Variant Delta: un Covid-19 dangereux et plus transmissible

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Il présente certaines mutations qui permettent au virus d’adhérer plus facilement aux cellules humaines. Le variant Delta infecte ainsi beaucoup plus que les autres variants. Les malades présentent une charge virale mille fois plus élevée que la première souche. Le Ministre de la Santé publique, Manaouda Malachie appelle à la vaccination, meilleure arme pour limiter les formes sévères du variant Delta.

Le variant Delta a été détecté pour la première fois au Inde en octobre 2020 et s’est diffusé sur toute la planète. Il devrait représenter 90 % des nouveaux cas de la Covid-19 dans l’Union européenne d’ici fin août, a estimé fin juin, le Centre européen de prévention et de contrôle des maladies (ECDC). Au cœur du débat depuis quelques mois, il est considéré comme étant le plus meurtrier depuis la survenue de cette pandémie. Pour mieux faire connaissance avec cette menace mutante, le reporter du quotidien Echos-Santé a approché un virologue.

Qu’est-ce que le variant Delta ?

Les premiers cas ont été identifiés en Inde, mais la maladie a été signalée dans de nombreux pays du monde. Il s’agit d’un variant préoccupant, ce qui signifie qu’il a subi des modifications génétiques potentiellement inquiétantes en termes de transmissibilité et d’échappement au vaccin. Dans certains pays, dont le Royaume-Uni, Delta est devenu le type dominant de Covid en circulation. Selon la Directrice du Centre Pasteur du Cameroun (CPC), à Yaoundé, 14 variants Delta indien circulent dans les villes de Douala et de Yaoundé, depuis les mois de mai et de juin 2021.

Les symptômes du variant Delta

Les scientifiques estiment que les symptômes resteraient “classiques” et bénins dans la plupart des cas. Pour autant, le virus n’est pas inoffensif, d’autant plus qu’il se propage plus rapidement que la forme Alpha. Maux de tête, mal de gorge, nez qui coule… Ces symptômes sont parmi les plus répandus chez les jeunes Britanniques atteints du variant du Covid-19 Delta, selon une étude britannique qui repose sur les données recueillies via une application participative auprès de personnes contaminées. Contrairement à la forme classique de la Covid-19, la toux n’apparaît pas comme un symptôme principal, de même que la perte goût et de l’odorat. Selon le professeur, la ressemblance avec le rhume peut être problématique parce que « les gens peuvent penser qu’ils n’ont qu’un simple rhume saisonnier, et à continuer à se retrouver pour faire la fête… ».

Le variant Delta est plus contagieux

Ce variant est associée à une augmentation de la transmissibilité du virus (entre 40 et 60%) en raison de la mutation L452R. On estime qu’une personne atteinte peut en contaminer sept en moyenne. Le taux de reproduction effectif (nombre de personnes qu’infecte une personne contaminée) est plus élevé avec le variant Delta : le Conseil scientifique estime qu’il est à 7, l’OMS à 6. Rappelons qu’au plus fort de l’épidémie, en mars 2020, le R était de 3, donc 1 personne contaminée en contaminait 3 autres. Le variant Delta peut passer 30 minutes et même trois heures de temps dans un espace fermé. C’est pour cette raison que le nombre de cas et de morts est très élevé dans les pays touchés. On voudrait que la population comprenne qu’il ne s’agit pas d’un tapage médiatique. Mais d’un virus dangereux à prendre au sérieux.

Une épidémie de jeunes

 « L’épidémie est portée aujourd’hui par les 10-40 ans. C’est une épidémie de jeunes, qui heureusement font peu de formes graves. Un certain nombre peut faire des Covid longs et être terrassés pendant des semaines voire des mois avec une perte d’énergie, des troubles du rythme cardiaque et d’autres symptômes tels que des douleurs chroniques », explique ce 22 juillet au Sénat Olivier Véran. « Donc il nous faut vacciner les jeunes parce qu’autrement, le réservoir viral va passer de la population jeune aux populations plus âgées ».

