Droits en santé sexuelle et reproductive : Le taux d’avortements clandestins est très élevé au Cameroun

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L’alerte a été donnée au cours du pré-atelier  du 03 au 4 juillet 2023 et de l’atelier dialogue 05 au 07 juillet  2023 sur l’évaluation de l’écosystème des droits en santé sexuelle et reproductive y compris l’avortement au Cameroun dans la ville de Kribi.

L’écosystème de la santé sexuelle et reproductive y compris les avortements au Cameroun doit être évalué afin de mettre en place une procédure administrative et juridique simplifié. Cela permettra à coup sûr d’améliorer l’accès et la prise en charge dans les services de soins d’avortement. Un état des choses qui va favoriser la réduction des décès liés aux avortements à risque et non sécurisés. Raison pour laquelle, la Direction de la Santé Familiale et l’appui financier et technique de « IPAS Afrique Francophone » a tenu à organiser un « pré-atelier et atelier sur l’évaluation de l’écosystème des droits en santé sexuelle et reproductive y compris l’avortement au Cameroun ». Il a été présidé par le Dr Ebongo Zacheus Nanje, Directeur de la santé familiale au Ministère de la Santé Publique. Il a été accompagné pour la circonstance de M. Sodo Aboudou, Conseiller Régional sur les Questions de Plaidoyers de Partenariats chez IPAS, de Mme Atchoumi Annie Hortense Expert en santé reproductive et de l’ensemble de partenaires de la SSR. Au cours des échanges, l’on a pu noter qu’il est important de mettre en phase la loi camerounaise parlant déjà des droits sexuels et reproductifs y compris les avortements avec le Protocole de Maputo (articles 339, 337).

Les décès liés à l’avortement restent constants au  Cameroun

Cependant, le taux de mortalité maternelle est encore très élevé avec un taux  de 406 décès pour 10 000 naissances vivantes (EDS V, 2012-2018). Quand on sait que, une approche holistique est souhaitable pour atteindre l’objectif 3 des ODDS, à savoir moins de 70 décès maternels pour 100 000 naissances vivantes. « Vous vous souvenez du fait que, nous venons de faire le lancement de l’engagement du Cameroun sur la plateforme Fp 20-30 sur le planning familial. Il faut aussi comprendre que, le planning familial est là pour lutter contre la mortalité maternelle. 40 à 50% des décès maternels peuvent être prévenus,  si nous menons à bien notre  stratégie du planning familial. S’il existe une bonne planification familiale, nous pouvons aussi éviter les grossesses indésirées qui conduisent nos adolescentes en âge de procréer de 15 à 49 ans à faire des avortements et à interrompre les grossesses indésirées avec les conséquences néfastes que nous tous nous connaissons », a expliqué Dr Ebongo Zacheus Nanje, Directeur de la santé familiale au Ministère de la Santé Publique. Il poursuit : « Si nous connaissons très bien l’écosystème de ces avortements, nous pouvons tous ensemble réfléchir à avoir des solutions et des bonnes stratégies de haut impact pour mener à bien nos activités pour au moins réduire ces avortements indésirés non sécurisés d’au moins 50%. Voila la problématique pour lequel nous sommes ici à Kribi avec notre partenaire IPAS qui essaye avec les autres acteurs financiers pour nous appuyer dans cette mission. Nous souhaitons pour le bien-être de nos populations, que, cette dividende démographique tant attendue peut arriver au Cameroun ».

Catherine Aimée Biloa

Encadré

Plaidoyer pour la simplification de la prise en charge thérapeutique des avortements

Même si de façon générale, le Cameroun  n’encourage pas les avortements. Il faut préciser qu’il existe des contextes où la vie de la mère et de l’enfant est en danger. Cela devient une prescription thérapeutique. Mme Atchoumi Annie Hortense, Experte en Santé Reproductive plaide pour une simplification, une domestication et une dépénalisation du Protocole de Maputo, ainsi que la prise en charge thérapeutique des avortements. «  Elles sont nombreuses les femmes qui vont dans les endroits non indiqués pour pratiquer des avortements clandestins.  Nous nous sommes rendu compte que le taux d’avortements clandestins est très élevé et cela contribue à la mortalité maternelle. Elles justifient cet acte par le fait qu’elles ont honte. Elles ne peuvent pas poser leur problème facilement. D’un autre côté aussi, est parfois le fait que la planification familiale n’a pas été bien comprise à la base et assimilée. Elles n’ont pas compris que, quand elles le font, qu’elles sachent qu’elles pouvaient bien le planifier dès la base pour éviter les grossesses indésirées », a-t-elle affirmé. Avant de poursuivre : « Les femmes doivent savoir qu’il y a un cadre sanitaire adéquat pour traiter des cas thérapeutiques quand la vie de la mère et de l’enfant est en danger. Elles se rendent compte, quand elles veulent le faire d’elles-mêmes. Qu’elles comprennent qu’il n’est pas permis d’ôter la vie à un enfant. Cela devient criminel. Par contre, il faudrait qu’elles soient sensibilisées sur le fait que la vie coûte chère. Il y en a beaucoup qui en cherche et certains qui n’en n’ont pas ». Au regard de ce qui précède, les droits en santé sexuels et reproductifs doivent ainsi se faire dans un cadre normal et fonctionnel. Quand on sait qu’au Cameroun, l’avortement est la cause majeure de la mortalité maternelle. En plus, les décès liés  à l’avortement restent constants. 23,1% des avortements sont provoqués et le taux d’avortement des femmes de 15-35 ans au Cameroun se situe entre 30et 40%.

