« Nous respectons la décision de la haute hiérarchie, et les engagements de la république »

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Professeur Omgbwa Eballe, Directeur de l’Hôpital de district de Djoungolo

Votre prise de fonction a tardé à être effective, quelles en étaient les raisons ?

Passation de service entre le Dr Yakana, Directeur sortant de l’hôpital de district de Djoungolo et Pr André Omgba Eballe, Directeur entrant, le 15 Oct 2019

Je vous remercie pour cette parole que vous m’accordée, et qui me sort un peu de ma réserve. Une seule raison à donner à ce léger retard ; mon prédécesseur Docteur Yakana, Médecin de sport était en mission au Japon avec les Lionnes indomptables du Volleyball et ce jusqu’à la fin du mois de septembre 2019. En son absence, nous ne pouvions pas faire une passation de service. Passation faite ce 15 octobre 2019 selon sa programmation et l’agenda du Sous-préfet de Yaoundé 1er

Vous venez de prendre fonction comme le nouveau Directeur de l’Hôpital de district de Djoungolo, alors dites-nous quelles sont vos premières impressions après avoir vu les locaux et le personnel ?

Comme première impression, c’est le bon accueil de mon prédécesseur et du Chef de district, sans oublier Monsieur le Sous-préfet de Yaoundé 1er. Ils ont fait leur travail. Nous avons trouvé le personnel très accueillant également. Avec le temps, nous connaitrons de mieux en mieux le personnel ainsi que les populations. Pour les locaux, je n’ai pas de mots, je reste sans voix. Une de nos anciennes étudiantes qui exerce ici nous a simplement accueilli en pleurant et en nous demandant « Que venez vous faire ici Professeur ? Qu’avez vous fait pour être ici ? Ce n’est pas votre milieu ici ».

D’emblée vous avez un regard panoramique des infrastructures, peut-être pas assez profond au niveau des équipements. En tant que bâtisseur, quels sont les projets imminents ? Qu’est-ce que vous comptez faire d’Olembé dans les prochains jours ?

C’est une question très difficile, vous dites que nous sommes un « bâtisseur », merci pour ce compliment et en toute humilité, nous faisons de notre mieux. Un bâtisseur a besoin d’un environnement propice, d’une collaboration des financiers et du personnel. En termes d’infrastructures, nous avons trouvé un hôpital qui relève d’une unité de santé primaire, elle n’a véritablement pas évolué dans le temps. Néanmoins, le nom a évolué parce qu’on est quitté de Centre de Santé Intégré (CSI) à un Centre Médical d’Arrondissement (CMA) puis à un Hôpital de District en 2009. Les locaux sont restés les mêmes. En termes de projets, un état des lieux et des besoins sera adressé dans les prochains jours à la haute hiérarchie. Nous établirons par la suite un plan de développement et des plans d’action annuels mettant l’accent sur la modification des comportements du personnel en renforçant leurs capacités dans le respect de l’éthique médicale. L’épanouissement des malades et du personnel étant l’objectif ultime du développement hospitalier.

Professeur, nous n’avons pas vu de sanitaires dans cet hôpital pour nous soulager.

Non il n’y en a pas. Nous avons eu du mal à nous soulager toute à l’heure après la passation de service. Il y’a une fosse septique pleine à l’arrière du bâtiment pour les malades, le personnel et le Directeur que nous sommes et il n’y a pas de politesse la bas. On s’aligne avec les malades. Les plus pressés font la défécation à l’air libre. J’éviterai simplement de boire beaucoup d’eau en journée pour ne pas solliciter les toilettes.  Il n’y a pas d’eau à Messassi/Olembé et l’hôpital en est privé également. Nous restons vraiment sans voix.

Votre mutation a fait couler beaucoup d’encre et de salive que ce soit dans le corps médical ou même au sein de l’opinion publique, au moment où vous prenez service dans cette formation sanitaire tant querellée, quel est votre ressenti ? Où vous dites, je respecte les décisions de la hiérarchie et vous vous sentez pleinement engagé à servir comme dans le passé ?

