CPHIA 2022 – Dr Benjamin DJOUDALBAYE, Chef de la division politique et diplomatie de la Santé du Centre Africain pour le Contrôle et la Prévention de la Maladie (CACM) parle des enjeux

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« On ne peut pas sous-traiter notre santé auprès de quelqu’un d’extérieur qui va se  charger de poser le diagnostic de nos maux pour nous dire voilà ce dont vous souffrez. On ne  peut  plus continuer à travailler comme par le passé. »

 

 

Quels sont les objectifs assignés à cette conférence Internationale par le Centre   Africain pour le  Contrôle et  la Prévention de la Maladie (CACM) ?

Les objectifs sont très clairs. Si je fais un feedback dans le passé, il n’y a  pas  une  conférence qui est dédiée aux  questions  de  santé publique en Afrique. Depuis la   mise en place du CACM, nous, nous sommes attelés, à mettre sur pied cette  plateforme qui va offrir, aux chercheurs aux décideurs, aux  acteurs des secteurs et  toutes les parties prenantes l’opportunité de discuter des questions de santé sur le   continent africain. Il est donc question de rassembler les personnes capables de  contribuer efficacement à cela. C’est pour cela que l’Union africaine existe ; pour  rassembler les Africains et  les peuples qui collaborent avec les africains. Ceci dans   le but de pouvoir mener des réflexions au sujet des problèmes de l’Afrique et   adopter des solutions selon nos convenances et selon ce que nous considérons   comme prioritaires pour nous.

Quel est l’intérêt d’un événement de cette nature pour le citoyen africain lambda ?

L’intérêt basique ici, c’est que c’est des questions de santé; des questions qui nous  concernent tous. Nous convenons tous que les questions de santé ne doivent pas intéresser que les experts. En observant bien le système de  santé, vous  verrez qu’il est structuré de telle sorte que les déterminants de la santé ne sont pas directement liés à la santé publique. Nous  verrons donc qu’il  y a des questions qui touchent à   l’eau, à l’hygiène, à l’assainissement. Ce sont des questions de santé. Par exemple  quand il y a des manquements du genre : de l’eau qui n’est  pas bien traitée et que  survient une épidémie de choléra, ce n’est pas par exemple le ministère de la  Santé qui doit s’occuper de ces manquements. Cependant le ministère traite des  conséquences générées par l’eau de mauvaise  nature. Donc c’est  une question  qui intéresse toute la Société. Les questions de santé se veulent transversales. C’est  d’ailleurs pour  cela  que  dans  le  cadre  de  cette   conférence bien précise, il  y a un objectif qui est  assigné  aux communautés, aux populations en  général  ou  n’importe  qui, qui a besoin  d’exprimer  son  point  de vue de parler   des  questions  qui  sont  liées à  son  environnement, des  questions  qui  sont  liées à sa  santé et de  tous  ces défis qui s’imposent  à son vécu.

Concernant   les   parties   prenantes: qui  est  présent à cette conférence ?

Je  dirai que  tout  le  monde  est présent. Je vais  m’expliquer.   Nous allons commencer par  les organisateurs  de  cette  conférence. Le CACM est là et  c’est  sa  conférence. Nous  avons des partenaires qui  travaillent  dans  le secteur  de  la  santé  et   que  je  préfère   ne  pas nommer. Nous  avons  les  Etats membres  de  l’Union  africaine. Le Rwanda par exemple  qui  est  le  pays  hôte  de  cette  conférence. On  peut  constater  que  tous   les  segments de  la  société  rwandaise  sont  représentés. Allant des  responsables au  niveau  communautaire  jusqu’au  Premier   ministre  en  passant  par le ministre  de  la  Santé. Nous avons d’un  autre  côté, les  institutions académiques,  les universités  sont représentées, les  instituts  de   recherche  et les   institutions qui  s’occupent des  questions  de  population.

Et  si  le  Cameroun  souhaite  accueillir   la Conférence, que  faut-il Faire ?

Nous  ne  sommes  qu’à la  deuxième édition  de  cet  événement. La première  édition a  eu  lieu  en 2021, a  été organisée de   manière totalement virtuelle. Parce  qu’il   fallait  tenir  compte  de   la pandémie  du  Covid-19. Une  période  durant  laquelle  les  personnes  ne  pouvaient  plus  se  déplacer  en  toute aise. Pour  accueillir  cet  événement, le  Rwanda a simplement  manifesté  le  désir d’abriter   cette   conférence. Nous sommes ouverts  à toute proposition venant  de   la  part  de   tout  pays  africain  qui  souhaite  faire   pareil. Pour  ce  qui  est  de  l’année  prochaine  par   exemple, la conférence  aura  lieu en  Zambie. Si le  Cameroun  est  intéressé, il peut officiellement  notifier  au  CACM son  intention  d’abriter  et  dès  lors, il  travaillera  avec  le  secrétariat chargé  d’organiser  cette  réunion. Les  critères seront traités  au fur et à mesure. Il faut  tout  de même  relever  que  le pays  à choisir doit   être  d’accès facile. Un  pays  ou  les  questions liées à  l’accès  au  visa ne  pose  pas beaucoup  de  problèmes.

Quels   sont   les   résultats   escomptés  au   soir    de   cette conférence ?

Nous   dirons  qu’ici, tout ce   que nous  faisons, a pour objectif ultime   d’assurer   la sécurité   sanitaire sur l’ensemble  du  continent. Parvenir à des  systèmes  de   santé, bien  pensés, solides, efficaces, forts et  résilients qui pourront  absorber les  chocs  liés à différentes   menaces de  santé publique.