Interview-

M. Sodo Aboudou, Ipas Afrique

« On peut pratiquer  un avortement et avoir la vie sauve. Mais, on peut ne pas avoir la même qualité de vie »

Il est le Conseiller Régional sur les Questions de Plaidoyers de Partenariats chez Ipas.

Un pré-atelier et un atelier dialogue sur l’évaluation et la durabilité de l’écosystème des droits en santé sexuelle et reproductive y compris l’avortement au Cameroun.

 Il faut noter que, le processus dans lequel nous sommes, comprend deux  étapes. Nous avons eu un pré-atelier et un atelier dialogue. Ce processus vise à contribuer à comprendre l’écosystème d’avortement sécurisé au niveau du Cameroun dans un premier temps. Mais également, de faire en sorte que, nous puissions avoir une sorte de feuille de route. Donc, au regard de ces deux cibles, je dirais qu’à la date d’aujourd’hui, nous sommes satisfaits de ce processus dans sa conduite. Puisque, le pré-atelier a  permis à l’ensemble des acteurs techniques, d’avoir une bonne compréhension de l’outil qui a servi à l’évaluation d’une part, mais également, a effectivement contextualité cet outil au regard du contexte du Cameroun. C’est l’une des étapes clés de cette évaluation. La raison étant que, pour s’assurer  des résultats auxquels nous allons arriver, l’outil qui a été choisi pour faire cette évaluation, est véritablement en phase avec les réalités contextuelles du pays. Et c’est qui a été fait.

Un dialogue sur les huit piliers de l’écosystème de l’avortement. Qu’en-est-il réellement ?

Le dialogue qui s’en est effectivement suivi, a permis à l’ensemble des parties prenantes, les acteurs gouvernementaux, le Ministère de la Santé Publique, les autres départements ministériels, les partenaires techniques et financiers, notamment, l’OMS qui était présent, les Organisations de la Société Civile et les associations savantes, de discuter et de se prononcer sur l’état des différents piliers de cet écosystème. Ils partent des connaissances des individus jusqu’à  l’information en matière de santé. Donc, les huit piliers ont été parcourus. Il y a eu des discussions qui ont permis effectivement de s’accorder sur ce qu’il faut retenir en termes d’état de chacun de ces piliers.  Cela nous a permis d’avoir une bonne compréhension de ce que représente notre écosystème aujourd’hui. Cela nous a aussi permis de mettre en avant un certain nombre de défis, de goulots d’étranglements et des opportunités qui pourront être saisis pour s’assurer que, si nous décidons d’avancer  en termes d’amélioration des écosystèmes, que nous puissions avoir des actions concrètes et précises.

Avez-vous pensez à élaborer un plan d’action ?

Nous avons pu par la suite, nous engagés sur l’élaboration d’un plan d’action. Cette feuille de route n’est rien d’autres que des actions proposées par l’ensemble des acteurs autour desquelles l’ensemble des participants se sont effectivement accordés pour dire que ces actions pourraient contribuer à renforcer le paysage de la question de l’avortement sécurisé au niveau du Cameroun. Mais, il est aussi important de préciser que, lorsque nous parlons d’avortement sécurisé, cela ne renvoie pas à la libéralisation de l’avortement.

C’est quoi un avortement sécurisé ?