Vous savez, en ce qui concerne les émotions, nous ne sommes plus trop émotif parce que le sport et le métier ont modifié notre Soi. Nous avons beaucoup appris avec les arts martiaux. Nous gardons le droit de réserve et de retenue. Nous respectons la décision de la haute hiérarchie, et les engagements de la république sont des engagements personnels et patriotes, chacun sait ce qu’il doit faire dans une république. Rappelez-vous que nous avons trouvé l’hôpital de Biyem-Assi dans un piteux état il y’a deux ans ; aujourd’hui il rayonne et nous n’y sommes plus comme manager, clinicien et enseignant depuis un mois. Si nous nous retrouvons à l’hôpital de District de Djoungolo, qui a gardé l’aspect d’un Centre de Santé Intégré, et que le milieu médical semble offusqué ; quelque part, ce sont des émotions légitimes lorsqu’on s’attend à un profil de carrière ascendant. Le monde professionnel est fait de hauts et des bas, tout n’est pas linéaire comme en mathématique même pour un Chef hospitalo-universitaire. Si on recommence au bas de l’échelle après 23 ans de service, on doit faire preuve de professionnalisme et regarder au delà de nos missions régaliennes de transmission de compétences. Améliorer l’offre de soins est une grande mission, nous y sommes engagés comme par le passé, sauf que le plateau technique ne s’y prête pas pour notre expertise dans cette formation sanitaire. Notre qualité de vie, fait de nous, des hommes respectés par nos apprenants. Nous devons donc soigner l’image de nos diplomates hospitalo-universitaires représentés par ces Enseignants de rang magistral de la filière médicale, pour encourager la jeune génération à suivre leurs pas et à espérer avoir un profil de carrière et une vie meilleure dans la profession médicale.

En tant que professeur, vous avez un cohorte d’étudiants que vous encadrez, on aimerait bien savoir, étant donné que Biyem-Assi était devenu un pôle de formation académique, est-ce que les mêmes étudiants vont vous retrouver à Djoungolo ou quel est le projet avec ces jeunes médecins et internistes que vous encadrez ?

Les pôles d’excellence sont tenus par des Professeurs de rang magistral. Là où nous avons été, nous avons fait des pôles d’excellence. A l’hôpital Laquintinie de Douala, nous avons développé le service d’ophtalmologie. Un service qui donnait à peine trois cent mille francs CFA le mois dans les caisses de l’Etat. Quand nous quittions en 2017, on était autour de six millions par mois et le personnel et les malades étaient satisfaits. Le service était fortement développé et il était devenu un pôle d’excellence académique avec des étudiants et des assistants ; les recherches pour les mémoires et les thèses de Doctorat en médecine y étaient effectuées. Nous avons fait pareil avec l’Hôpital de District de Biyem-Assi qui est devenu un pôle d’excellence universitaire aujourd’hui. C’est vrai que ça a été une émotion forte pour les étudiants de se voir priver de leur encadrement, parce que c’était déjà un pôle d’excellence en chirurgie orbitaire et d’oculoplastie pour l’Afrique Centrale. Tout est à refaire. Recherches, thèses et mémoires sont presque impossibles ici. Ouf, ça craint ! Pour le moment tout est arrêté et les stages d’orbite et oculoplastie annulés pour les Résidents d’ophtalmologie. Nous allons faire de notre mieux, ça prendra le temps que ça prendra, mais ça s’annonce bien difficile dans ce mouchoir de poche.

Alors monsieur le Directeur, le sous-préfet de Yaoundé I, madame le chef de district, vous ont encouragé dans cette nouvelle aventure, qu’en dites vous ?

Nous considérons que nous travaillons ici et que nous y sommes. Nous sommes simplement engagés en tant que patriote, à accompagner le Chef de l’Etat dans sa politique de développement des soins de santé de qualité, accessibles et disponibles pour tous et partout où besoin est.

Interview réalisée par Joseph Mbeng Boum 

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