Un temps d’incubation plus court

En plus d’être plus contagieux, le variant Delta pourrait avoir un délai d’incubation court soit le temps entre la contamination et l’apparition des symptômes. En effet, selon l’équipe d’épidémiologistes dirigée par Min Kang et Yan li du Centre de contrôle et de prévention des maladies de Guangzhou en Chine, qui a étudié 24 clusters de contamination, la période d’incubation est en moyenne de 4 jours, donc plus courte que celle observée à Wuhan (province du Hubei) en 2020, à savoir 6 jours en moyenne. Selon cette même étude, prépubliée sur le site medRxiv, le temps de génération (nombre de jours entre le moment où une personne est infectée et celui où elle infecte une autre personne) est en moyenne de 2,9 jours, contre 5,7 jours en 2020.

Quant à l’intervalle sériel (nombre de jours entre le début des symptômes chez la personne contaminée et celle infectée), il est passé de 7,5 jours en 2020, contre 5,5 aujourd’hui.  Ils ont en outre découvert qu’avec ce variant, les malades présentaient une charge virale mille fois plus élevée que la première souche, donc que ce variant est « beaucoup plus infectieux au stade précoce de l’infection ». C’est-à-dire que le variant Delta entraîne des contaminations avant même l’apparition des premiers symptômes. C’était déjà le cas avec la souche initiale, cela s’est accentué. Ainsi, les épidémiologistes chinois ont conclu que la transmission du virus intervient à la phase pré-symptomatique dans plus de 64 % des cas, contre 59 % de cas lors de l’épidémie dans la province de Hunan en 2020.

Le variant Delta en Afrique

Le variant Delta de la Covid-19 s’enracine en Afrique, avec des conséquences dévastatrices sur le bilan humain. En l’absence de renforcement des mesures préventives et d’accès aux vaccins contre la Covid-19, la montée du variant Delta du coronavirus entrainera des centaines de milliers de décès dans les mois à venir. Si des parties du monde ont vraisemblablement commencé à tourner la page de la pandémie, la troisième vague de la Covid-19 fait les titres de l’actualité en Afrique. Le nombre de cas de Covid-19 a triplé et plus de 30 000 décès ont été enregistrés sur le continent depuis l’émergence en Ouganda, fin avril, du variant Delta. La panique et la peur apparaissent dans de nombreuses communautés alors que le nombre de personnes dont les proches meurent augmente de manière exponentielle.

Le variant Delta devient dominant et amorce une troisième vague

26 pays africains ont vu le nombre de cas confirmés de la Covid-19 bondir d’environ 50 % ou plus en juin comparé à mai. 17 de ces 26 pays ont des cas confirmés du variant Delta, le moteur de la vague mortelle de la Covid-19 en Inde. La variant Delta, aujourd’hui confirmé dans 22 pays africains, se répand 225 % plus vite que le virus initial. 5 600 personnes sont décédées de la Covid-19 en Afrique pendant la première semaine de juillet. Cela représente une augmentation de 43 % par rapport à la semaine précédente. Les taux sont en réalité vraisemblablement beaucoup plus élevés puisque que, dans nombre des pays affectés, les taux de positivité sont proches ou supérieurs à 15 %.

La menace du scénario indien

Le taux de prévalence quotidien de cas de la Covid-19 en Afrique a triplé en un mois, passant de 0,9 pour 100 000 personnes à 2,8. Cela ressemble au mois précédent la vague mortelle en Inde. En effet, entre le 18 février et le 18 mars, le nombre de cas pour 100 000 personnes y est passé de 0,9 à 2,3. Au cours du mois suivant, il a atteint un premier pic de 13,5 puis un autre de 30 un mois plus tard.L’Inde et l’Afrique ont une population totale similaire (1,36 et 1, 37 milliards chacune). Au début de la vague poussée par le variant Delta en Inde, le pays avait officiellement décompté 160 000 décès dus à la Covid-19. Sur les mois qui ont suivi, l’Inde a décompté 240 000 décès supplémentaires. Jusqu’à présent, l’Afrique a enregistré 150 000 décès dus à la Covid-19. Si le variant Delta continue de se répandre, un scénario catastrophique est possible, au cours duquel le continent subirait des centaines de milliers de décès.

