fois plus de discrimination due à leur appartenance au groupe de cette population clé. Nous voulons que ces populations clés continuent de travailler davantage pour leur intégration. Ils doivent également adopter les pratiques saines qui vont nous aider à réduire le taux de VIH en communauté.
Ceci, pourquoi, parce que la population clé doit travailler pour son intégration, elle doit adopter les pratiques saines qui vont les aider à réduire le taux de VIH en communauté, ceci, pourquoi, parce que les populations clés constituent la cible aujourd’hui, qui a le taux le plus élevé du VIH. Nous voulons voir des bonnes pratiques de prévention, pour que nous puissions atteindre l’élimination à l’horizon 2030. 10 % des PVVIH déclarent que les personnes de santé leur offrent des prises en charge discriminantes en milieu de soin. Nous allons travailler avec le personnel de santé pour réduire la stigmatisation. Nous voulons dire aux personnes vivant avec le VIH de lutter contre leur propre stigmatisation.
Propos recueillis par Elvis Serge NSAA