INTERVIEW : Dr Suzanne BELINGA
« La personne qui ne porte que l’hémoglobine normal A, n’a pas le risque de transmettre la drépanocytose à ses descendants »
Selon le Médecin biologiste, Directeur Général Adjoint du Centre Pasteur du Cameroun, l’électrophorèse est une technique d’analyse qui permet de mettre en évidence chez un individu à qui on a prélevé un échantillon de sang, les différentes hémoglobines qu’il porte.
En quoi consiste l’électophorèse ?
L’électrophorèse de l’hémoglobine sert à détecter les anomalies de forme et de concentration de l’hémoglobine, la protéine des globules rouges qui sert au transport de l’oxygène. Le test fait habituellement suite à des résultats anormaux à la formule sanguine (globules rouges, hémoglobine, VGM, etc.) ou à la présence de symptômes d’anémie (fatigue, pâleur, etc.). L’hémoglobine est composée de 4 chaînes, 2 chaînes alpha et de 2 chaînes bêta. Une thalassémie alpha ou bêta est un désordre associé à la sous-production d’une des sous-unités. Le test sert également à identifier les plus communes des 700 formes anormales d’hémoglobine retrouvées dans le monde, la plupart extrêmement rares. Toutes les formes anormales sont associées à des anémies de sévérité variable. Certains désordres héréditaires affectant l’hémoglobine sont souvent retrouvés avec une plus grande fréquence (mais non en exclusivité) dans des populations géographiquement identifiables (région méditerranéenne pour les thalassémies, africaine pour l’hémoglobine S ou asiatique pour l’hémoglobine E, etc.).
La composition de l’hémoglobine peut être modifiée par des mutations du gène qui le code. Ces hémoglobines modifiées sont visibles à l’électrophorèse de l’hémoglobine. C’est le cas de l’hémoglobine S responsable de la drépanocytose dont la modification de charge électrique permet de la visualiser à l’électrophorèse en association ou pas avec l’hémoglobine normal A. Lorsqu’un individu possède à la fois l’hémoglobine normal A et l’hémoglobine modifiée S, il a un résultat AS et il est susceptible de transmettre la drépanocytose à ses descendants, par le gène codant pour l’hémoglobine S. La personne chez laquelle on ne retrouve que l’hémoglobine S souffre ou souffrira de la drépanocytose et transmettra aussi obligatoirement le gène responsable de la drépanocytose. La personne qui ne porte que l’hémoglobine normal A, n’a pas le risque de transmettre la drépanocytose à ses descendants.
Y a-t-il une différence entre hémoglobine A et groupe sanguin A ?
Faire attention ici à ne pas confondre l’hémoglobine A et le groupe sanguin A qui sont 2 choses différentes.
Les groupes sanguins sont nombreux et ne déterminent pas le génotype, si l’on est drépanocytaire ou porteur du gène de la drépanocytose (S). Mais il est important de connaitre son groupe sanguin car ça peut sauver si jamais un besoin de transfusion sanguine se pose ou pour un don de sang afin de sauver des vies.
Le génotype ou groupe électrophorèse de l’hémoglobine par contre, détermine votre génotype, si vous êtes drépanocytaire ou porteur du gène (S) de la drépanocytose qui est une maladie héréditaire transmise par les deux parents porteurs à l’enfant.
Quels sont les groupes d’électrophorèse ?
Il faut savoir qu’il y a plusieurs types d’électrophorèse en fonction du support sur lequel la séparation des hémoglobines se fait : acétate de cellulose, gel d’agarose, capillaire ou en fonction de l’acidité du milieu de réaction : électrophorèse à pH acide ou basique.
Les limites de l’électrophorèse sont établies par le pouvoir de résolution ou capacité de séparation des hémoglobines pour des modifications légères. A ce niveau, l’électrophorèse capillaire a un meilleur pouvoir de résolution que les autres types d’électrophorèse cités plus haut. Les résultats de l’électrophorèse de l’hémoglobine sont interprétés par un hématologiste et peuvent indiquer qu’une seule des deux copies du gène est anormale (ex. : trait thalassémique) ou les deux. Les résultats sont interprétés en tenant compte du contexte clinique et des résultats de la formule sanguine. Certaines analyses plus poussées peuvent être suggérées par l’hématologiste interpréteur.
Quand est-il néssecaire de faire une électrophorèse ?
L’électrophorèse de l’hémoglobine est indiquée dans les cas suivants : Antécédent familial d’une hémoglobinopathie, quelle qu’elle soit (thalassémie ou drépanocytose), dans certains cas d’anémie, pas forcément expliquées par une carence en fer ou en vitamines et dans le suivi pré et post transfusion des patients porteurs d’une hémoglobinopathie telle qu’une drépanocytose.
Comment se pose le diagnostic de la drépanocytose ?
La drépanocytose est une maladie génétique de l’hémoglobine, une protéine qui permet de transporter l’oxygène dans l’organisme. Cette pathologie se traduit par une mauvaise circulation sanguine, une anémie, des crises douloureuses et une moindre résistance aux infections. “Sur l’électrophorèse, on voit la migration des différentes variantes de l’hémoglobine. En cas de drépanocytose, on observe une migration anormale appelée hémoglobine S (Hb S). En fonction de l’analyse du tracé électrophorétique, on peut savoir si la personne est drépanocytaire, hétérozygote ou homozygote. Si elle est hétérozygote, cela signifie qu’elle a 50% de version saine et 50% de version non saine. Si elle est homozygote, l’atteinte peut être plus grave.
Pour ce qui est du diagnostic de la drépanocytose, il existe d’autres techniques comme la Chromatographie Liquide Haute Performance (CLHP), l’IsoElectroFocalisation (IEF) dont les performances sont comparables à celles de l’électrophorèse capillaire. Assez récemment, des tests de diagnostics rapides (TDR) en bandelette ont été mis au point. Ces TDRs permettent de rendre le diagnostic accessible en tout lieu sans équipements complexes, sans besoin d’électricité. Ce sont ces TDRs que l’on utilise lors des campagnes.
Propos recceullis par Adèle BITGA