Le taux de létalité de la Covid-19 en Afrique est aujourd’hui de 2,58 % alors que celui de l’Inde est de 1,32 %.Selon les experts, le nombre de décès dus à la Covid-19 en Inde serait supérieur à un million. Les décès en Afrique seraient de même sous-estimés. En Afrique du Sud, où les nombre de décès a officiellement atteint 63 000 personnes, ce chiffre atteindrait en réalité plus de 170 000.Plusieurs pays où le variant Delta est présent, y compris l’Afrique du Sud, la Tunisie et la Namibie, ont déjà vu leurs décès par personne atteindre des niveaux plus élevés que ceux atteints en Inde.

Delta apporte de nouvelles restrictions

Jusqu’à récemment, le Rwanda avait été félicité pour la rapidité et la fermeté de ses mesures de lutte contre le virus. Mais depuis la mi-juin, le virus a frappé plus fort. Les cas et les décès ont atteint des niveaux record semaine après semaine. Début juillet, tous les centres de traitement Covid étaient réputés être pleins.

Au Vietnam une nouvelle variante hybride du Covid inquiète

« Nous n’avons jamais connu une telle pandémie », a déclaré le ministre de la santé au radiodiffuseur public le 6 juillet. Deux jours plus tard, il a confirmé l’arrivée du variant Delta, qui se propage plus rapidement et est plus mortel. Le 25 juillet, ce variant représentait près de 57 % des échantillons séquencés. Le 17 juillet, le pays a annoncé un confinement de 10 jours dans la capitale Kigali et dans huit districts pour tenter d’enrayer le virus. Le nombre de cas et de victimes reste toutefois relativement élevé. Plus de 400 000 personnes sont entièrement vaccinées, soit environ 3 % de la population du Rwanda.

Indonésie : la demande de services funéraires explose

Avec plus de 1 300 décès en une journée, l’Indonésie est devenue le nouvel épicentre du Covid en Asie. Des centaines de personnes sont mortes en s’isolant, probablement parce qu’elles n’ont pas pu obtenir de traitement immédiat ou parce qu’elles ont été refusées par des hôpitaux débordés. Wirawan, un pompier de la capitale Jakarta, est le premier à constater l’aggravation de la crise. Lui et son équipe sont chargés de ramasser les corps dans les maisons avant de les livrer à l’enterrement. Avant le dernier pic de cas, il organisait deux ou trois enterrements par jour. Maintenant, il reçoit des appels pour jusqu’à 24 funérailles par jour.

Tunisie : Offres de pizzas pour les inscriptions de vaccination

La Tunisie est actuellement témoin de l’impact le plus dévastateur de la Covid depuis que la pandémie mondiale s’est installée. On ne sait pas si la plupart des nouvelles infections sont dues au variant Delta en particulier, mais le nombre de cas a augmenté après son arrivée connue ici. Les hôpitaux du pays sont complètement débordés, et certains médecins ont été filmés en train de pleurer à cause d’une pénurie de concentrateurs d’oxygène, alors qu’ils sont obligés de décider qui vit et qui meurt. En juillet, une porte-parole du ministère de la santé a qualifié la situation de la Covid en Tunisie de “catastrophique”. Les taux d’infection montent en flèche et la campagne de vaccination a été très lente, moins de 8 % de la population ayant été vaccinée. Les organisations de défense des droits ont accusé le gouvernement de mal gérer la crise et, mardi, le ministre de la santé a été limogé. Ces derniers jours, l’agence nationale des télécommunications tunisienne a offert 1 Go d’Internet gratuit aux personnes qui suivaient un SMS les invitant à se faire vacciner. Au moins une pizzeria connue à Tunis a offert une réduction de 10 % si les clients présentaient une preuve d’enregistrement du vaccin. La situation pourrait s’améliorer le mois prochain après que la Tunisie a reçu des dons de vaccins, de bouteilles d’oxygène et d’autres fournitures médicales de la part de pays européens et arabes, et que plusieurs pays ont promis de fournir davantage d’aide.