L’après  cette conférence comment envisagez  vous  suivre  et  optimiser tout  ce  qui  s’est  fait durant ces 3 derniers  jours  a Kigali ?

Nous  avons   effectivement  un mécanisme  de   suivi. Ça ne  sert  a rien  de  faire  la conférence  pour la conférence.  Déjà ça se  voit  que  cette  édition  a été  profondément orientée   vers  la  mise  en œuvre,  l’opérationnalisation; donc c’est des  solutions pratiques. N’importe    quel acteur  doit  retourner  avec  pour  mission  de  les implémenter dans son  cadre  quotidien de vie.  En  plus, nous travaillons avec  les Etats  membres. Nous leur rappelons  que   les recommandations de   cette  conférence     doivent    être   mises  en  œuvre    dans  des  domaines  bien  particuliers. Par  exemple  pour la question   du  renforcement des systèmes   de  santé, quelles sont    les actions  prioritaires  qui  doivent  être     exécutées ? Il y a par  exemple   les questions  de  surveillance;  les questions  de   réseaux  de  laboratoires  etc.

Donc c’est  des  approches  de  monitoring pratiques qui  vont  jusqu’au  niveau  des  communautés qui  eux  aussi  ont  un  rôle à jouer pour  garantir  la  sécurité sanitaire. C’est  des  solutions  pratiques  qu’on parle  ici. Je  crois  que  leur   mise  en  œuvre  ne  fera pas  problème.

Le CACM  a annoncé la mise Sur  pied d’un groupe  de  jeunes  conseillers. Quel sera exactement  son  rôle ?

Vous  savez, la population  africaine est  jeune. Plus  de  60 % de  cette population  est  âgée  de  moins de 15 ans.  Rien  ne  se  fera  sans  les jeunes.  Il  est  question  d’avoir des  jeunes  gens, qui  vont  se  mettre  ensemble, agir  pour  sécuriser, sensibiliser les  autres  jeunes   à prendre  conscience  des  questions  de  santé   telles que  les  questions  de  vaccination  par  exemple; ceci afin  que  ces   derniers  s’engagent a  se faire  vacciner. Voila  le  rôle  que   ces   jeunes  là seront  appelés à jouer auprès de   leurs  pairs. Ce sont  des  gens  qui  seront choisis au sein  de  leurs   communautés  parce  qu’ils  sont écoutés, ont  un certain leadership, parce  qu’ils  sont  artistes ou sportifs etc. Ce  sera   des gens  qui  ont  un  certain   nombre de  personnes  qui  les  suivent.  Ils devraient  servir  d’exemple pour beaucoup plus jeunes  autours d’eux les  conduisant  à adopter  des  comportements  en  adéquation avec   les prescription  des experts  du  secteur de la santé. En ce  qui  concerne leur  nombre, il  n’est pas encore  fixé. Vous convenez  avec  moi  que  le  continent  est  vaste. Il faudra  agir  en  conséquence.

Pourquoi  jusqu’à présent les africains n’avaient  pas ouvertement décidé   de   prendre   leur destin  sanitaire  en  main ?

Il  y a plusieurs  raisons à cela. Dans  un  premier  temps, il  y a eu des   problèmes  de  priorisation. Lorsqu’on regarde  de plus prêt, on  réalise   tout  de  suite  que  c’est aussi  l’investissement  dans  la santé et dans la  recherche qui  fait problème. Si les Etats africains ne mettent  pas  les  moyens, personne  ne   viendra  le  faire  à leur place. Je  crois  qu’avec  le   passage de  la Covid-19  nous avons appris  des  leçons. Actuellement, nous sommes  dans  une  nouvelle  dynamique. Nous  espérons  que nous allons  y  arriver. On ne peut  pas  sous-traiter notre santé auprès   de  quelqu’un  d’extérieur qui va se  charger  de  poser le diagnostic  de nos    maux pour   nous   dire voilà ce dont  vous  souffrez. On ne  peut  plus  continuer  à travailler  comme   par   le   passé.  Il  est  question  de  prendre  la responsabilité  de  nous occuper  de  nos  propres  problèmes; en investissant   davantage  dans la recherche  et   financer  notre  système  de  santé  de  façon  responsable. Ce  qui  est  aussi ou sans  doute  notre  façon  de contribuer  à la  décolonisation    de  la  santé  globale. Il  faut  tenir  compte  des aspirations des peuples  africains. C’est  pour  cela  que  nous  avons défini  le nouvel  ordre de  santé  publique africaine. Décoloniser  la santé  c’est  premièrement  avoir  des  institutions fortes au niveau  africains qui  se chargeront    de    définir   leurs  politiques, parce  que  nous  connaissons  nos  problèmes  mieux que  quiconque. Le deuxième  aspect  est relatif  à la   formation du  personnel qui s’occuperont  de   ces institutions   lorsqu’elles  seront mises en  place. Le  troisième  aspect, c’est la  fabrication au  niveau  continental des  médicaments, des  vaccins  et d’autres   produits  de  santé. Nous avons  bien  vu  ce   qui   s’est  passé  avec  la Covid-19  lorsque les  vaccins  ont  commencé à être   disponibles. L’Afrique  n’avait  pas  accès  aux  vaccins. C’est  pourquoi  même   les  partenariats   devraient désormais  être  respectueux   de  nos  priorités.

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