Voix des sages : Les leaders traditionnels africains face aux violences faites aux femmes

0
15

Les violences faites aux femmes sont une triste réalité en Afrique de l’Ouest et du Centre. Près de 45% des femmes ont subi des violences physiques ou sexuelles. Malgré des avancées législatives et des engagements politiques et traditionnels, les défis restent nombreux. Comment concilier tradition et lutte contre les violences faites aux femmes ? Entretien avec El Hadji Moussa Ndione, leader traditionnel Sénégalais.

Mutilation génitale d’un enfant de sexe féminin

L’Afrique de l’Ouest et du Centre (AOC), avec sa population de 552 millions d’habitants, se distingue par sa richesse culturelle et sa diversité. Cependant, cette région, qui abrite l’une des populations les plus jeunes au monde, fait face à des défis importants en matière de droits des femmes et d’égalité des genres. Alors que l’ODD 5 vise l’égalité des sexes, les progrès restent lents et inégaux. C’est ce qui ressort de l’une des thématiques abordées au deuxième jour des travaux du Forum des médias sur l’élimination de la violence à l’égard des femmes et des filles en Afrique.

Selon ONU Femme pour l’Afrique de l’Ouest et du Centre, actuellement, seuls deux indicateurs de l’ODD 5 sont proches d’atteindre leurs cibles. Environ 45% des femmes en Afrique de l’Ouest ont subi une forme de violence, tandis que 39% des filles sont mariées avant l’âge de 18 ans. La prévalence des mutilations génitales féminines (MGF) est alarmante, atteignant 28% en moyenne et jusqu’à 95% dans certains pays. De plus, les femmes et les jeunes filles en situation de handicap sont dix fois plus susceptibles de subir des violences. Ces données ont été communiquées au cours d’un exposé conduit par le Dr Dieynaba Ndao, Chargée des Projets Genre et Santé Sexuelle et Reproductive ONU Femme Bureau Régional AOC

La violence à l’égard des femmes et des filles prend plusieurs formes, notamment la violence physique et sexuelle exercée par un partenaire intime, les mariages forcés, et les mutilations génitales féminines. Les nouvelles technologies facilitent également la violence, avec 45% des utilisatrices de réseaux sociaux ayant déjà été victimes de violence basée sur le genre.

Malgré ces chiffres préoccupants, l’AOC connaît également des progrès significatifs. La récente adoption d’une loi sur le mariage des enfants en Sierra Leone et l’élection de la première femme à la présidence du Parlement de la CEDEAO sont des exemples encourageants. Ces avancées témoignent d’un potentiel de changement, mais nécessitent un soutien continu pour garantir leur mise en œuvre.

L’agenda Afrique 2063 offre une feuille de route pour améliorer la situation des femmes et des filles dans la région. Il souligne l’importance de l’égalité d’accès à l’éducation, de la création d’opportunités d’emploi pour les jeunes, et de l’accès universel aux soins de santé. Pour réaliser ces objectifs, il est crucial que les gouvernements mettent en place des politiques efficaces pour protéger les droits des femmes et des filles.

L’égalité entre les sexes est une composante essentielle de l’identité africaine. Les avancées et les défis en matière de droits des femmes en Afrique de l’Ouest et du Centre doivent être abordés avec détermination. La lutte pour les droits des femmes ne doit pas être perçue comme un “agenda occidental”, mais comme un impératif local. L’avenir de la région dépend de la capacité à garantir l’égalité des chances pour toutes et tous. Les femmes et les jeunes filles méritent un environnement où leurs droits sont respectés, et où elles peuvent s’épanouir pleinement.

INTERVIEW

 « Les leaders traditionnels doivent être les catalyseurs d’un changement positif »

EL HADJI MOUSSA NDIONE, DJARAF DE BARGNY

Bonjour El Hadji Moussa Ndione ! Vous êtes Grand Djaraf de Bargny, Coordonnateur Départemental du Grand Cap Vert. Merci de nous accorder cette interview. Vous avez pris la parole lors du forum organisé par le REMAPSEN, ONU Femme et la MUSKOKA, pour lutter contre les violences faites aux femmes. Quelle est l’importance de cette initiative pour vous ?

Bonjour et merci pour cette interview. L’initiative est cruciale, car elle reconnaît le rôle central des autorités traditionnelles dans le changement des normes sociales. En tant que Jarafa de Bargny, je ressens la responsabilité d’être à l’avant-garde de ces évolutions positives, notamment pour protéger les femmes et les filles contre toute forme de violence.

Comment voyez-vous la position des leaders traditionnels dans la société sénégalaise par rapport aux valeurs culturelles ?

Les leaders traditionnels sont les gardiens des valeurs culturelles qui prônent le respect et la dignité. Nous avons le pouvoir d’influencer les comportements et de promouvoir des changements positifs au sein de la communauté. C’est notre devoir d’utiliser cette position pour protéger tous les membres de notre société, en particulier les plus vulnérables.

Vous parlez de l’importance d’une approche multidimensionnelle pour transformer les normes sociales. Pouvez-vous expliquer cela davantage ?

Absolument. La transformation des normes nécessite une approche qui combine la sagesse des traditions avec les principes modernes des droits humains. Nous devons interpréter nos traditions de manière progressive pour promouvoir l’égalité et la dignité. Cela implique de préserver notre identité culturelle tout en l’adaptant aux exigences contemporaines.

Quels sont les piliers fondamentaux de votre action en faveur des femmes et des filles ?

Mes actions reposent sur trois piliers : la médiation traditionnelle rénovée, l’éducation communautaire inclusive et la lutte contre les pratiques néfastes. Ces axes visent à créer un environnement protecteur et à sensibiliser la communauté sur les droits des femmes.

Que signifie pour vous l’engagement des leaders traditionnels dans ce processus de changement ?

L’engagement des leaders traditionnels est essentiel. Nous sommes perçus comme des figures d’autorité morale, ce qui nous confère des responsabilités vis-à-vis de notre communauté. Nos actions et notre discours doivent être proactifs et courageux, même si cela implique parfois de contredire des pratiques établies.

Comment envisagez-vous la collaboration avec d’autres acteurs de la société pour réaliser ces objectifs ?

La collaboration est essentielle. Travailler avec des associations féminines, les autorités administratives et des organisations internationales comme ONU Femme est crucial pour multiplier l’impact de nos actions. Nous devons être le pont entre la tradition et la modernité, en veillant à ce que les évolutions se fassent dans le respect de nos valeurs.

Enfin, quel message souhaitez-vous transmettre à vos pairs, les leaders traditionnels d’Afrique ?

 Je les appelle à unir nos forces et notre sagesse pour être les catalyseurs d’un changement positif. Avec le soutien d’organisations comme ONU Femme, nous pouvons créer un avenir où chaque femme et chaque fille vivent dans la dignité et la sécurité. Notre légitimité traditionnelle, combinée à une volonté sincère de progrès, peut véritablement transformer nos sociétés.

Mireille Siapje, Dakar – Sénégal

 

Leave a reply

ECHOS SANTE

GRATUIT
VOIR