Augmentation des hospitalisations

« Certaines études de laboratoire suggèrent une augmentation de la réplication dans certains des systèmes modélisés des voies respiratoires humaines », a ajouté le Dr Maria Van Kerkhove. En termes de gravité, le Dr Van Kerkhove a souligné qu’il y a eu une augmentation des hospitalisations dans certains pays touchés par le variant, « mais nous n’avons pas encore constaté d’augmentation de la mortalité ». L’experte de l’OMS a rappelé que, bien que certaines données suggèrent que les personnes vaccinées peuvent être infectées et transmettre le variant, la probabilité est beaucoup plus faible une fois que la deuxième dose a été administrée et a atteint sa pleine efficacité. Elle a également précisé que Delta ne cible pas spécifiquement les enfants comme certains rapports l’ont suggéré, mais elle a averti que tant que les variants circulent, ils infecteront toute personne qui ne prend pas les précautions nécessaires.

Un virus qui continue d’évoluer

« Le virus Covid-19 a évolué depuis qu’il a été signalé pour la première fois, et il continue à évoluer. Jusqu’à présent, quatre variants préoccupants sont apparus, et il y en aura d’autres tant que le virus continuera à se propager », a souligné le Dr Tedros. « Delta est un avertissement que ce virus évolue, mais c’est aussi un appel à l’action avant que des variants plus dangereux n’apparaissent », a déclaré le Dr Michael Ryan, directeur exécutif des urgences sanitaires de l’OMS. « Même si le virus devient plus rapide et plus performant », le plan de bataille ne change pas, mais il doit être mis en œuvre plus efficacement, a souligné le Dr Michael Ryan, directeur exécutif des urgences sanitaires de l’OMS. Le Dr Tedros a imputé l’augmentation des cas à l’accroissement de la mixité et de la mobilité sociale, à l’utilisation incohérente des mesures sociales et de santé publique et à la distribution inéquitable des vaccins. Selon lui, les « acquis durement gagnés » sont menacés ou perdus, et les systèmes de santé de nombreux pays sont de plus en plus débordés.

Le vaccin protège-t-il contre le variant Delta ?

Des chercheurs de l’Institut Pasteur en collaboration avec l’Hôpital européen Georges Pompidou AP-HP, le CHR d’Orléans et le CHU de Strasbourg ont montré que le variant Delta est légèrement plus résistant aux anticorps neutralisants que le variant Alpha, selon une étude publiée dans Nature le 8 juillet 2021. Selon ces données du gouvernement britannique, les deux doses de vaccin sont efficaces à environ 90 % pour prévenir les formes sévères et les hospitalisations. A condition d’avoir un schéma vaccinal complet. A retenir : les vaccins sont efficaces contre les formes graves du variant Delta mais à condition de bien effectuer les deux doses. En revanche, leur efficacité serait limitée contre le risque de transmission.

La prévention et l’endiguement doivent continuer à être prioritaires

La trajectoire du variant Delta en Inde n’est une destinée. La distanciation sociale, le port du masque, éviter les rassemblements de masse et la communication de ces gestes avec ses amis et sa famille sont des outils qui permettront aux Africains d’endiguer l’augmentation des cas, jusqu’à ce que et après que l’accès au vaccin soit augmenté. Afin d’éviter une catastrophe humanitaire, les acteurs internationaux doivent intensifier leurs efforts pour accroitre l’accès aux vaccins en Afrique. Aujourd’hui, moins de 4 % des africains sont vaccinés, le taux continental le plus bas au monde. Les gouvernements africains peuvent communiquer avec les citoyens, imposés des couvre-feux stratégiques et des plans de confinement pour ralentir la propagation du virus. Renforcer la confiance entre les gouvernements et les citoyens est crucial afin d’obtenir la coopération et la résilience.

Comme il a été reconnu au début de la pandémie, l’Afrique ne possède pas les structures hospitalières nécessaires pour permettre le recours répandu aux interventions thérapeutiques. La prévention et le recours aux principes établis de santé publique demeurent donc une priorité indispensable. De telles mesures, soutenues par les personnels de santé dans les communautés, les expériences précédentes de lutte contre les pandémies et le savoir local, ont précédemment aidé les pays d’Afrique lors de premières ou secondes vagues épidémiques. Ils seront encore plus importants pendant la troisième vague.

Enquête menée par Elvis Serge NSAA

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