Coronavirus Covid-19: Evrard NGUIDJOE« la recherche en Afrique est en même temps intéressante et douloureuse »

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Chef de département de Pharmacotoxicologie et pharmacocinétique de la Faculté de médecine et des sciences biomédicales (Fmsb) de l’université de Yaoundé 1(L’UYI), il s’exprime sur le secteur de la recherche pour contrer cette pandémie qui chaque jour, fait de plus en plus de victimes. Pouvez-vous nous dire quel est l’état de la recherche pour trouver un traitement contre le COVID-19 (1) ou SARS-CoV-2 (2) en ce jour ?

Pouvez-vous nous dire quel est l’état de la recherche pour trouver un traitement contre le COVID-19 (1) ou SARS-CoV-2 (2) en ce jour ?

En réalité, cela va dans tous les sens. Plusieurs groupes de recherches tant privés que publics s’y sont attelés. Il y a à mon humble avis plusieurs sources d’informations entre autres les publications scientifiques (plus de 600 depuis 3 mois)  et les annonces en tout genre. Ce n’est pas toujours simple de s’y retrouver.

La pandémie a déjà d’après les chiffres qui circulent tué plus de 29 000 personnes  dans le monde. Les projections futures sont alarmantes si rien n’est fait. Que pouvez-vous nous dire de ce qu’on sait en terme thérapeutique s’il vous plaît ?

Il y a pour faire simple deux grandes voies.  La première est de trouver un vaccin. Les meilleures prévisions sont pour cette fin d’année 2020 ou début 2021. C’est une course contre la montre.  La deuxième piste serait d’avoir un médicament. A ce jour et en terme de publications plusieurs essais tant in vitro que cliniques ont été fait par divers groupes dans le monde. Aussi, plusieurs essais cliniques sont en cours et on pourra connaître leurs résultats dans quelques semaines. Cela n’a pas empêché d’évaluer à plus au moins grande échelle d’anciennes molécules telles que la chloroquine ou d’autres antiviraux.

Justement parlons de la chloroquine, que peut-on dire d’elle ?

La chloroquine (CQ) est une molécule utilisée comme antiparasitaire (antipaludéen ou antipaludique) depuis les années 40. Nous l’avons connu dans notre enfance sous le nom commercial de Nivaquine. Par la suite, elle est plus ou moins tombée en désuétude comme antipaludique pour plusieurs raisons (toxicité, nouveaux antipaludéens, résistance des parasites de la malaria). Elle a un dérivé synthétique appelé hydroxychloroquine (HCQ) à priori moins toxique que sa cousine CQ et utilisée dans certaines pathologies rhumatologiques dont le lupus érythémateux disséminé ou encore l’arthrite rhumatoïde pour d’autres propriétés non antiparasitaires.  A ce jour, l’HCQ en terme scientifique bien qu’utilisée ou conseillée pour l’infection aigüe symptomatique due au Covid-19 dont une détresse respiratoire dans plusieurs pays (USA, France, Cameroun…) est une stratégie ponctuelle (à court terme). Ceci bien évidemment sous réserve d’études plus complètes.  Vous avez probablement entendu parler de l’essai clinique ‘’Discovery’’ dans l’espace européen (3). L’HCQ a été introduite in extremis dans l’étude.  D’autres médicaments antiviraux connus tels que la remdivisir (contre l’Ebola), le kaletra, le lopinavir et le ritonavir (tous des anti-vih) sont dans le protocole. L’idée est de comparer la prise en charge du  Covid-19 et de faire ressortir la ou les combinaisons les plus efficaces en terme d’amélioration voire de la guérison des patients positifs au Covid-19. Cette étude a l’avantage d’être randomisée c’est-à-dire répartie de façon aléatoire afin de diminuer les éventuels biais. Bref, cela est fait ainsi afin de limiter l’influence des chercheurs et de mieux comparer les groupes sans que ces comparaisons soient faussées.  Les résultats sortiront d’ici début mai. L’Oms aussi prévoit une étude à grande échelle.

Ce protocole est-il le même que proposer par le Professeur Raoult en France ?

Non, le protocole est différent. Ce dernier associe l’HCQ et l’Azithromycine (un antibiotique connu avec quelques effets antiviraux). Ces études publiées récemment montrent in vitro un effet synergie (effet supérieur que la somme des 2 pris individuellement) entre ces 2 médicaments. Ces résultats partiels ont été critiqués. L’avenir nous dira s’il a été visionnaire.

Parlons à présent de la recherche en Afrique si vous voulez bien.

Je suis heureux que vous évoquiez ce sujet. Il est intéressant et en même temps douloureux.

Intéressant car je ne l’ai pas dit plus haut mais que j’aurais pu dire est que la chloroquine est un dérivé synthétique d’une molécule provenant d’une écorce d’un arbre tropical. Beaucoup de médicaments (semi-synthétique ou synthétique) prennent leurs origines sur des plantes. Suivez donc mon regard lorsqu’on sait qu’elle est la biodiversité de la  flore de notre continent. Douloureux car en réalité, nous devons et nous pouvons faire mieux. Beaucoup de choses ont été faites avant nous. Beaucoup doivent encore être effectuées. Sans être exhaustif et pour ne pas citer tout le monde, des maîtres et collègues comme le Professeur B. Ngadjui de l’UY1, le béninois Dr Agon (avec qui nous partageons des amitiés communes), notre compatriote le Prof B. Eto ont des choses à nous dire et à partager. Dans chaque pays de notre continent, il y a des ressources. Le Minsante a fait des appels à projet de recherche dans le cadre de cette crise. Il faut espérer que cette crise aide à booster la recherche dans ce secteur particulier. Pour rappel, le Président Ahidjo a créé par décret en 1978 l’Impm (Institut de recherches Médicales et d’études des Plantes Médicales) qui dépend actuellement du Minresi. Quelque chose qui est très accessible pour nous au cas où certains protocoles évoqués plus haut montrent leur efficacité, serait de fabriquer ces médicaments pour certains dont le brevet est dans le domaine public ou d’obtenir les autorisations pour le faire.

Brenda Ngoufack

Note:

(1):   CoronaVIrus Disease 2019 (maladie à coronavirus de 2019)

(2): Severe Acute Respiratory Syndrome CoronaVirus 2 (coronavirus 2 du syndrome respiratoire aigu sévère)

(3):   https://clinicaltrials.gov/ct2/show/NCT04315948

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