Corps de la santé : Des médecins rongés par le chômage

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Selon BBC Afrique, au moins 2000 médecins ont obtenu leurs diplômes depuis 2020 au Cameroun, mais seuls 50 généralistes seront embauchés par l’Etat en 2023.

La vidéo en circulation sur la toile donne des tournis. Voir des médecins camerounais, après sept ans d’études, élever les poulets, frapper les parpaings et faire du petit commerce, n’est pas bon pour la santé. En effet, selon BBC Afrique, des milliers de médecins sont au chômage au Cameroun, et ils y font face de différentes manières. « A ma connaissance, ici à Douala je pense que je suis le seul médecin qui fait dans l’élevage des poussins du village comme ça. Tout récemment, on a perdu beaucoup de poussins. Je maîtrise beaucoup plus les êtres-humains », déclare le Dr Clément Difo avec ironie. Tout comme Dr Clément Difo, Robert, médecin généraliste vit la même situation. Il est rongé par le chômage.  « Moi j’avais travaillé dans une clinique on ne m’a pas payé. On a bouffé mon argent pendant deux à trois mois, ça m’a énervé, et puis, je fais des consultations à domicile à des prix très minables. Toute la journée comme ça, un médecin à seulement 5000Fcfa », s’indigne-t-il. Dans le passé, les médecins diplômés des facultés publiques se sont vu garantir en emploi public jusqu’à ce que cette politique prenne fin 2020 pour des raisons « budgétaires ».

En plus d’élever des poulets, clément a monté une entreprise de fabrication de briques et a une boutique. « J’ai toujours ce feeling. Ici ce n’est pas ma place. Un médecin ne doit pas se retrouver en train de faire la boutique, puisque je dois avoir quelque chose pour mon gagne-pain quotidien, je me force aussi à venir chaque jour et à me battre », dit-il. Il comptait sur le salaire de fonctionnaire pour financer ses études de spécialisation. « Je pense que c’est à la dernière année en faculté de médecine que les données ont changé. On se disait  même que c’était une blague, que c’était des fausses rumeurs. Mais on n’est pas toujours intégrés à la fonction publique », se désole Dr Clément Difo. Consulter à domicile sans permis de pratique privée est illégale, mais Robert refuse d’entreprendre des activités à part la médecine…, qu’il a passé sept ans à étudier. « J’ai beaucoup d’amour, beaucoup de respect pour cet endroit, car c’est cet endroit qui m’a formé, qui m’a permis d’être médecin généraliste. E fait le rêve qu’on avait lorsqu’on entre dans cette école, il nous a été volé par l’Etat. Et puis, ce n’est qu’un désespoir, ce ne sont que des pleurs », a-t-il ajouté.

Problèmes économiques

Dr Orphé Hott, syndicat des médecins du Cameroun. « Les explications se sont pas tout à fait claires, ils ne sont pas directement adressées au syndicat, mais de ce que nous savons, c’est que la principale motivation de la décision de ne plus recruter automatiquement, ce sont les problèmes économiques », dit le syndicaliste.  « Nous sommes peut-être dans le cadre d’une discussion sur le médecin aujourd’hui, mais il y a d’autres corps d’Etat qui ont le même problème. On ne peut pas indéfiniment tirer puisque la trésorerie doit suivre », justifie le ministre de la Santé publique,  Dr Manaouda Malachie. « Si après sept ans d’études, vous vous retrouvez en chômage, que représentez-vous pour votre voisin, votre petit-frère qui aura fait deux ans d’études et qui est aussi en chômage ?   Il perd tout espoir », se demande Dr Orphé Hott. Au moins 2000 médecins ont obtenu leurs diplômes depuis 2020. Seuls 50 généralistes seront embauchés par l’Etat en 2023. « Si un médecin n’est pas intégré, il souffre, il est au quartier, il part un peu de gauche à droite. Mais la plus grande victime dans cette situation, ça ne serait rien d’autre que la population camerounaise qui mérite d’être bien sur le plan sanitaire », robert. Il y a environ un médecin pour 7000 habitants au Cameroun, mais la plupart se trouvent dans les villes, laissent de nombreux déserts sanitaires dans le pays. « Evidemment que nous avons un gap. Gap ça veut dire qu’on n’a pas assez de médecins qui travaillent aujourd’hui dans notre dispositif sanitaire. Maintenant, est-ce que la seule voie qui existe est la fonction publique ? Je ne pense pas. Il y a également le privé. Par contre, l’exercice à son propre compte n’est pas dans son salon, ni dans sa chambre. C’est la création d’un institut privé qui remplit n’est-ce pas toutes les exigences pour pouvoir permettre aux camerounais de se soigner et d’avoir ses soins se qualités que nous recherchons  », conclut le Minsanté.

Clientèle privée

« La légalité, ça nous protège. Ça protège le médecin, ça protège le patient, ça protège l’Etat. Mais si vous n’avez pas le travail, vous n’êtes recruté par personne, alors le voisin qui vous demande, il sait que vous êtes médecin, il a mal à la tête, il fait de la fièvre. Il veut que vous le consultiez, mais en même temps, vous avez faim. Vous faites quoi ? Tout le monde n’ira pas dans le public, ça c’est vrai. Mais ça doit être un choix de travailler dans le public ou dans le privé. Aujourd’hui, on n’a pas de choix », regrette Dr Orphé Hott. « L’idée d’ouvrir une clinique privée, c’est une idée qui me tracasse le cerveau depuis un bon bout. Mais juste que dans notre contexte, il y a le fait qu’il fait attendre quelques années pour avoir l’autorisation d’exercer en clientèle privée. Et en même temps, une clinique, ça nécessite aussi beaucoup de moyens financiers », raconte Dr Difo Clément, qui a déjà fait une demande de permis d’exercice privé…, et entre ses trois entreprises, il travaille à la levée de fonds. On voit que en fait, le Cameroun se vide petit à petit de ses talents, de ces cerveau créateur et pour avoir obtenir quoi demain ? Mais aussi, chaque médecin va devenir comme un marchand, comme un commerçant qui ne s’intéresse qu’à son gagne-pain. On ne peut pas rendre le secteur de la santé comme un capitalisme absolu.

E.S.N

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