Situé à un jet de pierre du palais présidentiel d’Etoudi, dans l’arrondissement de Yaoundé 1er, le personnel de cette formation sanitaire est contraint de s’approvisionner en eau dans les forages aux alentours de l’hôpital pour les patients et assurer l’hygiène hospitalière.
C’est un véritable calvaire malgré les efforts du Directeur.
Le Prof André OMGBWA EBALLE, Directeur de l’hôpital de District d’Olembe parle de cet épineux problème en cette période de Covid-19 où son personnel est fortement exposé.
« Le personnel de soins et les malades sont privés d’eau potable »
Pr André OMGBWA EBALLE, Directeur de l’hôpital de district d’Olembe parle des conséquences du manque d’eau potable dans sa formation sanitaire en cette période de Covid-19.
Monsieur le Directeur, merci de nous avoir accordé un entretien ce matin, avant le sujet principal qui est la journée mondiale de l’eau qui se célèbre tous les 22 mars de chaque année depuis 1993, nous vous demanderons, comment vous sentez vous ?
Bonjour, l’honneur m’échoit de vous recevoir à l’Hôpital de District d’Olembé encore appelé par les populations « Dispensaire de Messassi », nom ancien de cette formation sanitaire qui ne s’est pas du tout amélioré en infrastructures. Je me porte assez-bien dans ce milieu peu propice au travail universitaire.
Parlez nous un peu de votre hôpital, on vous entend très peu ou presque pas du tout depuis votre arrivée ici.
En ce qui concerne la médecine hospitalière, je suis très peu bavard, c’est un monde secret, doté de nombreuses sensibilités qu’il faudrait prendre en considération et éviter de nombreux conflits d’intérêt. L’hôpital de District d’Olembé est juste une petite formation sanitaire de Yaoundé qui a trois salles d’hospitalisation (Médecine, Maternité, Pédiatrie), un laboratoire, un bloc opératoire, une salle d’accouchement et 5 box de consultation que partagent les Gynécologues, le Pédiatre, le Cardiologue, l’Ophtalmologue, l’ORL, le Chirurgien et les Médecins généralistes ; une salle de petite chirurgie, une salle pour la pharmacie, une salle pour l’UPEC et un espace de prélèvement des cas suspects de covid-19. Pas de local pour les 4 chirurgiens dentistes pour le moment.
Que faites vous au quotidien dans cette petite formation sanitaire ?
Au quotidien, nous avons un programme simple qui tourne autour des activités cliniques (chirurgie ophtalmologique), quelques consultations de routine avec un équipement élémentaire, l’administration des 120 personnels titulaires et vacataires ; les enseignements théoriques à la Faculté de Médecine et des Sciences Biomédicales de l’Université de Yaoundé I. Je me prête également aux Téléconférences quand cela est programmé. Nos multiples voyages à l’étranger sont suspendus à cause de l’actualité liée à la pandémie à COVID-19. Le sport en fin de semaine pour garder un bon équilibre psychologique.L’hôpital étant resté au stadeembryonnaire, aucune recherche universitaire ne peut y être effectuée, nous n’avons véritablement pas de challenge,
Pouvez-vous nous dire, au lendemain de la semaine mondiale de l’eau célébrée par la communauté internationale, les difficultés de votre formation sanitaire au quotidien en rapport avec l’approvisionnement en eau potable?
C’est l’épineux problème de cette petite formation sanitaire au cœur de la capitale Yaoundé. Le personnel de soins et les malades sont privés d’eau potable depuis des années, voire depuis sa création dans les années 1980. A ce jour, cette formation sanitaire de l’arrondissement de Yaoundé 1er n’a toujours pas d’eau potable. Un hôpital sans eau courante, c’est l’hygiène hospitalière qui est remise en question. Qui dit hygiène hospitalière dit prévention des infections. Comment pouvons-nous lutter contre l’insalubrité en milieu hospitalier s’il n’y a pas d’eau ? Commentpouvons-nous lutter contre la circulation des germes au sein de l’hôpital ? Comment allons-nous gérer les déchets hospitaliers ? Comment gérer la maternité, la chirurgie et le laboratoire s’il n’ya pas d’eau ? Les hospitalisations ? Et enfin comment allons nous lutter contre le COVID-19 sans eau courante ? Nombreux parmi nous, sont déjà passés par la case COVID. C’est chaque semaine que de nombreux personnels sont mis en quatorzaine. C’est très grave, pour unhôpital dit de 4e catégorie en pleine capitale politique.
Qu’avez-vous fait pour remédier à cette situation ?