L’avortement sécurisé tel que défini par l’Organisation Mondiale de la Santé, c’est tout simplement un avortement qui est pratiqué par un prestataire formé et qui fait avec des outils pour ne pas dire un plateau technique dédié pour mener cette pratique. Mais également, un avortement qui est pratiqué dans un lieu sain dédié à cette pratique et défait de toute impureté. De sorte à ce que, la patiente qui bénéficie de cette prestation de santé puisse s’en sortir avec la meilleure  qualité possible.  C’est ce qui est recherché et que l’OMS  a mis en avant comme étant élément a observé pour s’assurer  que nous sommes dans la sécurité. L’autre élément de sécurité qu’il faille prendre en compte, est bel et bien calqué sur le cadre légal en vigueur dans le pays. Et c’est en cela que les actions qui sont faites en la matière, doivent effectivement épouser  le contexte légal en vigueur au niveau du Cameroun. Il est important que nous revenions sur ces éléments de précisions, pour que nous soyons tous au même niveau d’informations et de compréhensions par rapport à cette terminologie nouvelle pour certaines personnes. Ces éléments qui pourront nous permettre d’avancer  vers ce que nous recherchons, qui n’est rien d’autre que la réduction de la mortalité maternelle qui reste élevé. Nous sommes tous conscients qu’une bonne partie de cette mortalité maternelle est liée à des complications d’avortements sécurisés. L’une des meilleures manières d’évoluer vers cette réduction de la mortalité maternelle reste dans la sensibilisation qui doit être faite en amont. Nous sommes tous conscients que, certaines personnes, quel que soit les dispositifs qui seront mis en avant, vont échapper  à ces différents piliers. Il faut en tenir compte. Il faut faire en sortes que, ces personnes qui bénéficient et qui doivent jouir des droits comme tout être humain, puissent avoir des soins de qualité, lorsqu’elles sont dans le besoin. Cela contribuera également à nous arranger nous tous, en allégeant le poids de la mortalité maternelle et de la maladie.

Quelles sont les conséquences liées à un avortement sécurisé ?

On peut pratiquer  un avortement et avoir la vie sauve. Mais, on peut ne pas avoir la même qualité de vie que toutes les autres personnes de la communauté dans laquelle nous nous trouvons. C’est un  élément qui doit être pris en compte et peser dans la balance. C’est en faveur de cela que toutes ces actions ont été menées dans la ville de Kribi. Nous ressortons satisfaits de ces deux jours d’ateliers.  Tout réside dans la communication. La façon dont on communique autour de ces questions, c’est de cette manière qu’on arrive à avoir des alliés et des acteurs en face qui comprennent les enjeux et s’investissent à aller vers l’outil recherché. Si la communication est mal faite, on pourrait éventuellement se retrouver avec des acteurs qui comprennent les choses autrement. Finalement, on ne va pas converger vers le même objectif. Cela nous amène à trainer sur certaines actions qui pourraient être prises le plutôt possible pour faciliter la mise en place des dispositifs visant  à assurer des vies.

Le Cameroun est-il prêt pour le respect de ces huit piliers ?

Au regard de ce qui s’est passé portant sur ces huit piliers. Nous disons que, oui le Cameroun a démontré à travers tous ces acteurs mobilisés pendant ces jours de travaux, son élan et sa capacité à évoluer sur ces questions. Nous avons eu des acteurs qui n’étaient pas tout à fait fermés sur la question. Cela vient du fait que, il y a eu beaucoup d’interventions et de communications d’experts. Nous avons eu des acteurs du Ministère de la Justice qui ont faits des présentations sur le cadre légal. Nous avons eu des présentations faites par des religieux, des gynécologues  et des experts du Ministère de la Santé Publique qui est la tutelle sur les questions de santé au Cameroun. Toutes ces présentations ont contribué à faire en sortes que les acteurs aient une bonne compréhension, de ce que représente d’abord la question en santé sexuelle et reproductive. Cela nous a aussi permis  d’avoir une bonne compréhension des enjeux. Qu’est-ce qu’on y gagne lorsqu’on décide de s’investir en termes d’amélioration des dispositifs des soins permettant à des personnes qui veulent bénéficier de ces soins ?

 Quel dit le cadre légal ?

L’ensemble des participants ont compris le bien-fondé de s’investir davantage et de travailler de faire en sortes que ce qui est admis selon le contexte légal, que cela soit bien appliqué sur le terrain pour permettre aux personnes qui doivent en bénéficier, qu’elles le fassent réellement. Les uns et les autres ont compris que, au-delà de ce qui est permit aujourd’hui, il y a toujours possibilité  de mener des plaidoyers à l’endroit des autorités, pour effectivement obtenir des ouvertures beaucoup plus intéressantes,  pouvant permettre à beaucoup d’autres personnes de pouvoir bénéficier des soins lorsqu’elles sont dans le besoin. Le cadre légal actuel permet à une catégorie de personnes qui remplissent des conditions pour bénéficier d’un service d’avortement sécurisé sur l’ensemble du territoire au niveau des structures sanitaires. Malheureusement, il y a d’autres catégories de personnes qui ne sont pas pris en compte. Tout ceci a été bien compris par l’ensemble des acteurs. Il y a espoir de savoir que, les acteurs au sortir de cet atelier, qui va contribuer à renforcer davantage la synergie des actions,  à travailler à évoluer sur ce qui est permit et à mener des plaidoyers à l’endroit des différents départements ministériels indiqués sur la question.

Interview réalisée par Catherine Aimée Biloa

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