« Les sages-femmes sont à 75% dans le bassin obstétrical »

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Annie Hortense Atchoumi, experte nationale et sous-régional en Santé-reproduction Présidente national de l’ASFAC

La présidente nationale et de l’Afrique centrale des sages-femmes et spécialiste en santé de reproduction, également vice-présidente de l’Afrique francophone donne les raisons de la valorisation de la profession de sage-femme au Cameroun.

L’Asfac a organisé à Douala son 12è congrès scientifique sur le thème : «  mobilisation sociale dans la lutte contre  la covid-19 : les femmes et familles ». Quel est le but de l’organisation de cette rencontre ?

L’une de nos priorités c’est les journées scientifiques nationales, parce que  la profession de sage-femme qui est encore méconnue dans le domaine de la santé. D’un autre côté, la recherche  est un pan qu’il faut beaucoup actualiser dans cette profession en termes de distinction. Donc les journées scientifiques étaient initiées  dans le but de renforcer  l’esprit scientifique et la recherche au sein de cette profession. En plus, que cela soit une opportunité où l’on se rencontre tous et qu’on partage les bonnes pratiques et les bonnes expériences ; que l’on relève aussi les défis de la  profession et qu’on voit ensemble comment  améliorer et regarder dans la même direction, également comment contribuer au système de santé en termes de santé maternelle et productive au Cameroun.

Quelles sont les difficultés que rencontrent les sages-femmes au Cameroun ?

On voudrait que la santé de la mère et l’enfant soit une profession qui intègre tout  le monde au niveau de l’Asfac. Les difficultés même parfois c’est aussi au niveau du Ministère, parfois de la ressource humaine, vous voyez pendant qu’on est entrain de faire les journées, il planifie les examens, alors  qu’ils savent bien qu’on a des journées, puisqu’il y a des enseignants qui sont dans ces écoles et qui  sont dans l’association. On doit fonctionner pourtant en équipe. L’autre difficulté c’est que la plupart des responsabilités que doivent occuper ces professionnels, sont occupés par  d’autres. Lorsque C’est une autre professionnelle qui gère une profession qui n’est pas la sienne, elle n’a pas la même vision, le même engouement ou amour pour cette profession. Quand nous avons pris part à l’une des conférences mondiales  organisée par l’ICM (confédération internationale des sages femmes du monde), il a été très fortement recommandé qu’il ait cette distinction pour laisser un épanouissement  à la profession en elle-même.

Le Cameroun justement fait partie de ces pays où il y a encore cette confusion. Plusieurs  pays en Afrique  ont déjà levé cette confusion et ont crée leur ordre. Nous avons engagé le processus depuis 2015-2016 pour la  création du corps et de l’ordre, parce que jusqu’à présent le corps n’est pas encore formalisé. Le  ministère a déjà avancé avec certains aspects. Sur le plan légal ça pose un problème même pour le ministère de se mettre à former  des gens et de ne pas formaliser le corps.  Par la suite notre prochaine étape c’est la doléance auprès du Ministre de la Santé, et des autres autorités du gouvernement (Première ministère et de la Présidence) pour que  ce corps puisse être formellement mis sur pied et que l’Ordre soit crée. Au niveau de l’Asfac on a engagé des fiches techniques pour faire une rencontre de concertation pour l’Ordre. Les sages-femmes ne peuvent pas s’exprimer parce que ce sont les autres qui s’expriment à leur  place et qui ne donnent pas toujours l’information qu’il faut. C’est l’un des facteurs aussi qui contribuent à la mortalité maternelle. Quand d’autres personnes qui ne sont pas là où ils doivent être parlent d’un domaine qui n’est pas la leur et parfois le résultat aussi ne peut pas être formidable. Des efforts ont été faits, ma première vision avec le groupe Mère et enfant était que l’école voit le jour, elle l’a fait dans un système LMD. Mais, il y a encore beaucoup de travail qui doit être fait.

Parlez-nous de l’Asfac ?

Elle a été créé sur un autre nom depuis 2008 et par la suite elle a changé de nom et devenue Asfac en 2013. Chemin faisant, il y avait des difficultés…  ce que nous avions réfléchir c’est qu’en décentralisant on évolue plus vite et aujourd’hui cela nous a donné raison  parce que n’étant pas beaucoup soutenu dans le système, cette décentralisation nous a fait beaucoup avancé. En décentralisant, cela nous a permis de mieux  sensibiliser au niveau de la région. Au niveau des membres,  on couvre environ 700 et actuellement on est quand même entrain de planifier une revue des membres pour actualiser les statistiques…

 La main d’œuvre est-elle suffisante dans les hôpitaux ?