Nous avons adressé de nombreuses correspondances à la hiérarchie médicale et aux autorités de l’administration décentralisée, aucune réponse favorable n’a été obtenue. Le nouveau Sous-Préfet de l’Arrondissement de Yaoundé 1er a personnellement été informé de la situation au cours de sa tournée de prise de contact au mois de février 2021. Selon des sources dignes de foi, il auraitinformé les autorités compétentes de l’urgence d’un approvisionnement en eau potable pour cette formation sanitaire et toujours aucune réponse, hélas ! Notre inquiétude aujourd’hui, c’est de voir l’hôpital de District d’Olembédevenirlui-même un cluster de la maladie à COVID-19, d’autant plus que Médecins et infirmiers passent fréquemment par la case COVID-19 comme cela a été souligné plus haut.
Comment vous débrouillez-vous, pour avoir accès à de l’eau potable ?
Les voisins nous ouvrent leur foragele matin et le soir, les agents de surface font des tours pour remplir les futs disposés aux 4 coins de l’hôpital. Nous avons également contacté l’unité des Sapeurs pompiers de Yaoundé qui nous approvisionne en eau potable quand cela est possible. Nous sommes des mendiants d’eau potable, mais également des mendiants de la paix. Il suffit d’un conflit du personnel avec les propriétaires du forage pour que nous soyons privés d’eau.
Nous constatons que vous avez amélioré l’aspect de la formation sanitaire, le personnel est propre et assidu au travail. Le problème de toilettes de cet hôpital est il déjà résolu ?
Vous parlez des toilettes ? Rappelez vous, il y’a 18 mois quand je suis arrivé ici, je vous avais dit que l’hôpital n’avait pas de toilettes, ni pour le Directeur, ni pour le personnel, ni pour les malades ; et qu’il existait juste une fosse septique derrière mon bureau qui servait de toilette à tous. Des toilettes modernes sont en cours de construction, mais où est l’eau ? Ce que les femmes et les enfants éprouvent comme difficulté pour l’accès à ce qui tient lieu de toilette est indescriptible, c’est à même le sol qu‘on se soulage. Le pire, c’est la file d’attente aux toilettes, il ne faut pas avoir une urgence de ce côté là, au risque de perdre votre dignité.
Nous vous connaissons comme étant un manager efficace et respectueux de l’éthique médicale et des bonnes pratiques. Ce qui vous a valu de nombreux prix ailleurs. Qu’en est-il ici ?
En un mot, nous avons implémenté de bonnes pratiques ici, et nous avons banni les « gestes bandits » au sein de l’hôpital qui a besoin de fonds pour pouvoir entretenir ne serait ce que ce qui existe. En parlant des« gestes bandits », il s’agit des rançonnements et desdétournements des patients vers d’autres formations sanitaires. La gouvernance s’est également améliorée. Le personnel ne se plaint pas, vous l’aurez déjà entendu car tout est malheureusement devenu médiatisé. Nous réussissons dans ce petit espace à faire le maximum avec le minimum.
Que dites vous de votre avenir dans cette petite formation sanitaire? Pour un Professeur Agrégé titulaire des Universités du CAMES et du Cameroun ?
Mon avenir, je n’en parle pascar je n’en sais rien.Je suis universitaire de rang magistral c’est tout.
Votre mot de fin ?
L’approvisionnement en eau potable est une urgence pour cette formation sanitaire. Les autres problèmes n’étant pas mis au placardnotamment : l’exiguïté de l’espace (l’hôpital est construit sur un terrain de 700 m2), les câbles de haute tension électrique qui surplombent la toiture à une hauteur de 2 mètres et qui peuvent être à l’origine d’une catastrophe à tout moment ; pas devéritable entrée pour l’hôpital, l’environnement est peu propice au travail médical ; l’insécurité du personnel fréquemment roué de coups chaque semaine par l’agressivité des usagers même pour un rien, notre personnel étant en majorité féminin ; le voisinage avec les motos taxis et le marché laisse planer une crainte incroyable pour le personnel. La dynamique explosive de la pandémie à COVID-19 a certainement mis en mal le dossier de délocalisation de cette formation sanitaire. Le projet CAN 2022 pourra t-il prendre en considération l’Hôpital de District d’Olembé? Ce n’est qu’une question.
En perspective, Je suis Président d’une association qui a noué de bons rapports de partenariat avec une formation hospitalière européenne dont je tais le nom qui a proposé de mettre à notre disposition un service de réanimation et un d’ophtalmologie de haut niveau universitaire. Malheureusement, l’hôpital d’Olembé pose un problème d’infrastructures et d’espace et ne pourrait accueillir 26 postes de réanimation avec respirateur de haute performance.
Entretien réalisé par Elvis NSAA