Non. Avec le taux de chômage elle ne suffit pas. Il ya deux ans on était autour de 1500 et puis  sur 1500 il y a même pas 300 recrutés. Alors que dans la plupart des pays, même les plus avancés, on ne forme pas chaque année, ils forment  après un cycle.  Le  fait que l’on souhaite  même mettre l’école c’est parce que le besoin se faisait sentir. Le Cameroun était parmi les pays dont la mortalité maternelle était la plus élevée. Progressivement, on s’améliore mais jusqu’à présent ce n’est pas encore ça.  Les étrangers qui appuient souvent le système en termes de conseils, on dit si vous avez des problèmes avec cette profession de sage-femme il faut arranger,  donc couvrir les problèmes qui existent dans la profession pour améliorer la mortalité.  C’est pour cela qu’il y a eu la décision d’aller vers l’ouverture des écoles en 2011-2012.   Le ratio entre les personnes qui ont besoin de leurs services et leur effectivité d’emploi est à moins de 50%.  Mais si on les recrutait, le problème n’allait pas se poser.

La pratique de la césarienne est de plus en plus visible au Cameroun, cela a-t-il un impact sur votre activité ?

Non. Si elles sont bien formées et qu’il y a une bonne collaboration avec les autres professionnels tout se passe bien. Mais parfois dans notre système, c’est comme des tiraillements de gâteau. Parfois les autres professionnels n’encouragent pas qu’elles soient bien formées parce qu’ils veulent rester dans le garde  de la gestion de certaines choses. Si elles sont bien formées elles vont même empêcher les césariennes. Les sages-femmes sont à 75% dans le bassin obstétrical. C’est pour cela qu’on parle d’une profession médicale spécifique, parce qu’il faut connaitre les différentes dimensions, etc.

Il est parfois reproché le comportement  désobligeant de certaines sages-femmes dans les hôpitaux lorsque les femmes viennent accoucher, que faites-vous au niveau de l’Asfac pour limiter ce type de comportement ?

Je ne suis pas formée ici. Au départ dans notre formation médicale il y avait un test psychologique, à partir de là on pouvait déjà savoir les différentes aptitudes et comportements de chacune. Et en cours de route, s’il y avait un dérapage tu ne pouvais pas poursuivre la formation. C’est pour cela que j’insiste qu’au-delà de l’éducation que chacune peut déjà avoir lui-même, il y a aussi la qualité de la formation, parce que ce n’est pas tout le monde qui est appelé à servir, à faire certaines choses. Dans la formation de base si on ne met pas l’accent sur l’accueil, on observe toujours des dérives. En outre, ce n’est pas seulement au niveau des sages-femmes qu’il y a ce problème là. C’est partout. Au lieu d’être comme l’esclave du malade, on est comme le maitre du malade. Ce que nous faisons à notre niveau, quand le tri est déjà fait à la sortie des écoles, c’est continuer avec la sensibilisation. Tout dépend de la volonté de la personne à s’améliorer. Il y a celles qui veulent apprendre et certaines qui  refusent d’être approchées.

Lors de cette rencontre, nous avons noté un réel engouement chez vos membres, qu’est ce qui les motivent autant ?

(Sourire). Pour développer  la passion, il faut être un leader qui donne le bon exemple. Le leader doit savoir aussi être humble.  Il doit savoir supporter les humeurs, il doit savoir à un moment donné dire non et montrer le bon exemple et savoir prendre la parole et dire ce qui doit être correcte. Et puis aussi, vous voyez dans une association, il y a aussi la gestion financière et il faut toujours faire en sorte que dans tout ce que vous faites, vous gérez les choses avec une certaine visibilité. Un leader c’est celui qui est passionné, qui a l’amour pour ce qu’il fait. Quand les autres voient la réalité, ils vont vous soutenir. Les femmes de l’Asfac sont déterminées, elles sont engagées.

Pourquoi avoir axé le thème de ces journées sur la mobilisation sociale ?

La mobilisation sociale, c’est pour dire pour qu’on réussisse dans la réduction de la mortalité infantile  il faut accentuer la formation. Pour que ca réussisse il faut que le milieu social se réunisse avec elles pour pouvoir  limiter ce fléau. C’est une profession qui demande déjà que tout le monde s’y met pour déjà bien la comprendre. Parce que la qualité d’une bonne naissance dépend aussi de la qualité d’une nation. On va faire un plaidoyer au niveau des autorités pour qu’ils appuient la formalisation du corps et la création de l’ordre, parce que c’est la recommandation de l’ICM.

Propos recueillis par Ghislaine DEUDJUI

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